Interview : « Le futur ne sera pas fait de DRM »
Ashwin Navin, co-fondateur et président de BitTorent Inc., revient sur les modèles de téléchargement légaux. Pour lui, le modèle publicitaire dominera celui du DRM (Mesures techniques de protection) dans la longue lutte qui s'amorce sur le marché du téléchargement de vidéos. Pourtant, sa société a opté pour cette protection pour le lancement de son site dédié aux films*...
Digital World : Quelle est votre vision des DRM et comment cela va-t-il se répercuter sur le marché des téléchargements de films ?
Ashwin Navin : Le fond du problème est que le DRM est mauvais pour le diffuseur de contenu et mauvais pour le consommateur. Mais nous sommes au début d'un cycle pour l'industrie du divertissement et elle veut apprendre à marcher avant de courir, d'où son utilisation des protections. Je pense que le futur ne sera pas fait de DRM. C'est le modèle publicitaire qui devrait s'imposer car les diffuseurs veulent voir leur contenu largement distribué sur un maximum de plateformes. Et nous espérons prendre part à cette évolution.
Comment les DRM peuvent-ils nuire aux fournisseurs de contenus ?
Typiquement cela associe un utilisateur à une plateforme donnée. Ainsi, si j'achète une musique sur iTunes, je ne peux en bénéficier sur une autre machine. Certains consommateurs sont repoussés par ce genre de système. Ils ont peur d'acheter de nombreux titres qu'ils ne pourront utiliser au moment où ils changent d'appareil. Tout le monde n'est pas sûr de vouloir un iPod toute sa vie.
Quand pensez-vous ouvrir votre plateforme de films ?
Nous ferons ça pays par pays. Aux Etats-Unis, ce sera cette année. Nous avons publiquement annoncé des essais avec l'opérateur anglais NTL Group mais ce ne sera pas pour 2006.
Comment ce site se différenciera-t-il des autres ?
Avec le lancement d'Amazon et Apple dans ce secteur, nous avons réalisé que nous pouvions faire quelque chose d'intéressant et original. BitTorrent crée un levier qui permet aux utilisateurs d'obtenir plus rapidement leurs fichiers, particulièrement pour les plus populaires. Et nous voulons rassembler des contenus qui ne l'ont pas encore été. Nous n'avons encore rien annoncé mais des films chinois, indiens mais aussi américains feront partie de l'offre. Les utilisateurs comptent sur nous pour leur apporter ce qu'ils ont du mal à récupérer.
Mais encore, comment rendre cela attractif ?
Nous travaillons également avec des constructeurs pour intégrer notre technologie dans leurs produits et ainsi la liée au service. C'est la raison de mon déplacement à Taïwan. Asus a par exemple dévoilé une technologie compatible avec BitTorrent qui ne sera pas sur PC. Et nous espérons des accords similaires avec d'autres constructeurs taïwanais.
La peur du téléchargement illégal est-elle une menace pour vos projets ?
Cela dépend si le modèle économique est en adéquation avec le service. Si le bon service est proposé au bon prix, si le contenu est bon et qu'il est bien encodé, cela fonctionnera. Les utilisateurs de BitTorrent savent qu'un fichier avec peu de sources demandera du temps pour être téléchargé. Dans un environnement commercial, vous optimisez les qualités de BiTorrent en faisant en sorte que les sources soient nombreuses et que les pairs qui le souhaitent soient liés entre eux.
Tout le monde souhaite voir des contenus diffusés par Internet. Mais nous en sommes aux prémices et il y a beaucoup de choses à mettre en place comme un environnement confortable et un prix justifié. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour rendre le service attractif. Et aujourd'hui, cela consiste à faire converger les producteurs de contenus et les constructeurs vers cette plateforme. Et je pense que nous allons réussir.
*Consulter notre article sur la plateforme de téléchargement de films BitTorrent