Le 15 octobre 2019, la Chaire Valeurs et Politiques des Informations Personnelles de l'Institut Mines-Télécom a publié la deuxième synthèse du rapport « Données personnelles et confiance : évolution des perceptions et des usages post-RGPD », corédigé par Patrick Waelbroeck, Claire Levallois-Barth, Maryline Laurent et Ivan Meseguer.
Interrogés sur ce qu'ils considèrent comme des données personnelles, les sondés citent en premier les données bancaires et d'identité (97% et 96%). Cependant, les informations de santé, les données de contact ainsi que les carnets d'adresses se placent juste derrière. Pas moins de 93% des répondants estiment ainsi que la liste de leurs contacts est une information personnelle : une prise de conscience face à la multiplicité d'applications mobiles qui demandent à y accéder, bien souvent sans véritable justification ? La géolocalisation, les achats en ligne et les habitudes de navigation sont également jugées comme des données personnelles par près de 90% du panel.
Hormis un noyau dur de 10% des sondés, qui aimeraient ne jamais avoir à fournir des données personnelles à des tiers, la plupart des internautes français acceptent de partager assez largement leurs nom, prénom et données de contact. Il n'en va pas de même pour les données bancaires ou de santé, où la méfiance est beaucoup plus marquée. Ainsi, seul l'Etat apparaît comme un acteur légitime pour collecter des données médicales, et pour seulement 44% des répondants. L'Etat est l'interlocuteur avec le meilleur taux de confiance (94%), suivi des banques (93%). Les opérateurs télécom et e-commerçants français affichent quant à eux des taux autour de 80%, un indice de confiance divisé par deux pour les e-commerçants étrangers (41%) et les réseaux sociaux (39%).
Des bloqueurs de publicité utilisés aussi pour protéger la vie privée
En termes d'usages, les internautes sont de plus en plus nombreux à utiliser plusieurs terminaux différents pour se connecter à Internet : si 94% accèdent au Web depuis un ordinateur, 87% depuis un smartphone et 53% depuis une tablette, 47% des répondants utilisent les trois. L'usage du smartphone devance désormais celui de l'ordinateur en termes de fréquence, 72% des sondés s'en servant plusieurs fois par jour pour naviguer sur Internet. Par ailleurs, environ un tiers ont eu recours à un assistant vocal au moins une fois par mois, tandis qu'une proportion équivalente (30%) évite ces derniers pour des raisons liées à leurs données personnelles.
Signe que la publicité sur le Web reste toujours mal perçue, 59% des internautes utilisent un bloqueur de publicité sur leur ordinateur, une proportion en légère hausse (+4%) depuis 2017. Sur smartphone, les sondés ne sont que 27% à utiliser ce type d'outil, mais la hausse est de 6%. Parmi les motivations pour utiliser des bloqueurs, le confort de navigation reste en tête, mais beaucoup (55%) y voient également une façon de se protéger des programmes malveillants, et 43% s'en servent aussi pour protéger leur vie privée. Par ailleurs, ce sont les utilisateurs les plus avertis qui ont le plus recours à ce type d'outil.
En France, c'est le secteur privé qui incarne Big Brother
De manière générale, la vigilance des internautes augmente. 63% d'entre eux refusent ainsi de partager leur géolocalisation, et 62% disent effacer leurs traces de navigation sur le Web. Près du quart des répondants ont recours à des outils pour naviguer de façon anonyme, allant du classique réseau privé à l'usage du réseau Tor. Sur les neuf actions de vigilance proposées dans l'enquête, les répondants en effectuent trois en moyenne. Bien souvent, c'est à la suite d'un problème rencontré par eux ou l'un de leurs proches que leur vigilance s'accroît, et dans près du tiers des cas, les réseaux sociaux sont concernés. Par ailleurs, 88% des sondés se sentent surveillés sur le Web, et 75% inculpent les entreprises privées pour cette situation.
Corollaire de cette méfiance très répandue, 94% des internautes aimeraient garder le contrôle de leurs données, pour choisir avec qui ils partagent quoi. Seuls 10% d'entre eux disent cependant lire en intégralité les conditions de confidentialité, la faute à des clauses jugées trop longues (pour 81% des sondés), mais aussi peu modulables (pour 60%) et peu claires (42%). De gros progrès restent donc à faire sur les bandeaux de cookies et autres politiques de confidentialité.
Contribuer à l'intérêt général, première motivation pour partager ses données
Si 78% des sondés ont entendu parler du RGPD (Règlement Européen sur la Protection des Données), seule la moitié d'entre eux sait ce dont il s'agit. 28% estiment que le RGPD a eu un impact positif sur la protection de leur vie privée, mais 67% n'ont pas observé de changement à ce niveau. L'entrée en application de ce règlement est tout de même associée à une meilleure information des internautes sur leurs droits, ainsi que sur les usages prévus pour leurs données. 43% des répondants ont également entendu parler du droit à la portabilité de leurs données, mais seuls 7% ont exercé celui-ci jusqu'au bout, en faisant transférer leurs données d'un organisme à l'autre. Concernant le recueil du consentement, nécessaire pour permettre aux entreprises de collecter des données personnelles, 27% des internautes restent réfractaires à cette démarche, évitant autant que possible de le donner voire quittant directement le site (10%).
Beaucoup de répondants attendent davantage de garanties des sites en matière de protection des données, allant plus loin que ce que la réglementation impose aujourd'hui. Si la première motivation pour partager leurs données reste la possibilité d'obtenir des récompenses (cadeaux, réductions...), le partage d'informations professionnelles, l'amélioration de l'expérience utilisateur (fluidité) ou encore la possibilité d'obtenir des conseils sur un achat sont également citées par environ 15% des répondants. En revanche, la personnalisation de l'expérience n'intéresse que 8% des sondés. Enfin, 56% seraient prêts à partager des données pour contribuer à l'intérêt général, notamment pour des statistiques (35%) et pour la recherche médicale (27%). Avec un prérequis, l'anonymisation.