Hewlett-Packard avait formulé des inquiétudes après le recrutement de son ancien PDG, Mark Hurd, au poste de co-président d'Oracle. Le groupe s'inquiétait que la firme de Redwood Shores puisse tenter une OPA hostile contre lui. C'est ce qu'a déclaré le principal avocat d'Oracle, hier, dans le cadre du procès qui oppose la société fondée par Larry Ellison et celle dirigée depuis l'automne dernier par Meg Whitman.

HP a attaqué Mark Hurd en justice peu de temps après que celui-ci ait rejoint Oracle en septembre 2010 et les deux groupes californiens ont rapidement cherché à trouver une issue à ce différend. L'une des principales demandes de HP portait sur un moratoire bloquant les offres de rachat que pourrait faire Oracle sur une période donnée, a expliqué Dorian Daley, vice-président senior, secrétaire général et conseiller juridique d'Oracle et l'un des acteurs-clés dans les négociations conduites avec HP. Mais elle a balayé ces craintes.

« J'ai dit, 'vous moquez-vous de moi' », a-t-elle relaté, interrogée par Oracle face au juge James Kleinberg, à la cour supérieure du comté de Santa Clara, sise à San Jose (Californie). Un procès suivi par nos confrères d'IDG News Service. « C'était une demande très surprenante, de mon point de vue », parce que HP est trois fois plus gros qu'Oracle, a-t-elle rappelé.

Le « Hurd Agreement » au coeur du procès

C'est l'accord, désigné sous le nom de « Hurd Agreement », trouvé par les deux sociétés quelques semaines après le procès déclenché par HP, qui est au coeur du dossier examiné par le tribunal. En mars 2011, quelques mois après sa mise au point, Oracle a annoncé qu'il allait arrêter le portage de son logiciel sur la plateforme serveur Itanium utilisée par HP.

HP a donc attaqué son ancien partenaire pour rupture de contrat, en affirmant que le « Hurd Agreement » demandait à Oracle de continuer à offrir sa base de données et d'autres logiciels pour la plateforme Itanium. La société de Larry Ellison lui a répondu qu'il n'était pas contraint de le faire et qu'il abandonnait Itanium parce que la plateforme se mourrait. L'affaire a suscité des réactions émotionnelles, chacune des deux parties ayant eu l'impression d'avoir subi des trahisons.

A ce stade du procès, qui doit se terminer le 25 juin, le juge Kleinberg devra décider s'il y avait bien un contrat entre les sociétés et quels en étaient les termes. S'il considère qu'il y en avait un, l'affaire pourrait évoluer vers un procès avec jury pour décider si Oracle a rompu ce contrat.

Multiples allers-retours pour sceller l'accord Hurd

Lundi, HP a déposé ses conclusions et Oracle a appelé Dorian Daley à la barre comme premier témoin. L'interrogatoire mené à la fois par les avocats d'Oracle et de HP s'est concentré sur l'avalanche de versions préliminaires, d'e-mails et de communications téléphoniques intervenue entre les conseillers juridiques et les responsables des deux groupes, juste après que HP eut attaqué Mark Hurd, le 7 septembre 2010.
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A plusieurs reprises, l'avocat de HP, Robert Frank, a fait objection aux questions de l'avocat d'Oracle, Daniel Wall, au motif que ce dernier essayait abusivement d'établir quelles étaient les intentions derrière les brouillons d'accords et les e-mails de Dorian Daley, plutôt que de s'appuyer sur ce qu'elle avait vraiment écrit. Daniel Wall a fait objection de la même façon lors du contre interrogatoire mené par Robert Frank.

HP s'inquiétait de ce que Mark Hurd, en tant que dirigeant exécutif d'Oracle, aurait pu se servir contre son ancienne société des relations qu'il avait nouées avec les clients ou encore d'informations confidentielles.

Un moratoire et des restrictions sur le rôle de M.Hurd

Selon Dorian Daley, les principaux points que le conseil d'administration de HP voulait voir couverts dans « l'accord Hurd » portaient sur le moratoire et sur des restrictions liées aux activités de M. Hurd pendant sa première année chez Oracle ou plus, et sur le contrat de rupture avec le groupe HP. Ce dernier subissait dans le même temps une action juridique de la part de ses actionnaires à propos des fortes indemnités accordées à M.Hurd lors de son départ. Ceux-ci voulaient récupérer une partie de ces sommes.

Dorian Daley s'est dit surprise des demandes de HP parce qu'elle croyait que la société avait peu de chances de l'emporter dans sa poursuite contre Mark Hurd. Mais par-dessus tout, elle s'est opposée à une demande qui réclamait que l'ancien PDG de HP reste en dehors de l'activité hardware d'Oracle pendant les quinze premiers mois de sa prise de fonctions.

« Cela m'a stupéfiée et agacée », a commenté Dorian Daley. « Cela disait effectivement que Mark n'avait pas besoin de venir travailler pendant un an et demi ».

Le portage a-t-il été évoqué ?

Mais, désormais, la disposition la plus sensible de « l'accord Hurd », c'est son premier paragraphe, dans lequel les sociétés réaffirment leur partenariat et disent qu'elles continueront à travailler ensemble comme elles le faisaient avant l'embauche de Mark Hurd par Oracle. HP dit que cette disposition est un engagement à continuer le portage, alors que Safra Catz, la co-présidente d'Oracle la considère simplement comme une « accolade entre entreprises ».

Dans l'une des nombreuses versions de documents échangées entre les sociétés, Dorian Daley fait référence explicitement au fait de poursuivre le portage, ainsi qu'à des opportunités de marketing conjoint. Lors de l'audition des témoins, Robert Frank, l'avocat de HP, a demandé à Dorian Daley si cette ébauche d'accord reflétait la substance des discussions entre Safra Catz et Ann Livermore, la dirigeante de l'entité Entreprise de HP, qui conduisaient les négociations. Dorian Daley a dit que tout ne venait pas de ces discussions.

« Safra et Ann n'ont pas parlé du portage. C'était mes mots », a dit Dorian Daley. « C'est moi que les ai utilisés pour fournir des exemples ».

Les avocats des deux sociétés se sont aussi affrontés sur la liste de témoins du procès. Oracle a dit qu'il pourrait appeler deux témoins de plus : Mark Hurd et Edward Screven, chief corporate architect d'Oracle. HP a fait objection, estimant que la demande arrivait trop tard et qu'il n'en avait été informé que la semaine dernière. Le juge Kleinberg a dit qu'il autoriserait M. Hurd à témoigner mais qu'il prendrait un peu plus de temps pour examiner si Edward Screven devait être appelé.