Hadopi : Bruxelles ne voit pas d'incompatibilité entre la loi française et le droit européen
L'un des remparts sur lesquels comptaient les opposants à la loi Création et Internet, adoptée définitivement par le Parlement hier, se fissure. Outre l'éventuelle incompatibilité du texte avec la Constitution française, sur laquelle le Conseil constitutionnel se penchera prochainement, les détracteurs de la loi comptaient en effet sur les contradictions entre Hadopi et le droit européen. C'est en particulier le désormais fameux amendement 138, rebaptisé 46, entourant le Paquet Télécoms, qui soulève les espoirs des anti-Hadopi.
Le texte, plusieurs fois adopté par les députés européens, tacle sans la nommer la riposte graduée en disposant qu'« aucune restriction ne peut être imposée aux droits et libertés des utilisateurs finaux [du Web] sans décision préalable des autorités judiciaires ». Création et Internet prévoit, rappelons-le, que la suspension de l'abonnement à Internet soit prononcée par une simple autorité administrative (l'Hadopi, Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet), le juge judiciaire n'intervenant qu'en cas de recours, donc après la condamnation. Néanmoins, pour que cet amendement ait une valeur contraignante, il faudrait que l'accès à Internet soit reconnu comme un droit fondamental, ce qui n'est actuellement pas le cas. De fait, si Viviane Reding reconnaît qu'il « y a peut-être des problèmes avec Hadopi au regard du droit national », elle explique dans le même temps qu'un « amendement à une directive ne peut ni modifier le partage des compétences entre l'Union européenne et les Etats membres, ni étendre le champ des droits fondamentaux européens aux décisions nationales ». En résumé, la commissaire à la Société de l'information n'a « aucune indication quant à des violations du droit communautaire européen et [ne voit] rien légalement dans l'amendement 138 qui pourrait modifier cette situation ».
Guy Bono, l'eurodéputé à l'origine de l'amendement, se dit consterné par la sortie de Viviane Reding et estime qu'elle s'inscrit dans une logique de négation du pouvoir du Parlement. Partant, le député socialiste accuse la commissaire de faire « délibérément le jeu de l'abstentionnisme. Mme Reding devrait directement dire aux citoyens que le Parlement européen compte pour des prunes et que cela ne sert à rien d'aller voter le 7 juin prochain : ça irait plus vite ! »