Depuis un an, les fabricants d'appareils mobiles tournant sous Android tentent d'obtenir de Google une version plus spécifiquement développée pour s'exécuter sur leurs tablettes tactiles. Avec la future mise à jour « Honeycomb » d'Android, attendue d'ici à la fin du premier trimestre, et censée être la première version conçue, plus pour tablettes que pour smartphones, ils pensent avoir obtenu ce qu'ils souhaitaient. Et s'ils ont anticipé de grandes choses pour le futur OS mobile de Google, ils ont aussi besoin de cet atout pour rattraper l'avance d'Apple et de son iPad, par ailleurs bien alimenté en applications et en contenu par l'App Store et l'iTunes Store.
Chrome OS ou Android : les hésitations de Google
Comme le raconte un dirigeant qui a souhaité garder l'anonymat en raison des relations étroites qu'entretient son entreprise avec Google, il n'y a pas si longtemps, Samsung Electronics a dû se battre pour pouvoir disposer de l'application Android Market sur son Galaxy Tab et ouvrir aux utilisateurs l'accès à un stock de plus de 150 000 applications en ligne, un vrai trésor. En effet, au moment où Samsung développait et préparait son Galaxy Tab sous Android, Google se posait encore la question de savoir si la prochaine version de Chrome OS serait compatible avec les tablettes tactiles et si elle réserverait exclusivement Android aux smartphones. Comme le fait remarquer ce dirigeant, il est sûr que « Chrome OS est plus adapté à la stratégie cloud de Google. » Un avis qu'a refusé de commenter un porte-parole du géant de l'Internet.
Selon certains analystes, après la sortie de l'iPad d'Apple et son impact sur le marché, Google ne pouvait plus échapper à la décision de sortir une version Android pour tablettes. « À un certain moment, Google a probablement pensé que Chrome OS pouvait être la plate-forme dédiée aux tablettes. Mais entre-temps, l'iPad montrait l'importance de la compatibilité des applications entre les smartphones et les tablettes, obligeant Google à faire en sorte que certaines applications populaires sur smartphone puissent aussi se retrouver sur tablettes, » a déclaré Martin Bradley, analyste chez Strategy Analytics.
Aucune application Tablette dédiée sur l'Android Market
Fin septembre 2010, Apple avait vendu près de 8 millions d'iPad (ce décompte a été établi à partir des chiffres officiels communiqués par Apple lors de sa conférence sur les résultats trimestriels et ne comprennent pas les ventes de la période des fêtes), ce qui en faisait l'un des produits les plus demandés de l'année. En tête du secteur, Apple fixait de fait l'orientation pour l'ensemble du marché. Les fabricants de tablettes ont donc mis en avant la nécessité de disposer du même OS sur smartphones et sur ardoises électroniques afin que les applications puissent être partagées entre les deux types d'appareils. Plus important encore, il leur fallait des applications spécialement conçues pour leurs tablettes, qui sachent tirer parti des écrans plus larges, des processeurs plus puissants et de la capacité de mémoire disponible. Comparativement, sur les quelques 300 000 applications disponibles pour iPhone et d'iPod Touch, 40 000 sont spécifiquement conçus pour l'iPad et commercialisées comme telles sur l'App Store d'Apple. En revanche, l'Android Market de Google ne propose aux utilisateurs aucune application spécifique pour tablettes tactiles, mais seulement des applications pour smartphones. Certes, AppsLib avec son propre App Store, comble le vide en proposant pour les fans d'Android des applications dédiées aux tablettes. À la différence près que AppsLib n'est pas affilié à Google.
Android et iOS : 71% du marché en 2015
Néanmoins, l'importance de disposer d'une version Android pour tablettes et de proposer des applications dédiées sur l'Android Market ne doit pas être surestimée. Les fabricants connaissent les prévisions de vente de tablettes pour 2011, chiffrées à près de 60 millions d'unités, et savent qu'une majorité tournera sous Google Android et l'iOS d'Apple. Comme l'a confirmé le cabinet d'études de marché Ovum, d'ici à 2015, Android et iOS d'Apple capteront environ 71% du marché des tablettes et autres appareils Internet mobiles, les moins bien lotis, ceux tournant sous BlackBerry OS, WebOS de Hewlett-Packard, MeeGo d'Intel et Nokia, et Microsoft Windows, se partageant les 29% restant. « À l'heure actuelle, on voit difficilement d'autres systèmes dépasser iOS et Android sur le marché de la tablette tactile, » a déclaré Tony Cripps, analyste en chef, spécialisé dans les appareils et les plates-formes chez Ovum. La compétition entre Apple et Android est si intense qu'elle donne même lieu à des actions judiciaires entre les deux concurrents.
