En 2016, la Grande-Bretagne avait déroulé le tapis rouge à Amazon et à son projet de drones de livraison Prime Air. Selon nos confrères de Wired UK, le gouvernement britannique avait en particulier assoupli sa régulation sur les tests de drones, afin d’attirer le Gafa sur son territoire. Ce dernier avait alors fortement médiatisé cette nouvelle antenne de R&D et ses ambitions en la matière. Mais aujourd’hui, l’heure serait plutôt au désenchantement.
Les équipes britanniques blâment un projet chaotique
Si l’on en croit Wired, le projet serait en chute libre. Une centaine d’employés auraient perdu leur emploi et des dizaines d’autres seraient réaffectés à d’autres projets. Les équipes britanniques ont décrit leur activité à nos confrères, comme un grand chaos organisé avec des managers issus de la logistique, mais sans véritable connaissance du sujet complexe des drones de livraison. Contacté par Wired, Amazon UK a affirmé que son équipe Prime Air britannique existait toujours sans vouloir en préciser l’effectif. Comme tous les géants américains, il est quoiqu’il en soit rarement enclin à partager ce type d’informations. Mais l’abandon apparent du projet de R&D britannique pourrait aussi être lié à l’obtention par Amazon, en août 2020, d’une autorisation de vol par la FAA Federal Aviation Administration. La même déjà obtenue par Alphabet et UPS.
Un essaim de drones Wing quittent le "nid"pour un vol d'essai. (Photo Wing Aviation LLC)
L’envol australien d’Alphabet
Ce constat arrive qui plus est, au moment même où l’un des concurrents directs de Prime Air, la filiale Wing Aviation LLC d’Alphabet, s’apprête à fêter sa cent millième livraison par drone avec « de vraies commandes de vrais produits faites par de vrais clients ». Si Wing pratique aussi la livraison par drone aux États-Unis et en Finlande, c’est en Australie qu’elle célèbre cette avancée. La moitié des 100 000 vols de drones ont desservi Logan, une ville de 300 000 habitants en banlieue de Brisbane. La filiale d’Alphabet y livre des produits locaux qui vont de la tasse de café au poulet rôti à destination d'habitations isolées... Arrivée garantie en moins de 10 minutes avec un record en 2’47’’.
Difficile à adapter hors des lieux isolés
Le choix de lieux isolés dans de vastes territoires n’est pas anodin. Il permet de tester les capacités techniques de livraison dans des conditions plutôt favorables. Reste qu’il paraît difficile à répliquer dans de nombreuses régions du monde. Un représentantde Wing évoque des villes potentiellement intéressantes comme Manchester (Angleterre), La Nouvelle-Orléans (États-Unis) ou Florence (Italie) avec le même nombre d’habitants que Logan. Mais c’est sans compter sur la densité de population, de bâtiments ou de végétation, ou la hauteur de certaines constructions.
Comme le notent nos confrères, la livraison par drone se cantonne encore la plupart du temps aux urgences médicales en milieu isolé. La généralisation du système se heurte tout autant à des questions d’usage, que de technologie ou de réglementation. Sans oublier les coûts d’une telle infrastructure pour des opérations concernant quelques produits. On imagine qu’aujourd’hui, Wing n’en fait par reposer tout le poids sur les vendeurs ou les clients.
Des défis technologiques encore complexes
Amazon s'est lancé un défi technique plus difficile que ses concurrents : faire atterrir ses drones pour les livraisons. (Photo Amazon)
Toujours d’après Wired, Amazon aurait peut-être aussi péché par orgueil en se posant un défi plus complexe que ses concurrents. Alors que ceux-ci livrent directement depuis les airs par différents dispositifs (lâcher, filin, parachute...), le géant de Seattle resterait attaché à l’idée de faire atterrir ses appareils. Une opération d’ingénierie complexe et gourmande en machine learning. Le design des drones de Wing pourrait justement leur donner un avantage en termes d’agilité et d’adaptabilité à différentes géographies et conditions de vol. Ils peuvent en effet fonctionner soit comme des avions à ailes fixes, soit comme des hélicoptères en vol stationnaire. Et, ils descendent à 7 mètres de hauteur au moment de la livraison pour dérouler un filin qui dépose automatiquement le colis sur le sol.
Un marché encore réduit avec des concurrents de haut vol
Plusieurs études estiment le marché du drone de livraison à 500 M$ (dont 126 M$ aux États-Unis) et Coherent Market Insights prévoit une croissance annuelle de 41% avec des ventes totales atteignant 5,6 Md$ en 2028. Le rapport liste sans surprise Amazon et Alphabet, UPS, DHL, mais aussi Deutsche Post, Airbus ou Boeing. La grande distribution à l'instar de Walmart qui se bat contre Amazon, est aussi à l'affut. Enfin, l'étude note aussi l’arrivée de la filiale Ele.me du Chinois Alibaba. À surveiller, sans aucun doute!