Lors de la 10e conférence anniversaire de la Software Freedom Law Center qui s'est tenue à New York avant le week-end, Martin Fink, le directeur du HP Labs, a présenté la nouvelle architecture de la Machine de HP. Basée sur une mémoire persistante, celle-ci modifie radicalement l'informatique de Von Neumann.
Les efforts accomplis par HP pour mettre au point une toute nouvelle architecture informatique, potentiellement plus simple et beaucoup plus rapide, semblent porter leurs fruits, puisque le constructeur a annoncé que son Labs fournirait un prototype fonctionnel vers la fin de l'année 2016. D'après Martin Fink qui s'est exprimé vendredi lors de la 10e conférence anniversaire de la Software Freedom Law Center à New York, « si l'architecture de la Machine de HP fonctionne aussi bien que prévu, tout le secteur informatique, depuis les chercheurs jusqu'aux administrateurs système, devront revoir leurs façons de travailler ».
C'est en juin dernier, lors de la conférence utilisateur Discover, que HP avait révélé son projet de Machine, annonçant qu'il pourrait commercialiser ces ordinateurs d'un nouveau type dans les 10 ans à venir. Mais Martin Fink a affirmé que le Labs pourrait livrer un prototype opérationnel en 2016, laissant à l'entreprise quelques années supplémentaires pour travailler sur les bogues. Machine veut repenser l'architecture informatique de Von Neumann qui a dominé jusqu'ici, avec son ordinateur, son processeur, sa mémoire et son espace de stockage : pour faire tourner un programme, le processeur charge les instructions et les données inscrites sur la mémoire de stockage dans la mémoire vive pour exécuter les opérations, puis copie si nécessaire les résultats sur le disque où les données sont conservées de façon permanente ».
La RAM actuelle a atteint ses limites
Parce que les techniques de fabrication pour produire cette mémoire de travail - la RAM - ont atteint leurs limites, l'industrie doit trouver une autre forme de mémoire et a commencé à développer différents modèles expérimentaux de mémoire de prochaine génération. HP travaille sur sa propre version, nommée memristor, sur laquelle est basée sa Machine. Les nouveaux modèles de mémoire ont tous une caractéristique commune, celle de la persistance, c'est-à -dire qu'en l'absence d'énergie, le contenu est préservé, contrairement à la RAM actuelle. À ce titre, ils peuvent remplacer des systèmes de stockage traditionnels, disques durs ou disques SSD. Cela signifie que les ordinateurs peuvent puiser directement les données dans cette mémoire - les memristors dans le cas de HP - sans avoir à déplacer les données entre la mémoire de travail et la mémoire de stockage.
« Un tel changement, apparemment simple, dans l'architecture se traduit néanmoins par une série de modifications radicales dans le calcul informatique », a expliqué Martin Fink. En théorie, la nouvelle architecture permettra de créer des ordinateurs beaucoup plus puissants. Selon HP, un ordinateur adoptant le design de sa Machine pourrait être six fois plus performant et consommer 80 fois moins d'énergie. Le directeur du HP Labs a déclaré que le prototype en cours de développement compterait 150 noeuds de calcul et 157 pétaoctets de mémoire adressable. « Il faudra aussi un tout nouveau système d'exploitation pour faire tourner la Machine », a ajouté Martin Fink. Le principal travail d'un OS est de copier les données dans les deux sens entre la mémoire et le disque, or dur, la future Machine n'aura plus à effectuer ces tâches de lecture et d'écriture des données. Le HP Labs travaille sur un OS entièrement nouveau appelé Carbon, dont le code sera disponible en Open Source dès l'année prochaine. Le Labs est également en train de modifier une version de Linux, provisoirement appelée « Linux ++ », qui doit aider les utilisateurs à faire la transition depuis l'informatique de Von Neumann.
Les bases de données relationnelles bientôt archaïques
Il sera peut-être aussi nécessaire de repenser les applications. En particulier, les bases de données relationnelles risquent de devenir archaïques en raison de leurs mécanismes complexes d'indexation et de suppression des données sur les disques une fois la transaction terminée. « La nouvelle architecture fait disparaître la notion de persistance secondaire », a déclaré Martin Fink. Les bases de données fonctionneront davantage comme les bases de données dites à graphes, où le programme cherche à optimiser toutes les données disponibles pour répondre à une requête particulière. Le directeur du HP Labs a fait remarquer que Facebook avait développé une certaine expertise de cette approche, dans le sens où le réseau social possédait et traitait en continu un ensemble d'informations interdépendantes desservies ensuite à son milliard d'utilisateurs. « Hadoop pourrait être plus naturellement adapté à cette nouvelle architecture, étant donné que, contrairement aux bases de données relationnelles, il n'a pas besoin d'imposer un ordre hiérarchique sur les données elles-mêmes », a encore expliqué Martin Fink.
« L'autre avantage de l'architecture de cette Machine, c'est sa simplicité », a aussi affirmé le directeur du HP Labs. Actuellement, un système comporte en moyenne entre neuf et 11 couches de données de stockage, depuis les caches L1 ultrarapides jusqu'aux couches lentes des disques durs. Chaque couche est un compromis entre persistance et vitesse. Cette hiérarchisation implique toujours plus de complexité dans le design. L'architecture de mémoire persistante peut simplifier une grande partie de la conception et accélérer les processus. « L'objectif de Machine est d'éliminer la hiérarchie », a déclaré Martin Fink.