En France, le BPO reste encore mal vu
Les SSII spécialistes de l'infogérance (externalisation de l'informatique) tentent une percée dans le BPO (externalisation des fonctions support non informatique). Un marché arrivé plus tardivement à maturation mais avec les mêmes réticences surtout en France.
Malgré la crise économique, le BPO ne décolle toujours pas en France. Cette crise est pourtant l'occasion pour les entreprises de réduire leurs coûts et de se concentrer sur leur coeur de métier. Des arguments rêvés en faveur de l'externalisation, en particulier en faveur du BPO. Les prestataires répètent d'ailleurs ces arguments en boucle. « Mais cette répétition ne me convainc pas, note Ludovic Melot, auteur d'une étude sur ce sujet pour le cabinet Précepta. Le BPO en France ne décolle toujours pas et ce, pour deux raisons principales : une résistance historique des entreprises et la peur des conséquences sociales ».
Les exemples abondent. Celui récent d'Alcatel et de Wipro par exemple. Tollé syndical, grèves, pression de l'opinion et des politiques. Résultat : le contrat a exclu la France. Les filiales françaises des entreprises anglo-saxonnes en revanche passent facilement au BPO. Souvent avec des prestataires également anglo-saxons (par exemple Accenture ou Logica) Mais les grands comptes français restent toujours aussi réticents. L'externalisation totale fait peur en France.
Precepta voir pourtant deux brèches se créer : le BPO spécialisé avec des acteurs également spécialisés et les Centres de services partagés. Pour le moment, cette externalisation spécialisée porte en France essentiellement sur les services de support marketing (centres d'appel) ou sur la paie. Les différentes estimations qui portent le BPO à 2 milliards d'euros en France en 2009 oublient d'ailleurs que 40% de ce chiffre est constitué par des centres d'appels (« cela n'a rien de déshonorant mais ne constitue pas vraiment une nouveauté commente Précepta). Des spécialistes viennent concurrencer les SSII, Precepta cite les cabinets d'audit ou d'expertise comptable, ceux de recrutement, les sociétés d'affacturage.
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En revanche, la création de Centre de services partagés a convaincu selon Ludovic Melot la totalité du CAC 40 voire du SBF 120, donc des grandes entreprises françaises. Il s'agit d'entreprises qui gardent en interne une prestation mais la centralisent. Par exemple, la comptabilité ou la paie, dispersées dans des dizains de centres ou de filiales en France sont regroupées dans un seul centre. Avantages : une réduction des coûts, une meilleure visibilité, des grincements de dents moins forts. Mêmes si la mise en place prend du temps et coûte cher, ce type de prestation est plus facile en France qu'une externalisation totale ou même partielle.
En fait, conclut Ludovic Melot, le BPO ne décolle pas en France parce que les prestataires sont mal adaptés. Les offres sont souvent des décalques d'offres présentées à l'international (les deux SSII qui ont le plus calqué leur modèle sur le modèle anglo saxon, Stéria et Cap ne sont pas parvenus à compenser ainsi la chute de leur division conseil et intégration). Les acteurs même français ne s'adaptent pas à la demande. Or, celle-ci est fondée sur des critères bien précis : la peur du risque social, la méfiance vis-à-vis des grands contrats globaux, la préférence pour une externalisation qualitative plutôt que quantitative, une barrière culturelle voire linguistique. Autant de critères qui vont à l'encontre des thèses de grands spécialistes mondiaux qui veulent des contrats globaux, une externalisation offshore, des contrats sur plusieurs années.
La multiplication des CSP montre pourtant que les entreprises françaises sont prêtes pour ce type de démarche, mais pour le moment en interne ! Preuve que c'est moins le principe que l'offre qui est en cause.