D'ici à 2050, si aucune mesure n'est prise pour réduire l'empreinte environnementale du numérique et que son usage continue de croître sur de mêmes bases, son empreinte carbone pourrait tripler par rapport à 2020 selon une étude de l'Ademe et de l'Arcep. L'écoconception des produits, des applications et des services numériques est un levier reconnu pour inverser cette tendance. Elle consiste à intégrer des critères environnementaux dès la conception, afin de minimiser l'impact environnemental d'un produit ou d'un service numérique tout au long de leur cycle de vie, depuis la conception jusqu'à la fin de vie.
L'impact environnemental d'un service numérique ne se limite pas à sa consommation d'énergie, ni à ses émissions de CO2. Il va au-delà en intégrant une multitude de composants, allant des matières premières aux infrastructures diverses nécessaires à l'approvisionnement en ressources et à son fonctionnement (eau, sable, énergie, métaux ferreux, rares ou précieux, matières plastiques...). La manière dont ces composants sont extraits, fabriqués, intégrés, utilisés ou encore éliminés en fin de vie, ont des impacts environnementaux significatifs. Face à ces défis, l'écoconception apparaît comme une solution pertinente. Et les DSI ont un rôle clé à jouer pour intégrer les meilleures pratiques associées en regard des évolutions de leur système d'information (SI) ainsi que des applications utilisées par les métiers.
L'analyse du cycle de vie (ACV), une démarche structurante
Un service numérique se compose de trois couches principales : la couche des utilisateurs, qui cible les terminaux d'utilisation tels que les ordinateurs et les smartphones ; la couche réseau, qui assure la transmission des données entre les utilisateurs et les datacenters ; et la couche des datacenters, qui regroupe les bâtiments, les infrastructures et les ressources de traitement des données. Une démarche d'écoconception efficace doit évaluer l'empreinte environnementale de tous ces éléments et s'engager dans une approche d'amélioration continue dès la phase de conception. Au-delà, elle doit prendre en compte également les approches de développement applicatif et de gestion des données.
L'analyse du cycle de vie (ACV) se présente comme une démarche essentielle et structurante pour l'écoconception, permettant d'évaluer l'impact environnemental complet d'un produit ou d'un service. Cette analyse identifie les principales sources d'impact, facilitant ainsi la mise en place d'actions de réduction prioritaires. Elle les évalue à chaque étape, de la conception à la fin de vie. Elle comprend l'analyse des ressources nécessaires, de la production, de la distribution, de l'utilisation et du recyclage ou de l'élimination. Cette méthode permet d'optimiser les processus pour minimiser l'empreinte globale d'une application ou d'un service numérique. La norme ISO 14040 fournit les principes et le cadre pour la conduite d'une ACV, y compris la définition de l'objectif et du champ d'application, l'inventaire, l'évaluation des impacts et l'interprétation des résultats. Elle est souvent complétée par la norme ISO 14044, qui détaille les exigences et les lignes directrices pour l'ACV.
Les référentiels de bonnes pratiques, des guides incontournables
En plus de l'ACV, plusieurs outils peuvent aider dans les processus d'écoconception. En France, le Référentiel général d'écoconception de services numériques (RGESN) fournit un cadre pour réduire la consommation de ressources informatiques et l'obsolescence des équipements. La V2 de ce référentiel est structurée autour de neuf catégories clés : "Stratégie", "Spécifications", "Architecture", "Expérience et Interface utilisateur (UX / UI)", "Contenus", "Frontend", "Backend", "Hébergement", "Algorithmie".
D'autres référentiels de bonnes pratiques existent tels que le guide de référence pour écoconcevoir des services numériques, publié sous le pilotage de l'Afnor (Afnor Spec 2001). Ce guide propose 32 fiches pratiques élaborées par 36 experts du numérique et de l'environnement. Il couvre toutes les étapes du cycle de vie des services numériques, de la définition des besoins à la mise hors service, en fournissant des indicateurs pour anticiper, limiter et contrôler leur impact environnemental.
De même, le Guide de référence de conception responsable de l'Institut du numérique responsable (INR) propose un cadre pour une conception numérique responsable, avec 61 recommandations et 516 critères répartis en 8 familles de projets, visant à réduire l'empreinte environnementale et sociale tout en favorisant la croissance. Chaque recommandation est alignée avec les objectifs de développement durable (ODD) de l'ONU.
Au-delà, s'appuyer sur des outils d'automatisation
D'autres référentiels peuvent aider, comme les référentiels méthodologiques de l'Ademe qui définissent les règles pour l'évaluation environnementale de produits et de services numériques (cf. celui sur les services d'hébergement en centres de données et les services de cloud), ou encore celui du collectif GreenIT sur les 115 bonnes pratiques d'écoconception de sites Web pour réduire l'empreinte écologique des sites Web.
L'importance de l'outillage dans le cadre de l'écoconception ne doit pas être sous-estimée. Des éditeurs spécialisés proposent des solutions logicielles pour évaluer et optimiser l'impact environnemental des services numériques. Ces outils jouent un rôle clé en fournissant des données précises et des recommandations spécifiques pour chaque étape du cycle de vie d'une application, d'un service numérique et plus largement du SI. Ces outils permettent une approche systématique et intégrée de l'écoconception, facilitant ainsi une réduction significative des impacts environnementaux.
Pour les DSI, intégrer l'écoconception dans les stratégies de développement numérique n'est plus une option, mais une nécessité. Cette démarche permet non seulement de réduire l'empreinte environnementale du SI et des services numériques, mais aussi de répondre aux attentes croissantes des consommateurs et des régulateurs en matière de durabilité et d'accessibilité. Adopter une approche proactive en matière d'écoconception est donc essentiel pour garantir un avenir numérique responsable et durable.
Par Abderrahman Khlaifa, chargé de veille et d'analyses stratégiques chez AdVaes.