Il y a cinq ans, Intel faisait face à une transition inattendue : son directeur général, Paul Otellini, démissionnait, deux ans avant son départ attendu à la retraite. C'est son COO, Brian Krzanich, qui prenait alors sa place. Et aujourd'hui c'est au tour de M. Krzanich de partir à l'improviste, après avoir violé une politique d'Intel contre la fraternisation avec les employés.
Brian Krzanich et Intel ont cependant su répondre aux défis du secteur, à savoir un marché des PC en déclin et les efforts continus d'Intel pour briser un marché mobile qui a obstinément résisté à son entrée. La question pour les clients, cependant, est de savoir quel effort le nouveau chef d'Intel consacrera au marché du PC qui a porté Intel pendant des décennies.
Une direction rondement menée, avec quelques accros
Il est difficile d'argumenter contre la direction Krzanich durant ses cinq années. Au moment de sa prise de poste, au deuxième trimestre de 2013, le chiffre d'affaires de la division PC de la société était en baisse à 12,8 milliards de dollars pour le trimestre. Depuis lors, les revenus d'Intel ont atteint des niveaux record. La société s'attend en effet à générer 16,9 milliards de dollars au moment de la publication de ses résultats, fin juillet. Le prix des actions d'Intel a également presque doublé sous la direction de Brian Krzanich.
Mais Intel fait également face à de sérieux vents contraires. Sa technologie de fabrication a été largement bloquée au niveau des 14 nm pendant plusieurs années, avec une expansion lente vers la prochaine itération, 10 nm. Gartner a déclaré que 61,7 millions de PC ont été expédiés au premier trimestre de 2018, soit le 14e trimestre consécutif de baisse des ventes de PC. Alors que le désormais ancien CEO a passé des heures à parler publiquement de l'accent mis par Intel sur l'Embedded space, les capteurs et l'intelligence artificielle, ces divisions (Internet of Things Group d'Intel et Programmable Solutions Group) gagnent toujours moins d'un milliard de dollars par trimestre. Intel a également réussi à faire la transition vers des processeurs premium haut de gamme et plus onéreux pour les jeux, via sa série Core i9. Le processeur Xeon de la société pour les serveurs reste solide. Et grâce à un partenariat avec Micron, le fondeur a développé ce qu'il appelle la mémoire Optane, qu'il offre exclusivement comme une sorte de technologie d'accélérateur de système pour PC.
L'ancien CEO a passé des heures à parler publiquement de l'accent mis par Intel sur ces activités connexes. Notamment les technologies de conduite autonome, que Brian Krzanich présentait ici avec Mobileye au CES 2018. (Crédit : Intel)
Tous ces éléments signifient que, traditionnellement, Intel a toujours fait ses promotions de postes en interne. Pariant que l'expérience accumulée au sein de la société aidera le CEO à commencer son action sur les chapeaux de roue. En effet, Brian Krzanich et le président Renee James auraient adopté une sorte de stratégie « Intel first » au moment du remplacement de Paul Ortellini, contre les candidatures extérieures. Mais alors qui prendra cette place stratégique ?
Qui est-ce ?
Pour le moment, c'est Robert Swan, directeur financier du fondeur, qui assure l'intérim d'après l'entreprise. Bien qu'il soit directeur financier depuis 2016, sa biographie officielle indique qu'il est un outsider. Robert Swan a passé neuf ans en tant que directeur financier d'eBay, et son seul poste de directeur général a été celui de Webvan, l'un des initiateurs de dot-com. Ce parcours signifie donc vraisemblablement qu'il ne sera pas nommé en tant que CEO permanent.
Venkata M. Renduchintala, un dirigeant clé d'Intel, pourrait être l'un des candidats au remplacement de Brian Krzanich. Mais il peut être désavantagé puisqu'il vient de l'extérieur de l'entreprise. (Crédit : Intel)
Une preuve potentielle de cette stratégie serait que le conseil d'administration considère la nomination de Venkata Murthy Renduchintala, président de la division Technologie et Architecture d'Intel. Ce vétéran de Qualcomm aurait rejoint Intel pour aider ce dernier à percer dans les marchés de faible puissance et mobiles auxquels Qualcomm s'adressait. Un autre outsider et vétéran de Qualcomm, Cormac Conroy, a été directeur général de Berkana Wireless avant de rejoindre Intel en tant que chef de la partie Communication et terminaux. Comme Brian Krzanich, Cormac Conroy a une formation d'ingénieur, avec plus de 20 brevets à son nom.
Navin Shenoy, Rob Crooke ou Patrick Gelsinger aussi challengers
Si Intel promeut de l'intérieur, Navin Shenoy est un candidat possible pour remplacer Brian Krzanich. (Crédit : Intel)
Plusieurs autres candidats internes semblent également probables. Navin Shenoy, vice-président exécutif du groupe datacenter d'Intel, qui consolide les efforts de l'entreprise autour de l'IA en cours d'exécution sur le processeur Xeon. Navin Shenoy peut également se vanter de son passé en tant que directeur général du Client Computing Group et de trois ans en tant que chef de cabinet de Paul Otellini, lui donnant une vision dans plusieurs domaines clés de l'activité d'Intel, y compris le rôle de DG. Autre remplaçant potentiel, Rob Crooke, dont les premières expériences dans la supervision des plates-formes commerciales d'Intel complètent son rôle actuel dans la supervision des activités de mémoire d'Intel (y compris Optane).
Le nom de Patrick Gelsinger circule également. Ce vétéran d'Intel est devenu le chef de la direction de VMware en 2012 mais pourrait être rappelé au bercail. Et, bien sûr, le conseil d'administration pourrait ouvrir la porte à tous ceux qui combinent une expertise en ingénierie et en affaires, appréciés au sein de la direction d'Intel.
Quelle direction prendre ?
La question clé est, cependant, de savoir si le conseil veut continuer à aller dans la direction de Brian Krzanich - à savoir le maintien des activités PC d'Intel tout en investissant dans le développement de ses activités périphériques comme la logique programmable, la mémoire et les communications - ou de choisir de se recentrer dans son cœur de métier de fondeur et tenter de se débarrasser de la menace croissante d'AMD dans les processeurs de PC et de serveurs. Rappelons également qu'Intel a récemment embauché Jim Keller, concepteur de puces de Tesla, et Raja Koduri, d'AMD. Le travail de ce dernier est d'architecturer un programme graphique discret, peut-être pour concurrencer AMD et Nvidia dans les PC. Un tel effort pourrait bien être mis en attente par le changement de leadership.
Compte tenu de la hausse constante du chiffre d'affaires et du cours de l'action d'Intel, il est peu probable que la société change de cap. Au contraire, la société était prête à abandonner des initiatives qui ne se déroulaient pas. En 2009, Intel a acheté le développeur de logiciels intégrés Wind River Systems pour 884 millions de dollars, puis l'a vendu à TPG pour une somme non divulguée en avril dernier. L'entreprise a continué à se débattre dans l'espace des communications, en passant largement sur la 4G et pariant beaucoup sur la transition 5G. Ce qui a été l'une des erreurs principales faites par Intel au cours de la dernière décennie.
Intel, qui a dû abandonner sa mécanique bien huilée qui a fait progresser son industrie pendant des années, a démontré qu'elle pouvait réussir sa transformation. Mais comme cette mécanique continue de rouiller, le fondeur doit aujourd'hui remplacer l'un de ses rouages clés. Et cette décision devra être intelligente et être prise rapidement.