Amputé de près d’un tiers de ses revenus suite aux sanctions américaines et à la vente des activités Honor (smartphone) et serveurs x86, le chiffre d’affaires de Huawei est passé de 100 milliards de dollars en 2019 et 2020, à 71 milliards en 2021. Le fournisseur chinois a su rebondir en 2022 pour remonter à 92,4 Md$ en misant sur l’innovation dans les secteurs des télécoms (40,8 Md$), des infrastructures IT (EBG 19,2 Md$), des terminaux grand public (CBG 30,8 Md$) renforcés par des développements dans l’automobile (avec des partenaires comme Seres Group pour la gamme Aito), et les équipements électriques pour l’industrie et la maison. Toutes les solutions et tous les produits ne sont pas disponibles en Europe – les serveurs Ascend sur base ARM, les voitures thermiques et électriques développées avec Avatr et Aito, les bornes de recharge électrique ou les smartphones Mate 5G sous HarmonyOS désormais privés des services Google – mais le dynamisme du marché intérieur chinois a permis à Huawei de redresser la barre et d’envisager l’avenir avec sérénité.
Lors de son événement Connect à Shanghai, du 20 au 22 septembre, la firme de Shenzhen a mis en avant ses derniers développements dans le domaine du calcul intensif et de l’IA pour proposer des solutions innovantes dans divers secteurs verticaux et développer une « épine dorsale informatique » à destination des entreprises et des gouvernements. En ouverture de la keynote du 20 septembre, Sabrina Meng (Meng Wanzhou), présidente tournante – jusqu'au 1er octobre – et directrice financière de Huawei, a réitéré l'engagement de l'entreprise en dévoilant un programme intitulé « Accélérer la transformation intelligente ». La fille du fondateur de Huawei (Ren Zhengfei) a décrit les efforts continus de l’entreprise pour approfondir les technologies fondamentales de l’IA et construire une base cloud solide pour la Chine, malgré les sanctions américaines qui privent le fournisseur chinois des composants clefs les plus performants dans ce domaine, comme les processeurs Intel Xeon Shapphire Rapids et les accélérateurs GPU Nvidia H100. « Nous continuerons à renforcer la synergie entre le matériel, les logiciels, les puces, la périphérie, les terminaux et le cloud pour fournir un terrain fertile à un écosystème prospère. Notre objectif final est d’aider à répondre aux divers besoins informatiques de différentes industries en matière d’IA » a indiqué la dirigeante chinoise, une des femmes parmi les plus puissantes en Asie. Rappelons que Huawei emploie près de 207 000 employés - dont près de la moitié à la R&D - dans 170 pays (15 000 personnes en Europe dont 1 200 en France).
Reposant sur des grappes de serveurs Ascend, l'Atlas 900 SuperCluster affiche une puissance de calcul de 200 pétafliops. (Crédit Huawei)
Une autre option IT pour le monde
Handicapé sur le marché international par les sanctions américaines et la méfiance affichée de la Grande-Bretagne, de l’Australie, du Canada, de la Nouvelle-Zélande et de l’Allemagne vis-à-vis de ses solutions 5G (cœur de réseau et antennes), Huawei souhaite devenir « une autre option pour le monde », comme l’a expliqué la CFO lors de sa keynote pour indiquer que l'entreprise se concentre toujours sur le leadership mondial dans ses domaines de prédilection avec sa stratégie All Intelligence. Cette dernière entend aider tous les secteurs à tirer le meilleur parti des opportunités stratégiques engendrées par l’essor de l’IA et des grands modèles de langage (LLM). Cette architecture de référence chinoise pour l’IA repose sur des travaux réalisés par des partenaires comme iFlytek, une entreprise en partie détenue par Pékin.
L'écosystème IA de Huawei entend apporter aux entreprises des solutions développées avec des partenaires comme iFlytek. (Crédit S.L.)
Pour accompagner cette exploitation intensive de l’IA dans les entreprises, Huawei a mis en avant son supercomputer Ascend AI Atlas 900 SuperCluster, qui peut prendre en charge l'exécution de grands modèles avec plus d'un milliard de paramètres. Reposant sur l’architecture OpenAi hardware, ce cluster repose sur 2250 nœuds Ascend 910 exploitant des puces maison HiSilicon Kunpeng 920 (avec 64 cœurs) gravées en 7 nm. Soit la même finesse que le processeur Kirin 9000S équipant le smartphone 5G Mate 60 Pro, mais avec huit cœurs. La puissance de calcul revendiquée par Huawei atteint les 200 pétaflops. Avec cette plateforme Atlas 900 SuperCluster, le fournisseur entend répondre aux besoins du secteur public, de la finance ou encore de l’industrie en Chine et dans les pays cherchant à échapper au contrôle technologique et stratégique exercé par les autorités américaines. En Europe, cette question ne se pose pas puisque toutes les solutions exploitant des CPU et des GPU sont disponibles. Interrogé sur la commercialisation de ce cluster en Europe, un dirigeant de Huawei a été incapable de nous dire si tel sera le cas. Précisons que certains Atlas 900 comme le PoD (17,92 pétaflops avec 32 processeurs Kunpeng 920) sont bien présents au catalogue français. En complément, Huawei a également mis à jour le langage de programmation Ascend C pour simplifier le cycle de développement de modèles et d’applications tournées vers l’IA capables d’exploiter cette plateforme de calcul. Comme nous l’a expliqué un dirigeant de Huawei la semaine dernière en Chine, « si un marché semble prometteur pour Huawei, nous sommes capables de développer des solutions pour y répondre ».