Les couacs du camp Android
Mais les désaccords au sein du camp Android représentent le plus gros problème actuel. Par exemple, les fabricants se plaignent de certains effets résultant de leur partenariat avec Google. « Un Android dédié aux tablettes n'est pas encore prêt et les produits actuellement disponibles en subissent les conséquences, notamment en matière d'expérience utilisateur,» a déclaré Tim Coulling, analyste chez Canalys, qui prédit par ailleurs que Android deviendra l'un des principaux OS du marché de la tablette tactile quand Honeycomb sera disponible.
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D'autres se plaignent aussi de la manière dont la mise à jour Honeycomb sera lancée sur le marché. Comme cela a été le cas chaque fois que Google a voulu apporter des modifications de conception majeures à Android, le géant de l'Internet a choisi une fois encore de travailler avec un fabricant spécifique et un fondeur de puces en particulier. Ainsi, pour la version 2.2 d'Android, baptisée Froyo, Google a travaillé avec le fabricant de smartphones HTC et le concepteur de puces Qualcomm, collaboration qui a débouché sur le Nexus One. Pour Android 2.3, a.k.a Gingerbread, Google a travaillé avec Samsung Electronics pour le Nexus S aussi bien sur la conception du téléphone que pour le processeur Hummingbird, également fourni par le coréen. Cette fois-ci, pour Honeycomb, Google a travaillé avec Motorola et Nvidia sur un prototype de tablette (voir illustration principale), dévoilé d'ailleurs début décembre au D: Dive Into Mobile Conference à San Francisco. « Cette stratégie est jugée injuste par les autres fabricants d'appareils sous Android, parce qu'elle donne aux partenaires choisis quatre à cinq mois d'avance sur les autres, » a déclaré Glen Burchers, chef du marketing de la division électronique grand public chez Freescale Semiconductor. « C'est un gros handicap pour les autres fabricants de puces, et un handicap majeur en matière d'OS, » explique-t-il. « L'industrie ne se satisfait pas de cette stratégie de Google, » a-t-il ajouté. Mais il ne faut pas prendre cette critique pour une remise en cause. Et personne ne parle de dumping à propos d'Android.
Certification par Google : contraintes et bénéfices
Les fabricants qui intègrent Android dans leurs appareils sont, par contre, beaucoup plus attentifs aux développements de la plate-forme entrepris par Google. Cette année notamment, ils attendaient de la part de Google une décision plus rapide d'utiliser Android sur les tablettes afin de pouvoir contrer l'iPad avant les vacances. Avec un slogan : « Allez Google. Aidez-nous à soutenir la concurrence contre Apple. Lancez une tablette tournant sous Android et des applications dédiées sur l'Android Market. » Mais il semble que des stratégies divergentes n'ont pas permis à Google de s'entendre avec les concepteurs de tablettes sous Android, les fabricants voulant gagner des parts de marché pour leurs produits - netbooks, smartbooks ou tablettes - quand Google pense en priorité à promouvoir ses solutions Cloud.
La certification décidée par Google empêche aussi les fabricants d'adapter le logiciel Open Source Android à leur guise. Car toute entreprise ne respectant pas les règles de Google se verrait privée de certification. Ce qui signifie qu'elle ne pourra pas utiliser le nom de Google ou son logo sur ses produits, n'aura pas accès aux applications de l'Android Market, ne pourra pas profiter des améliorations du logiciel ou des mises à jour, tous les avantages qui vont de pair avec la certification. Or, seul le nom de Google permet une reconnaissance immédiate de la marque.
Vers un portage de Chrome sur Android ?
Android peut aussi permettre à Chrome OS d'arriver sur les appareils mobiles. Pour Tony Cripps d'Ovum, au fil du temps Chrome OS et Android vont converger, notamment pour ce qui est d'amener le navigateur web sur Android. « D'un point de vue développeur, le navigateur Chrome se trouve vraiment au coeur de la plate forme Chrome OS et il serait logique d'en opérer le portage sur Android, » a-t-il déclaré. « Et si le camp Android trouve le moyen de mieux travailler ensemble, il peut donner du fil à retordre à Apple sur le marché de la tablette. »