Dans un contexte d’urgence, un outil de modélisation comme Anaplan, jusqu’alors exploité d’abord pour la planification budgétaire ou les prévisions de vente, a pu être mis à contribution par les équipes intervenant en 1ère ligne dans la crise sanitaire pour organiser les ressources matérielles et humaines dans les hôpitaux et sur le terrain. Comme de nombreux fournisseurs, Anaplan a très vite mis sa plateforme cloud à la disposition des personnels de santé et des acteurs non gouvernementaux engagés dans la lutte contre le Covid-19, en accès gratuit pendant 90 jours. La planification des lits, des équipements, la centralisation et répartition des stocks de masques, autant de cas d’usages que peut traiter l'outil SaaS. Encore fallait-il disposer des modèles de données adaptées aux situations rencontrées. Fin mars, l'initiative Anaplan helps a donc sollicité la communauté des partenaires et des experts du logiciel certifiés Master Anaplaners - le plus haut niveau de certification - pour imaginer et créer des modélisations répondant à la criticité du moment. « 55 d’entre eux ont bloqué 5 jours pour bâtir des solutions à partir du cahier des charges fourni », nous a relaté Christophe Bodin, Chief Customer Officer d’Anaplan, basé à San Francisco. « Il en est sorti 17 applications réparties en trois pôles. Les deux plus importants concernent le management des ressources (lits, équipes, matériel) et la planification de la chaîne logistique, le troisième couvre la gestion financière de la crise ».
Ces 17 modélisations sont accessibles gratuitement. « Il manquait l’aide humaine pour les mettre en oeuvre, j’ai fait appel au volontariat au sein de mes équipes de support et services professionnels, plus de 60 personnes ont répondu pour aider les clients à installer la plateforme et les applications, les customiser là où il y a besoin de le faire et mettre le pied à l’étrier pour les utiliser », explique Christophe Bodin. La plateforme Anaplan apporte un moteur de calcul qui permet d’explorer différents scénarios à partir de modèles que l’on construit en fonction des besoins. Une fois les modèles créés, on vient les alimenter avec des données de provenance diverses qui vont être analysées sur plusieurs dimensions. Les résultats des différents scénarios explorés sont restitués sous forme d’indicateurs-clés à travers des tableaux et des visualisations graphiques. Dans le cas des 17 applications gratuites, l’aide apportée par l’éditeur du logiciel cloud s’est faite à distance, ce qui amène aussi à réfléchir sur la façon de délivrer les services, d'une façon générale, une fois la crise passée. La demande est venue de toutes les régions où Anaplan est bien implanté, aux Etats-Unis, en Asie-Pacifique et en Europe où la France et le Royaume-Uni compte d’importants organismes des santé parmi les principaux utilisateurs des modèles ainsi offerts.
Des modèles déployés en deux jours
La mise en route des applications se fait très rapidement, en deux jours. « 180 organisations les utilisent tous les jours, ONG internationales, états aux Etats-Unis, groupes pharmaceutiques, hôpitaux… des organisations importantes qui ont entre 5 et 10 utilisateurs qui travaillent en permanence dans l’application », nous a indiqué le chief customer officer d’Anaplan. Pour les trois-quarts d’entre eux, il s’agit de clients qui exploitaient déjà la plateforme dans un tout autre contexte, généralement à la direction financière ou pour les prévisions commerciales. Un quart n’avait jamais entendu parler de l’outil avant. « Cela nous met dans des cas d’usage inhabituels et nous permet de progresser sur l’utilisation de la plateforme. Nous sommes passés dans l’opérationnel alors que nous étions surtout dans la finance et la vente ». La gratuité prévue pour trois mois va-t-elle s’arrêter à l’issue de l’initiative si les applications sont toujours fortement exploitées par les acteurs de la santé qui y ont actuellement recours. Sans doute pas. Des limites sont posées en termes de volume de données. « Nous proposons tout de même 10 Go de mémoire », précise Christophe Bodin.
Le modèle ESCoRT consolide les ressources de différents établissements de santé dans un environnement de planification pour gérer de façon centralisée les fournitures et le personnel en cette période d’urgence. Un modèle sur lequel ont travaillé trois Master Anaplaners, Jared Dolich et Tim Mark, de Columbus Consulting, et David EdwardsDavid Edwards Consulting.
Parmi les plus utilisées par les hôpitaux et premiers secours, l’application ESCoRT - pour Emergency Suply Chain Response Tracker - consolide dans le modèle Anaplan le nombre de lits et les stocks disponibles, ce qui permet de placer les patients en fonction des lits ou de redistribuer les stocks centralisés de masques ou autres. « Un autre modèle fonctionne bien, c’est un agrégateur de données externes qui regroupe toutes les informations de confiance sur l’épidémie pour les mettre à disposition des personnes qui ont déjà des modèles, afin de les aider à établir des scénarios ».
Des données externes sur le COVID-19 fournies au format Anaplan pour les intégrer dans les applications internes. (agrandir l'image)
Parmi les autres applications le plus téléchargées, celles qui aident à avoir le bon nombre de soignants au bon endroit. Hors du secteur santé, un des 17 modèles proposés aide les restaurateurs, touchés au 1er chef par le confinement, à gérer leur trésorerie. Un exemple qui attire l’attention sur le fait qu’Anaplan peut aussi s’adresser à de petites structures (que le pricing du produit place généralement hors cible).
Demain, gérer la distance physique et les inventaires épais
L’après-crise est un autre sujet sur lequel les outils de planification peuvent servir. « Les demandes de nos clients portent maintenant sur la gestion de la distanciation sociale dans le cadre du retour au travail », relève Christophe Bodin. « C’est une chose de planifier le nombre d’employés par bureaux ou locaux, c’en est une autre de le faire en maximisant la distance entre eux, 1 mètre ou 1,80 m aux Etats-Unis ». Il faut réorganiser l’espace de travail, réfléchir aux rotations à mettre en place car il est clair qu’il ne peut plus y avoir le même nombre de personnes dans les mêmes endroits. « Ce sont des problèmes de modélisation qui ne sont pas du tout insolvables mais qui sont nouveaux ».
Un exemple de planning de ressources pour appliquer les nouvelles règles de distanciation physique. (Crédit : Anaplan)
Un autre cas d’usage apparaît dans la supply chain où la gestion d’inventaires en mode lean pourrait perdre un peu de terrain. « Nous avons au contraire de plus en plus de demandes de gestion d’inventaires assez épais pour pouvoir faire face à des problèmes d’approvisionnement. Nous commençons à travailler sur des modèles avec nos clients : comment stocker le plus possible dans les entrepôts, mais aussi comment j’organise ma force de travail humaine autour de ces entrepôts, car là aussi la distanciation s’impose et il faut organiser les arrivées et sorties de produits avec un nombre restreint d’employés ». Une problématique qui devrait sans doute se maintenir pendant plusieurs mois.