Google envoie des messages pour recommander à l’utilisateur d’un navigateur concurrent de télécharger Chrome pour accéder à ses services. Une méthode qui n’est pas exceptionnelle de la part de Google. Avant d’occuper une place dominante sur le marché des navigateurs, le géant du Net ne se privait pas de faire surgir dans Firefox de Mozilla et Internet Explorer (IE) de Microsoft ce genre de message dans des fenêtres contextuelles. Parfois, les éditeurs de navigateurs rivaux ont aussi utilisé des tactiques similaires pour attirer les utilisateurs vers leurs navigateurs.

Dans tous les cas, tout repose sur la détection de l'agent utilisateur du navigateur. Cette chaîne, intégrée dans l'en-tête HTML, permet d’identifier le navigateur, sa version spécifique et le système d'exploitation sur lequel il est exécuté. Certaines entreprises d'analyse, comme la société californienne Net Applications, exploitent ces agents pour établir leurs classements des navigateurs ou des systèmes d'exploitation les plus utilisés en ligne. Cette fois, Google fait apparaître lors de l’accès au Chrome Web Store, la boutique officielle où l’on peut trouver tous les modules d'extension pour le navigateur Chrome, le message suivant : « Google recommande de passer à Chrome pour utiliser les extensions en toute sécurité » quand l’utilisateur se sert d’Edge de Microsoft. En effet, parce qu’il est basé sur Chrome, Edge peut installer et utiliser n'importe lequel des modules complémentaires, également appelés « extensions », hébergés dans le Chrome Web Store de Google. On ne sait pas très bien ce que veut dire exactement Google dans ce message, ni pourquoi les extensions de Chrome sont plus sûres quand elles sont utilisées avec le propre navigateur de Google plutôt qu’avec Edge.

Voilà le message de « recommandation » qui s’affiche quand un utilisateur accède au Chrome Web Store avec le navigateur Edge de Microsoft. (Crédit : Google)

Une offensive contre Edge

D'autres sites de services proposés par Google, notamment Google Drive, Docs, Gmail ainsi que la page de recherche de Google, affichent également un message à l’attention des utilisateurs de Edge. Mais celui-ci est un peu différent. Sur Docs, par exemple, c’est le message suivant qui apparaît : « Pour utiliser Docs hors ligne, passez à Chrome ». Et sur la page de recherche de Google, c’est le message suivant qui s'affiche : « Passez à Chrome pour Windows ». À noter que si sous Windows 10, Edge a affiché toutes alertes mentionnées ci-dessus, sous macOS, le navigateur de Microsoft n'a affiché le message que lors de la connexion au Chrome Web Store.

Google vise explicitement Edge. En effet, les deux autres navigateurs Opera et Brave, construits sur la même base de code Chromium que Edge - ou Chrome, d'ailleurs – qui peuvent aussi installer et utiliser les modules complémentaires disponibles dans le Chrome Web Store, n'affichent aucune recommandation, ni aucun autre message, quand ils se connectent sur les mêmes sites et services, Chrome Web Store, Google Drive, Docs, Gmail et site de recherche de Google. Ce ciblage spécifique d’Edge par Google n’est pas très surprenant : en janvier, Edge représentait 7 % de l'activité des navigateurs, contre 1,4% pour Opera. Quant à Brave, il n’apparaît pas dans le classement des navigateurs évalués par Net Applications. Parmi les concurrents de Chrome construits sur la base Chromium, Edge est sans doute celui qui représente, très relativement, la menace la plus importante pour Google, dont le navigateur reste largement dominant : selon Netmarket Share, en février 2020, Chrome détenait 64,78% de parts de marché.