Les États-Unis sont depuis très longtemps un véritable aspirateur à talents que ce soit au niveau des ingénieurs ou des entrepreneurs à la recherche de capitaux et d’un marché prometteur de par son gigantisme. Les Français sont par exemple très nombreux dans la Silicon Valley (près de l’innovation) mais aussi sur la côte Est (près des clients américains). Des organismes comme Bpifrance et Business France emmènent régulièrement des fournées de start-ups françaises se confronter au marché US pour une durée de six mois. L’idée est de les aider à se confronter à la culture d’investissement américaine grâce à des rencontres avec des VC (investisseurs en capital risque), mais aussi contribuer à leur accélération – comme on dit si bien dans le jargon – et préparer une extension à l’international.
Bien souvent cela se traduit par l’ouverture d’un bureau de l’autre coté de l’Atlantique et la constitution d’une entité juridique dans l’État du Delaware, une décision qui transforme de facto la structure française en filiale. Les cofondateurs en profitent souvent pour assouvir leur rêve américain en s’installant avec armes, bagages et famille à San Francisco, New York, Palo Alto ou Boston. Certains, parmi nos vaillants cofondateurs, CEO, CTO ou encore directeur produits, sont vites revenus en France après un premier voyage pour évaluer les coûts des écoles, de l’immobilier et des assurances santé. D’autres ont choisi d’envoyer une seule personne à SF pour la vitrine et d’embaucher des télévendeurs américains à Kansas City en complément des équipes marketing et développement restées en France. Le recrutement de salariés locaux est toutefois une obligation – surtout après une levée de fonds avec des investisseurs américains - et les surprises s’enchaînent avec des Américains très doués pour se vendre lors des entretiens mais aux abonnés absents quand le chiffre d’affaires doit impérativement décoller. Depuis 2009, et notre tour des start-ups organisé par Condor Consulting, nous avons rencontré des responsables marketing et commerciaux qui passent d’une jeune pousse à une autre avec le même sourire et la même absence d’efficacité.
Du danger d'être CEO aux Etats-Unis
L’autre travers qui guette les entrepreneurs français, c’est la course aux VC avec des intermédiaires rémunérés qui promettent monts et merveilles à des expatriés toujours très enthousiastes. A l’inverse, certains - qui ont décroché le gros lot - n’arrivent pas à oublier une certaine suffisance bien française comme arriver en retard à un rendez-vous avec des journalistes européens, sans avoir préparé de présentation et en indiquant seulement le lendemain que certaines annonces étaient sous embargo… Mieux encore des entrepreneurs - installés depuis longtemps à SF et rebondissant d’une entreprise à une autre - réussissent à oublier la présence de journalistes parlant leur langue quand ils s’adressent avec brutalité à leurs subordonnés français. Certains CEO français sont aussi purement et simplement débarqués par leurs investisseurs américains au profit de managers formatés et beaucoup moins brouillons. Précisons que nous avons aussi assisté à des réunions cocasses avec des CEO américains, comme celui de Violin Memory invectivant ses troupes devant nous alors qu’il était arrivé avec plus de 30 minutes de retard.
Si les États-Unis restent une étape obligée pour les start-ups IT que nous suivons – je ne parle pas des start-ups camembert – la désillusion reste importante avec - pour certains - la tentation de céder au plus vite son fonds de commerce pour éviter d’affronter une compétition impitoyable ou un retournement du marché comme on dit. Une licorne française monoproduit et emblématique de la fameuse French Tech après son IPO au Nasdaq connait aujourd’hui une actualité boursière chahutée depuis la décision d’Apple de bloquer le tracking dans Safari et l’arrivée prochaine du RGPD. Il y a deux ans encore, dans la presse éco, c’était le modèle à suivre…