Quelques couacs dans la partition. Après les multiples polémiques liées à la présence d'entreprises américaines et chinoises dans son organisation, Gaia-X affronte de nouvelles turbulences. Cette initiative fédère rappelons-le un consortium d'organisations publiques et privées (plus de 300 membres dans plus de 20 pays) autour de la mise en place d'une plateforme souveraine et sécurisée commune pour échanger et partager des services cloud et data. Mais avant même l'ouverture de son 2e sommet annuel qui se déroule en ce moment à Milan (18-19 novembre 2021), des échanges de mail (rapportés par nos confrères de Politico) révèlent une certaine tension interne au sujet du sponsoring de l'événement.
Ce dernier, assuré par Huawei, Alibaba, Microsoft et AWS, a fait réagir au plus haut niveau dont plusieurs de ses membres et dirigeants. « Il existe de meilleurs moyens d'augmenter nos revenus que par le biais du parrainage », aurait réagi dans un mail Hubert Tardieu, ancien président de Gaia-X et actuel président du conseil d'administration. « Cependant, il est désormais impossible de faire machine arrière sans conséquences dommageables ». On peut se demander en effet s'il n'aurait pas été plus judicieux pour une organisation née à l'origine d'un projet franco-allemand, de chercher des financements auprès d'entreprises européennes, au risque le cas échéant de mettre une nouvelle fois de l'huile sur le feu. « Nous avons proposé des possibilités de parrainage à tout le monde, et nous devons donc l'accepter », aurait réagi Thomas Hahn, membre du conseil d'administration et expert logiciel en chef chez Siemens. « Nous avons une sérieuse marge d'amélioration ».
Gaia-X renforce une concurrence déséquilibrée pour Scaleway
Cette polémique intervient alors que l'opérateur de cloud français Scaleway a annoncé son retrait de Gaia-X qu'il avait pourtant rejoint il y a un an. « Scaleway ne renouvellera pas son adhésion à Gaix-X. Les objectifs de l’association, quoique louables au départ, sont de plus en plus détournés et contrariés par un paradoxe de polarisation ayant pour conséquence de renforcer le statu quo, c’est-à-dire une concurrence déséquilibrée. Scaleway choisit de consacrer son temps, ses capitaux et son attention à améliorer son offre multicloud, un facteur clé pour une véritable réversibilité et ouverture », a annoncé dans un communiqué Yann Lechelle, directeur général de Scaleway. Outre Scaleway, d'autres membres s'étaient également montré critiques ces derniers mois envers la gouvernance Gaia-X, parmi lesquels des plus petits comme la start-up Stackable, partageant son « impression que les grandes entreprises ont désormais pris le contrôle du développement de Gaia-X ».
Joint par la rédaction, Yann Lechelle nous a expliqué son choix de sortir de Gaia-X : « On ne peut plus rien attendre de Gaia-X qui a adopté une approche très conservatrice du cloud de confiance. D'un point de vue structurel et fonctionnel, il n'y a pas d'innovation et lorsque l'harmonisation se fait à partir de dénominateurs communs, on est dans un tropisme d'acteurs dominants qui rejettent toute différence. Je me suis battu pour que la gouvernance reste européenne et j'avais déjà menacé de claquer la porte. On n'a pas besoin des américains dans les comités techniques, mais ils sont finalement indirectement ou directement aux manettes, donc il n'y a plus de souveraineté. On a décidé de sortir d'une association dans laquelle on n'avance pas. On paye 45 000 euros de cotisation, c'est très cher, cela nous prend beaucoup de temps, on préfère consacrer cet investissement pour embaucher une personne pour développer notre offre cloud. Les américains ont eux les capacités humaines, légales et de lobbying pour faire ralentir tout le monde si cela les arrange. Nous on préfère rationaliser nos énergies. La question se posera peut être plus tard de revenir mais pour l'instant on va suivre Gaia-X de l'extérieur ».