Gäel Duval est de retour sur le devant de la scène. Le célèbre entrepreneur français portant haut les couleurs des technologies libre et open source depuis 20 ans et à l'origine de la distribution Linux-Mandrake, travaille d'arrache-pied depuis fin 2017 à la création d'un système d'exploitation mobile. Baptisé Eelo, ce dernier est maintenant disponible en bêta et installable sur une liste, pour l'instant limitée, d'une vingtaine de terminaux (Essential Phone, Google Nexus 4 et 5, HTC One (M8), Huawei Honor 5X, LeEco Le 2, LG G5, Motorola Moto E, G, G 2014 et 2015, OnePlus OnePlus 2, 3/3T et OnePlus One et X, Samsung Galaxy A5 (2017), S6, S7 et S3, Xiaomi Mi 5s et 5s Plus, Redmi 3S/3X et Note 4). « On a pris des modèles connus pour être bien supportés par les forks Android et fait un sondage dans la communauté pour savoir ce que les gens souhaitaient, comme on est un peu limité en ressource on ne peut pas builder pour tous les modèles existants », nous a expliqué Gaël Duval. « Notre objectif ce n'est pas forcément de supporter tous les modèles du marché. On travaille avec des partenaires pour précharger Eelo sur des terminaux, avec des acteurs français de téléphones reconditionnés mais aussi des fournisseurs comme Qualcomm ou Mediatek ».
La philosophie d'Eelo est, comme pour les autres projets de Gaël Duval, orientée libre et open source. Pour développer cet OS, l'équipe d'eelo - composée d'une vingtaine de développeurs à temps plein et d'une communauté de designers, graphistes, spécialistes UX, éditeurs de contenus, traducteurs, etc. - est partie sur une base bien connue dans les OS mobiles, à savoir LineageOS elle-même un fork de CyanogenOS, sur base Google Android. Toutes les briques applicatives proposées dessus sont open source (moteur de recherche, stockage en ligne, messagerie..) mais Eelo laisse quoi qu'il en soit le choix à l'utilisateur. « Le moteur de recherche par défaut est basé sur Searx qu'on a forké pour être plus rapide mais l'utilisateur peut choisir Qwant ou DuckDuckGo », poursuit Gaël Duval. « Sur la messagerie on se base sur le standard Postfix et sur le stockage en ligne sur le projet open source allemand Nextcloud ».
Gaël Duval, créateur de la distribution Linux-Mandrake en 1998 revient 20 ans plus tard avec un nouveau projet ambitieux d'OS mobile open source, eelo. (crédit : D.R.)
Un MDM open source bientôt dans les tuyaux
Si l'objectif principal d'Eelo est de proposer un OS mobile libre et respectueux le plus possible des données personnelles de ses utilisateurs, l'équipe ne veut toutefois pas commettre l'erreur faite par Firefox OS de les contraindre à changer leurs habitudes. « On laisse la possibilité aux gens d'installer un compte Gmail s'ils le souhaitent, on ne va pas l'interdire l'idée étant de redonner le choix aux utilisateurs », précise Gaël Duval. Concernant les mises à jour de sécurité, Gaël Duval promet des builds tous les jours sachant que la disponibilité de la v1.0 est prévue fin d'année ou janvier 2019. Si Eelo est proposé à tout un chacun, l'entrepreneur ne cache pas sa volonté d'aller chercher les entreprises et les administrations pour équilibrer son modèle économique. Car si la communauté apporte des ressources gracieuses, plusieurs développeurs sont rémunérés sur la base de la levée et des donations réalisées via Kickstarter et Indiegogo pour un montant s'élevant aujourd'hui à 140 000 euros.
« On est en contact avec des grandes entreprises et des administrations qui marquent un intérêt pour un téléphone respectueux des données personnelles », nous confie Gaël Duval. Mais pour espérer les intéresser pour équiper des flottes de terminaux sous Eelo, la disponibilité d'un outil de gestion de flottes mobiles (MDM) apparait essentielle. Cela tombe bien, elle est justement au programme : « Il est un peu prématuré mais pas exclu que l'on développe notre propre solution de MDM ou que l'on s'appuie sur un outil open source sachant que l'on envisage de customiser des ROM pour répondre aux besoins des entreprises », poursuit l'entrepreneur. « L'ambition c'est que l'on ait une adoption de masse, ce n'est pas de faire un projet de niche réservé à des geeks ».
Une prise de conscience dans la protection des données personnelles
Pour séduire le plus grand nombre - et éviter le funeste destin de Firefox OS ou de Ubuntu touch - l'équipe d'Eelo va proposer à ses utilisateurs d'accéder à toutes les apps gratuites du Google Playstore, packagées dans un environnement similaire à celui de la firme de Mountain View. « Les apps ayant des micro-paiements intégrés ne passant pas par Playstore pourront marcher », souffle Gaël Duval. « Le timing de lancement est le bon. Si je l'avais lancé il y a 2 ou 3 ans on aurait pas eu la même attente. Le scandale Cambridge Analytica est passé par là et l'ampleur de la prise de conscience dans la protection des données personnelles est bien là ». Reste à voir si cet engouement va se traduire dans les faits en termes de nombre d'installations et d'adoption tant auprès du grand public et des entreprises, au risque de voir mourir un énième projet d'OS mobile open source qui ne pourra que mettre de l'eau au moulin des deux grands géants du secteur que sont Google et Apple.