Créé le 16 juin 1911 (le 15 juin en fait mais l'enregistrement officiel a été fait le 16), sous le nom de CTR (Computing Tabulating Recording), IBM approche de son centenaire. La firme d'Armonk qui a ouvert son premier bureau étranger à Paris en 1914, deviendra International Business Machines en 1924, comme nous l'a rappelé Alain Benichou, président d'IBM France depuis janvier 2010. « Pas sûr qu'aujourd'hui la France occupe la même place dans le monde », souligne malicieusement le dirigeant qui assure toutefois que « 100 ans après, cette entreprise  a pratiquement tout changé. Il y a 50 ans, Tom Watson junior indiquait déjà qu'IBM était prêt à tout changer sauf ses valeurs (clients, innovation, responsabilité interpersonnelle) ».


Création de CTR en 1911


Aujourd'hui fort de ses 100 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2010 (contre 120 milliards pour HP, mais avec les imprimantes et les PC) dont 4 milliards en France, IBM n'est plus la petite « start-up » des débuts, mais tient à conserver une ligne claire : « Nous ne sommes pas le General Electric de l'informatique » pointe ainsi Alain Benichou en faisant référence à une autre compagnie, californienne cette fois. « Nous sommes sortis du marché grand public avec la vente de la division PC en 2002 suivie du rachat de PwC pour renforcer notre activité conseils et services ce qui nous a permis de devenir la pemière société de services mondiale. Nous allons résolument vers une stratégie de montée en valeur ». Une stratégie suivie avec 5 ans de retard par HP qui a racheté EDS en 2008 (13,9 milliards de dollars) sans toutefois procéder au spin off de ses activités PC et imprimantes que demandent un grand nombre d'analystes financiers.


Tom Watson, jr

IBM et HP toujours au coude à coude

Si pour les principales activités (cloud, serveurs, Unix, sécurité, administration de systèmes ou services/infogérance) HP et IBM se marquent « à la culotte », les principales différences portent pour le premier sur la gamme stockage (avec 3Par) et l'offre réseau (avec 3Com) et pour le second sur la poursuite de l'activité mainframe, la richesse du catalogue applicatif, le dépot de brevets et enfin le développement du programme SmartCity. Avec le projet City Command Center développé à la Gaude, IBM souhaite par exemple doter les villes et les agglomérations urbaines d'outils de monitoring et d'analyse prédictive pour les secteurs des transports, de la santé, de la sécurité publique, de l'éducation, des télécommunications, de l'énergie et de l'eau.



Si on se souvient qu'IBM a créé la disquette souple, on sait moins que la firme est également à l'origine du code-barre en 1973.

« Nous avons proposé à la mairie de Rio de Janeiro de calculer la densité des favelas sur les collines [à l'aide des signaux des téléphones mobiles] pour prédire les glissements de terrains cas de forte pluie », nous a expliqué Alain Benichou. Plus près de nous, la ville de Nice a remporté en mars dernier le Challenge Smarter Cities  pour bénéficier de l'expertise d'IBM en matière de planification stratégique, de gestion des données et de compétences technologiques (une aide évaluée à 400 000 dollars environ). L'objectif est d'établir un diagnostic précis, ainsi que des recommandations à mettre en oeuvre permettant à la ville de répondre à l'un de ses grands défis de l'avenir : la congestion de son centre-ville. D'autres villes dans le monde comme Singapour, Glasgow, Helsinki ou encore Sapporo bénéficieront du concours de Big Blue pour réfléchir à l'amélioration de la gestion des problèmes urbains. IBM n'est pas totalement désintéressé dans cette affaire, car au final les solutions déployées reposeront en grande partie sur des solutions bleues.

Modernisation de l'état, pas de réponse de l'Elysée

En France, la direction d'IBM est également montée à l'assaut d'un vaste chantier, la modernisation du secteur public, en remettant le 3 mars dernier au président Sarkozy une « monographie » réalisée par les consultants maison sur les économies réalisables. « En suivant certaines de nos recommandations, il serait possible d'économiser 2 milliards d'euros sur le budget de fonctionnement », assure Alain Benichou. «  En mutualisant la gestion des notes de frais des fonctionnaires, en rationalisant l'usage des datacenters [...] et encore, cette étude a été chiffrée à minima. Un DSI de l'État français a bien été nommé, mais il faut attendre six ans avant la moindre action », se désole le président d'IBM France qui n'a toujours pas obtenu de réaction de l'Élysée ou du gouvernement sur son rapport. De l'aveu même du dirigeant, le chiffre d'affaires réalisé par IBM dans le secteur public français [régalien, NDLR] reste très faible.

Participation d'IBM au programme spatial US, ici sur la capsule Gemini en 1965

Et pour rester dans l'actualité, la publication des membres du récent Conseil National du Numérique a laissé pantois le président d'IBM France. Ce dernier assure ne pas bien comprendre qui représentent "certains géants générant moins de marge qu'un carnet de timbres [voir la liste des fameux membres pour comprendre NDLR]." Pour mémoire en 2010, IBM a réalisé un chiffre d'affaires de 4 milliards d'euros et envoyé un chèque de 100 millions d'euros au fisc. Pour développer l'industrie numérique, Alain Benichou propose d'opérer dans un environnement supportant de contraintes régaliennes et  d'impulser l'économie numérique par le haut - c'est à dire en commençant par l'état avec un grand projet de dématérialisation.

Peu de vrais gros projets cloud concrétisés

Toujours en 2010, la croissance d'IBM France a été portée par les transformations réalisées dans la banque, la distribution et le secteur des transports. Alain Benichou avoue suivre beaucoup de discussions sur des projets cloud chez les clients, Carrefour ou chez Danone par exemple, mais bien souvent les réalisations ne sont que des ballons d'essai. Quelquefois l'expertise d'IBM se heurte aux spécificités de certains pays. La compagnie des chemins de fer chinois a par exemple demandé à Big Blue une plate-forme de gestion et de vente de tickets. Fort de son expertise pour Deutsche Bahn, la SNCF ou le système Sabre, la compagnie d'Armonk pensait répondre sans problème au besoin du gouvernement chinois sauf que le cahier des charges table sur un volume annuel de 20 milliards de réservations. Et il ne suffit plus d'aligner les mainframes pour supporter un tel trafic. Un centre dédié a donc été créé avec l'université de Pékin pour régler le problème.

Système de réservation Sabre en 1962

Pour revenir à la France et aux cinq ans qui attendent IBM, Alain Benichou souhaite avancer dans le secteur public et  accompagner la montée en valeurs des IBMers . Ce dernier sujet semble particulièrement tenir au coeur du dirigeant. Aider les salariés de la grande maison à développer leurs compétences techniques et leur esprit d'entreprise.

Crédits photos : IBM