La naissance de plusieurs générateurs d'images, comme DALL-E, Midjourney ou Stable Diffusion, reposant sur des IA entrainées sur de vastes corpus de données, ne pouvait manquer de soulever la question des droits d'auteur. De facto, les choses n'ont pas traîné, puisque Getty Images, un des géants des banques d'images en ligne, poursuit l'éditeur du moteur d'images Stable Diffusion, Stability AI, devant des tribunaux britannique et américain. « Stability AI a illégalement copié et traité des millions d'images protégées par le droit d'auteur ainsi que les métadonnées associées [...], sans licence, au profit des intérêts commerciaux de Stability AI et au détriment des créateurs de contenu », écrit Getty dans un communiqué.
L'enjeu pour le géant américain ? Pousser les éditeurs d'outils d'IA à prendre une licence donnant accès à ses contenus, ce que certains auraient fait, assure Getty. Autre poids lourd des visuels vendus en ligne, Shutterstock a, de son côté, noué un partenariat avec OpenAI qui a pu s'appuyer sur la banque d'images pour entraîner son algorithme. En échange, les clients de Shutterstock bénéficieront d'un accès direct à DALL-E pour créer des images à partir d'un requête texte. Pour Getty, Stability AI a délibérément choisi d'ignorer l'option de la licence ou du partenariat - et la garantie juridique qui s'y rattache. Au total, 12 millions d'images seraient concernées, assure Getty, qui produit des images issues de Stable Diffusion présentant toujours le marquage (watermark) provenant de la banque d'images.
L'IA est-elle un contrefacteur au sens de la loi ?
L'issue de ces premiers procès est évidemment clef pour l'avenir des outils d'IA générative. C'est leur existence ou, à minima, leur modèle économique qui en dépend. L'arrivée de ces outils devrait ouvrir de vastes débats sur les contours et limites de la propriété intellectuelle. En droit américain, la notion de Fair Use (soit l'usage raisonnable) apporte des limitations et exceptions aux droits d'auteur, le droit britannique comportant une notion similaire (appelée Fair Dealing). Reste donc à savoir si la justice de ces deux pays accordera aux outils génératifs d'IA le bénéfice de ces régimes d'exception.
En droit français, pour être considérée comme originale, une oeuvre doit être empreinte de la personnalité de son auteur. « Ce qui suppose une démarche consciente ; dès lors, une intervention humaine serait une condition sine qua non à la protection de l'oeuvre par le droit d'auteur, de sorte que les créations issues de l'IA ne sont pour l'heure pas protégeables par le droit d'auteur en France », écrit le cabinet Haas Avocats dans un billet de blog. Pour autant, l'autrice du billet, Claire Banassar, relève que notre droit ne définit pas la notion de contrefacteur. « Aussi, en l'absence de définition de ce terme, est-il possible de considérer qu'il est possible d'être plagié par une IA ? », relève l'avocate. L'absence de décision rendue par les juridictions françaises ou européennes sur ce point précis ne permet pas, pour l'heure, de trancher cette question essentielle.