Les projets de migration cloud ne sont pas terminés pour les entreprises françaises. En tout cas celles suivies par le Cigref qui a pris le pouls de ses adhérents (TotalEnergies, Covéa, Amadeus, Air France-KLM, U Tech Coopérative U...) sur ce sujet et fait le point dans un dernier rapport d'étape sur la migration cloud. "L'état des lieux de la migration cloud met en avant un décalage parfois important entre les promesses du cloud, telles que la flexibilité, l'optimisation financière et le time-to-market, et la réalité de cette technologie. Ce bilan est notamment construit grâce aux témoignages d'organisations et à des analyses financières et tendancielles menées sur le marché du cloud en Europe et en France", indique le club informatique des grandes entreprises françaises.
Sans remettre en cause le chemin engagé (parfois depuis longue date) vers le cloud, le club s'est interrogé sur les ressources à privilégier pour cette bascule et aux contraires celles qu'il pourrait être plus pertinent au contraire de conserver dans un environnement on premise. Et ce, alors que ce type de projet est loin de s'envisager en vase clos : "Dans un contexte d'inflation normative européenne, tout projet cloud navigue entre les exigences issues de la législation nationale, les contraintes européennes et les obstacles de nature stratégique ou géopolitique", prévient le Cigref.
Des promesses cloud nombreuses mais peu tenues
Dans son rapport, le club revient rapidement sur les promesses du cloud en termes de flexibilité, amélioration du time-to-market et de la sécurité, ou encore de traitement de la dette technique. Et concernant ce dernier point, le compte n'y est pas : "Lorsque le SI de l’organisation comprend une part de logiciels vieillissants (développés il y a plusieurs dizaines d’années), le travail de refactoring nécessaire semble tellement important que l’on renonce souvent à la migration", prévient le Cigref. "En 2021, on notait déjà que les chemins de migration les plus longs et les plus complexes apportaient le plus de bénéfices, alors que les transformations plus simples créaient peu de valeur ajoutée. Désormais, de nombreuses organisations ont banni le « lift & shift », au motif qu’il n’est que perte de temps et que les workloads ainsi migrés ne présentent pas les avantages attendus du cloud."
Les entreprises françaises adhérentes du Cigref ont lancé leur projet de migration entre 2017 et 2023, et si des migrations massives ont été opérées vers AWS et GCP, peu d'entreprises indiquent avoir agi de la sorte avec Azure. "L’appétence pour le « multicloud », constatée dans le cadre des précédents travaux du Cigref se confirme", peut-on lire dans le rapport. "On relève que lorsqu’une entreprise adopte plusieurs clouds publics (GCP, AWS ou Azure), elle en définit généralement un premier comme cloud public principal et un second, complémentaire, pour répondre à des besoins spécifiques (ex : IA, ou data et BI)." L'adoption de l'IA et le développement des offres cloud de confiance ont-ils contribué à changer la donne ? Il est encore un peu tôt pour le savoir ce qui n'empêche pas le Cigref - appuyé par une étude complémentaire d'ISG - de dresser un bilan du cloud, en particulier public, mitigé. "Cela est principalement dû au sentiment de décalage entre les attentes initiales de certaines entreprises et leurs expériences réelles de migration", indique le rapport. "Plusieurs sujets constituent encore des obstacles pour les entreprises : l’innovation, la vitesse de la migration, et l’intelligence artificielle."
Le cloud pas systématiquement envisagé
"L'expérience partagée par les membres montre que le cloud n’est pas toujours la meilleure solution. Les entreprises et les administrations mettent en avant quelques raisons qui expliquent que le cloud ne soit pas envisagé de façon systématique", prévient le Cigref. Parmi les raisons à cela, sont notamment pointées la sensibilité des données, des limitations d'ordre technique, voire même le fait qu'il n'est pas démontré que la migration des workloads serait en mesure de générer un bénéfice pour l'entreprise... "Certaines applications monolithiques pour lesquelles on n’envisage pas de modernisation à terme, ne justifient pas l’effort de migration : elles restent donc on premise", constate le Cigref.
"Les directions du numérique auront donc à poursuivre leurs efforts pour que le cloud se déploie au mieux au sein de leurs organisations, en mettant en place toutes les ressources nécessaires en termes de pédagogie, de formation, et d’accompagnement. Elles devront également parvenir à travailler main dans la main avec les financiers pour assurer l’optimisation de leur move to cloud, et, plus globalement des nouvelles technologies. Mais surtout, les directions du numériques seront appelées à allier leur excellence opérationnelle et analytique et leur capacité d’adaptation", conclut le Cigref.