Hadopi : les internautes sanctionnés continueront de payer leur abonnement
Présentée par le ministère de la Culture comme un instrument pédagogique, la loi Création et Internet, examinée hier par la Commission mixte paritaire, en est ressortie débarrassée des amendements par trop favorables aux internautes.
Ce résultat, qui marque la fin des débats législatifs sur le texte tant décrié, n'est, il est vrai, guère surprenant au vu de la composition de la CMP. Parmi les sept députés et les sept sénateurs nommés pour élaborer un texte de compromis entre les versions du projet de loi adoptées successivement par le Sénat et l'Assemblée nationale, la majorité présidentielle avait pris grand soin de placer ses meilleurs soldats et pas les rares frondeurs qui, à l'image de l'UMP Lionel Tardy, avaient dénoncé l'iniquité du texte.
La double peine rétablie
La principale retouche effectuée par les parlementaires rétablit la double peine, qu'un amendement miraculeusement adopté par les députés contre l'avis du gouvernement avait permis d'écarter. Les internautes qui verront leur connexion à Internet suspendue en application du principe de riposte graduée devront ainsi continuer à payer l'intégralité de leur abonnement. Selon les élus réunis hier, ce double coup de massue était indispensable pour que la sanction soit parée de vertus dissuasives. La seule suspension de l'accès au Web serait donc, si l'on suit ce raisonnement, insuffisante pour faire passer le fameux message pédagogique cher à Christine Albanel. Une autre raison, plus pragmatique, à ce revirement, tient certainement à la volonté de la majorité de ne pas se mettre les fournisseurs d'accès à dos. Déjà froissés par les travaux qu'ils vont devoir effectuer sur leur infrastructure afin de pouvoir couper l'accès de leurs abonnés désignés par l'Hadopi, les FAI auraient vu rouge si, en plus, la loi affectait leurs revenus. Qu'ils se rassurent donc, ce ne sera pas le cas. Ils n'auront pas davantage à imaginer des solutions pour brider les débits des internautes condamnés : un temps retenue par les parlementaires comme sanction alternative à la suspension, cette mesure a également été retoquée par la CMP.
La Commission mixte paritaire s'est distinguée en revenant sur un autre amendement que les députés avaient approuvé : l'amnistie accordée aux internautes pour tous les téléchargements illégaux effectués avant l'entrée en vigueur de la loi Création et Internet. La mesure semblait pourtant légitime au regard des peines susceptibles d'être prononcées par les juridictions pénales à l'encontre des téléchargeurs : trois ans de prison et 300 000 € d'amende. D'autant que la jurisprudence dans ce type de dossier est largement inconstante et laisse donc planer des risques juridiques importants sur les internautes. L'amnistie concourrit à repartir sur des bases nouvelles et identiques pour tous plutôt que de laisser perdurer provisoirement un système d'une sévérité redoutable et disproportionnée par rapport aux actes poursuivis.
Signalons enfin, que la CMP a rétabli, comme le prévoyait le projet de loi original, la nomination du président de l'Hadopi par ses pairs, et non plus par décret. Elle a également fixé à quatre mois la durée censée séparer la sortie d'un film en salle et son exploitation sur DVD.