Pour réduire les factures liées au refroidissement des supercalculateurs, Intel et SGI ont testé une solution submergeant complètement les circuits électroniques des serveurs x86 dans un liquide spécial. Pour éprouver ce concept, les deux entreprises ont construit un supercalculateur qui est donc conservé au frais en utilisant un fluide développé par 3M et appelé Novec. C'est un liquide diélectrique, ce qui signifie que les circuits électroniques peuvent être immergés dans ce fluide et continuer à fonctionner normalement.

Si le fluide Novec est déjà utilisé dans les systèmes d'extinction des incendies, Intel et SGI vont de l'avant en testant sa viabilité en tant que système de refroidissement plus efficace pour les ordinateurs. Ils espèrent ainsi supprimer les ventilateurs et éliminer la nécessité d'utiliser des tonnes d'eau pour refroidir les centres de calcul. Cette technologie a le potentiel de réduire de plus de 90% les factures d'énergie des datacenters, a déclaré Michael Patterson, ingénieur thermique chez Intel. Mais il va falloir relever plusieurs défis avant d'envisager une mise en production, et notamment la nécessité de concevoir de nouveaux serveurs et cartes mères. Le fluide Novec entoure le matériel et absorbe de la chaleur, en gardant les processeurs et les autres composants à une température constante.

Remplacer les flux d'air par un fluide diélectrique

Mais comme aujourd'hui les datacenters font face à un vrai défi avec le manque d'espace et la difficulté à générer suffisamment de flux d'air pour refroidir des serveurs de plus en plus puissants, la piste Novec pourrait s'avérer judicieuse. « Je peux voir quelque chose comme ça - après que le concept ait été raffiné et automatisé - pour concevoir des centres de calcul avec des capacités plus élevées et une empreinte énergétique plus faible », a déclaré M. Patterson. Intel et SGI ont déjà construit un supercalculateur équipé de puces Xeon directement immergées dans le fluide Novec, dans les locaux de 3M à St. Paul. D'autres expérimentations de ce type sont également testées. Intel travaille par exemple avec Iceotope sur une conception en pleine immersion un peu différente.


Le serveur SGI sur base Intel refroidi grâce à la solution d'immersion liquide Novec de 3M.

Cette architecture pourrait résoudre un gros problème - celui des entreprises qui ont besoin de réduire leurs factures d'énergie alors même qu'elles achètent des ordinateurs plus puissants - mais elle pourrait aussi exiger de revoir le duo traditionnel serveur/carte mère. « C'est à la fois une chance et un problème », a déclaré M. Patterson. Les serveurs ont toujours été conçus pour maximiser les flux d'air sur les composants, et le refroidissement par immersion est un concept très différent. Sur les cartes mères actuelles, les circuits sont disposés juste à bonne distance afin de maximiser la dissipation thermique. Avec la solution Novec, les circuits peuvent être intégrés beaucoup plus étroitement, ce qui entraine une modification profonde des serveurs pour datacenters. Les entreprises devront également repenser les interconnexions au niveau du rack, puisque les câbles optiques pourraient ne plus fonctionner une fois plongés dans le fluide Novec, selon le responsable technique d'Intel.

Des clients déjà prêts à essayer la solution

SGI a des clients prêts à essayer cette technologie, et sur la base de leurs commentaires, la firme va expérimenter de nouveaux designs de serveurs, a indiqué Bill Mannel, directeur de l'activité serveurs chez le constructeur américain. Si Intel n'a pas encore prévu de modifier sa feuille de route processeurs, la firme de Santa Clara pourrait concevoir dans un proche avenir les circuits nécessaires à cette plate-forme de refroidissement par immersion. « Je ne prévois pas une réduction de la taille des circuits, mais il y aura des changements quant à la puissance de la plate-forme et aux modules de gestion thermique », a déclaré Patterson.


Les cartes mères du serveur de SGI sont immergées dans le bain liquide Novec.

Joe Koch, directeur commercial chez 3M, a comparé Novec à un grand dissipateur de chaleur liquide. Quand les composants du serveur chauffent, les propriétés du liquide permettent d'absorber cette chaleur sans entrainer de surchauffe. Le fluide Novec peut aider les processeurs à fonctionner à une température constante, ce qui peut contribuer à réduire la déperdition électrique sur les puces. Un refroidissement par contact direct peut également permettre à Intel de concevoir des systèmes beaucoup plus dense, a-t-il dit.

Pour tester Novec, les deux entreprises travaillent également avec le Naval Research Laboratory de la marine américaine, le Lawrence Berkeley National Laboratory et le fabricant d'équipements Schneider Electric. Il pourrait toutefois se passer un certain temps avant que les entreprises achètent des serveurs refroidis par immersion, mais Intel pense cette technologie a de l'avenir. « Nous n'aurions pas avancé sur le sujet si nous ne croyions pas qu'il avait un potentiel », a déclaré M. Patterson. « C'est pourquoi nous pensons déjà à l'étape suivante et continuons à en apprendre davantage sur Novec ».