Suite aux travaux commandés par la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) américaine, IBM a développé un paradigme de programmation, un simulateur associé et une bibliothèque logicielle de base, pour son processeur expérimental SyNAPSE.  D'après ces travaux, il semble que ces processeurs peuvent être utilisés avec des systèmes de capteurs très basse énergie et qu'ils sont capables de puissantes fonctions de traitement. « Notre objectif final est de créer un cerveau dans une boîte », a déclaré Dharmendra Modha, responsable de l'équipe de chercheurs travaillant sur le projet et senior manager d'IBM Research. Grâce à cette technologie, il sera un jour possible de construire des systèmes qui « imitent certaines fonctions du cerveau humain sur le plan de la perception, de l'action et de l'apprentissage », a-t-il déclaré.
Ce travail est une continuation du projet de la DARPA dont l'objectif était de mettre au point un système capable de reproduire la manière dont le cerveau humain traite l'information. Initialement, le but du projet SyNAPSE (Systems of Neuromorphic Adaptive Plastic Scalable Electronics) de la DARPA était de concevoir des dispositifs informatiques constitués de milliards de petits coeurs de processeur pouvant tenir dans un volume de deux litres, et utilisant moins d'énergie qu'une ampoule.
53 M$ de financement
Lors de l'International Joint Conference on Neural Networks (IJCNN) qui s'est tenue cette semaine à Dallas (4-9 août 2013), IBM a présenté la troisième phase du projet SyNAPSE, jusque-là entièrement financé par la DARPA (environ 53 millions de dollars). Big Blue travaille aussi en collaboration avec l'Université de Cornell et iniLabs, plus six autres universités et plusieurs centres de calcul intensif gouvernementaux. En terme de design, les puces du projet SyNAPSE diffèrent radicalement de l'architecture von Neumann de l'informatique actuelle dans la mesure où les calculs sont faits en série et rapidement.
En revanche, ce modèle fonctionne avec plusieurs coeurs de processeurs basse consommation montés en parallèle. Comme l'explique IBM, cette architecture reproduit la manière dont fonctionne le cerveau humain. Chaque « noyau neuro synaptique » a sa propre mémoire (« les synapses »), un processeur (« le neurone »), et le conduit de communication (« les axones »), lesquels fonctionnent tous ensemble selon des modalités basées sur les évènements. En travaillant ensemble, ces noyaux sont capables d'une reconnaissance des formes nuancées et d'autres fonctions de détection, à l'image de ce que fait le cerveau.
Une programmation basée sur des corelets
Lors de la conférence, IBM a dévoilé un écosystème logiciel pouvant être utilisé avec ces processeurs. En particulier, il a montré un simulateur capable de faire tourner un réseau virtuel de noyaux neuro synaptiques à des fins de test et de recherche. IBM a également mis au point un système neuronal et a montré comment fonctionnait le coeur du processeur, notamment comment il perçoit, se souvient et agit selon le type de message qu'il reçoit.
L'entreprise a également révélé un modèle de programmation basé sur des blocs réutilisables et empilables, appelé corelets, le corelet étant en quelque sorte l'unité atomique de ce modèle de calcul neuronal. Le moteur du corelet est invisible et le programmeur ne voit que ce qui entre et sort. « Le programmeur ne voit que les fils entrant et sortant », a expliqué Dharmendra Modha. Chaque corelet est lui-même une sorte de petit réseau de neurones. Il peut être combiné avec d'autres corelets pour construire une fonctionnalité. « On peut composer des algorithmes et des applications complexes en combinant des boîtes hiérarchiquement », a déclaré le senior manager d'IBM.
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Les chercheurs de la firme d'Armonk ont déjà composé 150 corelets, qui ont été associés dans une bibliothèque de programmes. La société a également développé un programme d'apprentissage, une bibliothèque d'application et des designs prototypes pour la nouvelle architecture. Selon Dharmendra Modha, ce type d'informatique n'est pas destiné à remplacer les ordinateurs actuels. « Aujourd'hui, les ordinateurs sont parfaits pour le traitement analytique, le traitement symbolique et le calcul arithmétique », a-t-il dit.
À l'inverse, les puces SyNAPSE pourraient servir un jour à fabriquer d'excellents outils d'appoints, comme des capteurs basse consommation d'un réseau sensoriel. Contrairement aux capteurs actuels, les systèmes SyNAPSE seront capables d'effectuer les nombreux calculs préliminaires nécessaires pour reconnaître des modèles. « Nous envahissons la terre et l'espace de capteurs, de caméras, de micros. Nous transportons ensuite toutes leurs données vers des centres de calcul pour les analyser. Nos puces basse consommation ont des capacités neuronales, une aptitude à effectuer de la reconnaissance de formes, et pourront prendre en charge un calcul intelligent. Le capteur devient l'ordinateur », a déclaré le senior manager d'IBM Research.
Différents types d'utilisation
Par exemple, ces capteurs intelligents peuvent être utilisés pour fabriquer des lunettes pour malvoyants. Ils pourraient recueillir des informations sensorielles et les traduire en une forme que la personne malvoyante est capable de comprendre. Ou bien, on pourrait fabriquer des bouées avec des capteurs sensoriels que l'on disperserait sur l'océan pour recueillir différents types d'informations, comme la température, la pression atmosphérique, le taux d'humidité, mais aussi pour la surveillance des tsunamis et pour gérer les couloirs de navigation maritime », a encore ajouté Dharmendra Modha.