La perspective de l'arrêt de la maintenance de SAP ECC, la version du progiciel déployée dans la plupart des organisations, oblige les DSI à se pencher sur le sujet de la montée de version de leur ERP vers S/4 Hana, la nouvelle architecture défendue par l'éditeur de Walldorf. Un projet à la fois coûteux et risqué, toute interruption de ce système central dans la vie des entreprises ayant des impacts considérables.
« Il reste beaucoup de chemin à parcourir. Peu d'entreprises qui doivent migrer ont déjà franchi le pas : on parle de quelques dizaines de points de pourcentage chez qui la migration est lancée », lance Gianmaria Perancin, le président de l'USF (le club des utilisateurs SAP francophones), l'association s'apprêtant à publier un bilan plus détaillé à l'occasion de sa future convention, en octobre prochain. Gianmaria Perancin souligne pourtant l'urgence de ce projet pour les entreprises qui ne tournent pas sur la dernière version d'ECC, car elles sont confrontées à l'arrêt de leur maintenance dès la fin 2025 (contre fin 2027 pour celles ayant effectué leur mise à jour vers la dernière version de la précédente génération de progiciels SAP). « On ne peut pas encore être serein quant à la capacité des entreprises à tenir les dates données par SAP », estime-t-il.
Retrouvez la vidéo de l'émission sur les migrations vers S/4 Hana (49 min)
Ce dernier note également un glissement de l'approche des entreprises vers des approches Brownfield, basées sur une conversion de l'existant. « Au départ, on pensait qu'elles choisiraient plutôt une approche Greenfield (la construction d'un nouvel environnement, NDLR), pour rénover leurs processus, alléger la part de développements spécifiques et adopter le standard fourni par SAP. » Sauf que ce type de projets suppose une implication forte des métiers, « ce qui peut faire un peu peur », souligne le président de l'USF.
Avancer étape par étape
D'où une approche en plusieurs étapes qui semble aujourd'hui se détacher, avec d'abord le déploiement de S/4 Hana comme socle de la transformation future, puis une modernisation des processus, « peut-être sur d'autres logiciels ou avec d'autres modules SAP ou encore avec de l'IA », indique Gianmaria Perancin. C'est par exemple la voie que dessine l'AIFE (Agence de l'informatique financière de l'État), un service à compétences nationales dépendant du ministre délégué des comptes publics, qui exploite Chorus, le SI financier de l'État. Celui-ci compte environ 23 000 utilisateurs.
Laurent Robillard, adjoint à la directrice de l'AIFE : « au bout d'une semaine, nous avions récupéré une situation nominale ».
En mai dernier, l'AIFE a migré ce progiciel central dans le fonctionnement de l'État, auparavant sur ECC, vers S/4 Hana, du fait de l'arrêt annoncé de la maintenance de cette souche logicielle par SAP. « Nous avons commencé par un PoC de la migration de Chorus pour évaluer les impacts, la complexité et la charge du projet, pour ensuite lancer un appel d'offres et choisir un prestataire », raconte Laurent Robillard, adjoint à la directrice de l'AIFE. Pour l'Agence, le projet est certes l'occasion de rénover l'ergonomie, de faciliter la montée en compétences sur le progiciel (via un module d'aide en ligne) ou encore les performances, mais en restant sur une migration isofonctionnelle de type Brownfield.
L'un des enjeux de cette montée de version résidait dans la taille de la base de données, qui atteint 65 To. « Pour la réduire au maximum, nous avions lancé un projet d'archivage de données un an avant la migration, indique Laurent Robillard. L'autre point de vigilance du projet concernait le code spécifique aux finances de l'État que nous devions migrer, avec des risques que la nouvelle version rende certaines règles incompatibles avec le paramétrage initial de Chorus. » Un risque qui s'est avéré, ce qui a poussé l'AIFE à trouver un accord avec SAP pour impacter au minimum le paramétrage tout en ayant des garanties quant à la maintenance de la solution.
Une phase de recette avec... 2000 utilisateurs
Pour mener le projet à bien, une « très longue phase de recette » de 5 mois a été mise en place avec les ministères sur une copie de la production. Une phase de préparation impliquant pas moins de 2000 utilisateurs. « Ce qui a aussi permis de commencer la conduite du changement », glisse le responsable.
Ajoutées à la fermeture de Chorus pendant 10 jours (afin d'assurer la conversion de la base de données) et aux sept répétitions menées par les équipes de l'AIFE et d'Accenture, ces précautions ont permis de sécuriser l'opération et de redémarrer sereinement. « Nous avons connu très peu d'anomalies, toutes mineures. Au bout d'une semaine, nous avions récupéré une situation nominale », résume Laurent Robillard. Un socle que l'AIFE compte maintenant exploiter pour rebalayer les parcours utilisateurs et optimiser les processus, sur la base des applications Fiori mises à disposition par l'éditeur. « Nous travaillons à un nouveau cockpit factures, pour prioriser les traitements », illustre l'adjoint à la directrice de l'AIFE, qui entend aussi développer un module d'e-learning permettant de réaliser des économies sur les frais de formation.
Le récit de l'AIFE dessine bien les contours d'un projet tout sauf anodin. « On parle de projets durant de 9 à 18 mois en moyenne », dit Gianmaria Perancin. Mieux vaut donc anticiper, selon ce dernier, « car nous faisons face à un problème de compétences, même si SAP a fait des efforts de formation. Plus on attend, plus on risque de se retrouver au pied du mur ». Avec des TJM (taux journaliers moyens) qui risquent de s'envoler chez les prestataires.
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