Deux fournisseurs d’accès Internet français ont déposé deux recours devant le Conseil d’État, la plus haute instance juridictionnelle du pays, pour demander à ce que le contenu du décret secret définissant le champ d’action des services de sécurité français en matière de surveillance de l'Internet, signé en 2008 par le gouvernement, soit rendu public. C’est le magazine L'Obs qui, en juillet dernier, a révélé l’existence de ce décret secret qui sert de base juridique à l’action de la Direction générale de la surveillance extérieure (DGSE), les services français chargés du renseignement extérieur. Même si le contenu de ce décret est encore secret, on sait qu'il autorise la DGSE à exploiter à une échelle massive les communications Internet entrantes ou sortantes du territoire français et son existence n'a pas été niée par le gouvernement.
Jeudi, l’association French Data Networks (FDN) « qui s’est donnée pour but l’utilisation et le développement des réseaux Internet et Usenet », la Fédération FDN, et l’association de défense des droits des internautes La Quadrature du Net, ont révélé qu'ils avaient déposé deux recours devant le Conseil d'État, la plus haute juridiction française compétente pour toutes les questions relatives à l'administration. Le premier recours, dit en référé-suspension, fait valoir que le caractère secret du décret ne permet pas aux citoyens et aux parlementaires d’en estimer le bien-fondé, et qu’il contrevient aux décisions de la Cour européenne des droits de l'homme. Le second recours découle d'une décision prise au mois de juillet par le Conseil constitutionnel français, qui a constaté que la nouvelle loi sur la sécurité et la surveillance, bien que globalement conforme à la Constitution, ne fournit pas de garanties suffisantes sur les activités de la DGSE. Selon les plaignants, la position du Conseil constitutionnel montre que le caractère secret du décret est illégal parce qu'il n’offre pas de garanties réelles et détaillées contre les abus qui pourraient être commis par les services de sécurité et à ce titre il n'a aucun fondement constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs supprimé un des volets de la loi de surveillance et le gouvernement prépare un nouveau projet de loi pour combler le trou juridique qui découle de sa décision. La Quadrature du Net et les FAI espèrent que leur action obligera le gouvernement à déterminer des limites plus strictes - et plus transparentes – au champ d’action des services de sécurité.