GPL v3 : Clash entre la FSF et les partisans de Linus Torvalds
Les débats sur la future GPL3 se font houleux entre la Free Software Foundation et ses opposants. Ces derniers multiplient les sorties contre la version 3 de la licence libre, auxquelles tentent de répondre les acolytes de Richard Stallman.
Le chantier de la future version Libre GPL (General Public Licence) - la troisième en date - soulève les passions et dresse, l'un contre l'autre, deux clans dans lesquels les positions semblent se cristalliser. D'un côté, la FSF (Free Software Foundation), emmenée par le dogmatique Richard Stallman, dirige les travaux. De l'autre, le groupe des développeurs du noyau Linux, conduit par Linus Torvalds, enchaîne les objections.Lancée aux dernières heures de 2005, la refonte de la GPL3 a posé problème dès le début des débats. Au coeur des débats, la présence de gestion des droits numériques (DRM) et de protection des brevets logiciels. Linus Torvalds, le créateur du noyau Linux, avait, dès le mois de janvier, indiqué que Linux n'adopterait pas une telle licence.
Le 22 septembre, Torvalds et 28 autres développeurs du noyau Linux "les plus actifs" ont publié leur opinion sur la GPL3 sous la forme d'un sondage. Les 29 participants devaient noter, sur une échelle allant de -3 à +3, l'intérêt que présente pour eux le passage de la version 2 à la version 3. Une note de -3 signifie "je m'oppose à la GPL3 ou ma société aurait de sérieux problèmes si elle me laissait l'utiliser", le +3 reprend la même formulation mais pour la GPL2. Sur les 29 développeurs ayant pris part à ce sondage, 28 estiment que la GPL3 sera moins bonne que la GPL2, la note moyenne étant -2. Sans extrapoler la portée de cette trentaine d'opinions, la communauté Linux semble tourner le dos aux travaux de la FSF.
Un risque de balkanisation?
Ce même 22 septembre, les détracteurs de la GPL3 tiraient une nouvelle salve en publiant un texte intitulé "Dangers et problèmes de la GPL3". Les dix auteurs, par ailleurs développeurs du noyau Linux, y mettent en lumière le risque de balkanisation du Libre induit par la nouvelle licence. Selon eux, outre les problèmes déjà soulevés concernant les restrictions de droits et le respect des brevets logiciels, la coexistence des versions 2 et 3 obligera les revendeurs à diviser leurs produits entre les deux opus. "Cette balkanisation présente un risque majeur de dommage collatéral sur l'ensemble de notre écosystème et peut compromettre l'utilité et la survie de l'Open Source (...) Nous implorons la FSF de réexaminer les conséquences de ses actions et d'abandonner l'examen de la version actuelle de la GPL3 avant qu'il ne soit trop tard". Deux jours plus tard, Linus Torvalds ajoutait son grain de sel dans son "Ode à la GPL2" (voir encadré).
Réponse énervée de la FSF
Sans traîner, la Free Software Foundation a publié ses réponses à ce qu'elle nomme des informations trompeuses. La FSF écarte en premier lieu toute obligation de passer d'une version à l'autre de la licence :"la FSF n'a pas le pouvoir de forcer quiconque à passer de la GPL2 à la GPL3. La GPL2 a été écrite dans cette optique". En clair, les développeurs auront toujours le droit d'utiliser la GPL2, même lorsque la version suivante sera publiée.
L'interprétation de la gestion des DRM avancée par les opposants à la GPL3 est fausse, continue la FSF. Pour rappel, les partisans de Torvalds estiment que la GPL3 s'aventure sur un terrain qui ne devrait pas être le sien en prévoyant la gestion hardware des DRM, et plus seulement logicielle, et qu'elle déroge à son éthique en autorisant des restrictions via la gestion de DRM. Foutaises, répond -en termes plus nuancés- la FSF. Et celle-ci de baser son argumentation sur un des fondements du mouvement Libre (étiqueté "Liberté 0" selon la philosophie GNU), la liberté d'exécuter le programme pour tous les usages. Partant de cette liberté absolue, la FSF affirme qu'une licence GNU ne saurait contenir de restriction. Question de logique. Par conséquent "les discussions en cours ne concernent pas l'implantation de restrictions et la version finale non plus". En revanche, précise la FSF, la GPL3 interdira certaines pratiques qui restreignent la liberté de l'utilisateur de modifier le code source sans que cela s'apparente à la restriction d'usage décriée par les développeurs du noyau Linux. "Nous espérons que cela contrecarrera la façon dont certaines entreprises se servent du label Open Source tout en contrôlant ce que vous faites".