En direct de Las Vegas - HP Labs poursuit ses recherches sur « The Machine », son projet d'ordinateur centré sur l'utilisation de mémoires non volatiles. Le constructeur l'a dévoilé il y a un an, en expliquant prudemment qu'il ne comptait pas le voir aboutir avant la fin de la décennie. Pourtant, sur Discover 2015, Martin Fink, CTO de HP et directeur des Labs, a annoncé un prototype pour l'an prochain, en s'entourant toutefois des indispensables précautions d'usage même si, assure-t-il, le projet avance comme prévu. Dans le hall d'exposition de la conférence, cette semaine à Las Vegas, un espace complet est consacré à la Machine autrement baptisée MDC pour « Memory driven computing ». Des membres de l'équipe R&D y présentent en blouses blanches les éléments qui la composent, illustrés d'exemples d'applications. « Dans les ordinateurs aujourd'hui, le processeur est au centre de l'univers. Avec la Machine, c'est la mémoire que nous mettons au centre de l'univers et ce sont les processeurs qui l'environnent », nous a décrit Martin Fink lors d'une visite du stand. En l'état du projet, HP utilise de la DRAM, volatile, pour simuler de la mémoire non volatile. « Nous continuons nos recherches sur l'ensemble du spectre des mémoires non volatiles et la prochaine étape pourrait être la mémoire à changement de phase sur laquelle nous travaillons actuellement avec des partenaires. »
Des memristors couplées à des liaisons photoniques
A long terme, HP prévoit d'utiliser des memristors (ou resistive RAM), qui sont à l'étude dans ses laboratoires depuis quelques années déjà. Ses efforts portent aussi sur les technologies photoniques pour faire transiter l'information au sein de la machine bien plus rapidement que le cuivre ne le permet actuellement. Le prototype annoncé pour l'an prochain se présentera sous la forme d'un rack hébergeant 320 To de mémoire. A titre de comparaison, le superdome X de HP qui dispose de la plus grande capacité mémoire pour l'instant se borne à 12 To, rappelle Martin Fink. Le prototype accueillera par ailleurs 2 500 coeurs de processeurs permettant l'exécution de 10 000 threads. « Et nous avons en ce moment un vif débat en interne pour déterminer quel type de workloads nous voulons exploiter sur la Machine », a indiqué le CTO.
La composante liaisons photoniques de La Machine de HP. (crédit : IDGNS)
« Lorsque l'on parle du projet, la plupart des gens se demandent comment ils pourront en tirer profit pour leurs applications actuelles et, de fait, nous travaillons sur le noyau Linux afin de proposer une compatibilité qui permettrait par exemple d'y porter Watson ou SAP. Mais ce qui serait vraiment intéressant, c'est de l'exploiter pour des applications auxquelles on ne pensait pas jusqu'à présent », pointe Martin Fink. Le prototype à venir permettra aux partenaires de HP de déterminer quels avantages ils peuvent tirer de la Machine pour leurs applications. « Simultanément, nous crérons des démonstrations pour exploiter des workloads qu'on ne peut pas faire tourner aujourd'hui ». Martin Fink a donné son exemple favori qui peut parler à tout un chacun, estime-t-il. Dans le domaine du transport aérien, un avion atterrissant en avance à l'aéroport doit attendre qu'on lui attribue une porte libre pour son parking parce que les ressources informatiques ne permettent pas de gérer le nombre de scénarios que cela représente. La Machine et ses énormes ressources mémoire pourraient prendre en compte à l'échelle mondiale l'ensemble des avions, des équipages en vol et au sol, les portes, etc. pour le déterminer.
Sur le stand du HP Labs, un panneau fournit des informations sur The Machine Architecture Simulator, l'outil d'émulation des ressources mémoire utilisé par les ingénieurs de HP pour développer l'OS et le firmware du système. Il peut aussi simuler des noeuds de traitement pour la Machine, sur des processeurs x86 ou ARM. (crédit : IDGNS)
Un changement complet de paradigme
Autour des ressources de mémoire placées au coeur du système, il sera possible de rattacher, outre les processeurs, GPU et interfaces réseaux, des capacités de traitement spécialisé, a encore expliqué Martin Fink. « Certains de nos grands clients réunissent des dizaines de milliers de développeurs. Plutôt que de concevoir des logiciels pour réaliser des traitements conventionnels, ils pourraient imaginer de confier à une partie de leurs développeurs la conception d'un accélérateur matériel à intégrer au système pour exploiter leurs données, de façon plus simple et moins coûteuse. » L'équipe du projet concentre aussi ses efforts sur la sécurité, construite au coeur de la Machine où toutes les données sont chiffrées, qu'elles soient stockées ou en transit. « Nous aurons aussi de nouveaux paradigmes sur la façon de protéger, de détecter les problèmes de sécurité et de les régler. C'est une partie très importante et s'il n'apportait que cela, le système aurait déjà une grande valeur ».
La Machine représente un changement complet de paradigme, a résumé Martin Fink. Au démarrage, ce n'est pas le processeur qui est activé en premier, mais la mémoire. « Et l'on peut relancer tous les processeurs, en ajouter, en retirer, sans même impacter la mémoire qui demeure intacte. Il ne s'agit pas seulement d'aller plus vite mais de changer l'architecture et d'accéder à des applications qu'on ne peut même pas imaginer aujourd'hui. » Après l'étape du prototype basé sur des DRAM, dans un an, HP prévoit d'étendre encore les capacités de la Machine, avec de la mémoire non volatile cette fois.