Avec le concours de ses principaux partenaires financiers, MSD Partners et Silver Lake, Michael Dell a donc cassé sa tirelire pour s’offrir EMC moyennant un chèque de 67 milliards de dollars. La plus grosse acquisition à ce jour d’une compagnie IT. Michael Dell deviendra président du conseil et CEO de l’entreprise fusionnée. Selon les termes de l'accord, les actionnaires d’EMC recevront 24,05 $ par action (en numéraire), avec un bonus lié à la valorisation des 83% que détient EMC dans VMware. Soit environ 33,15$ par action EMC au final. Lors d'une conférence de presse téléphonique, Joe Tucci, le CEO d'EMC, qui quittera l’entreprise au moment de la finalisation de la vente mi-2016, a indiqué que Pivotal deviendrait une société cotée à court terme et qu’elle n’entrait pas dans le deal avec Dell.
Cet accord permettra de combiner les ressources du plus grand fournisseur de solutions de stockage avec l'un des plus grands fabricants de serveurs afin de concurrencer frontalement HP, IBM, HDS, Cisco et Oracle bien sûr mais également de futurs géants chinois comme Huawei Enterprise. Le portefeuille du nouveau Dell bénéficiera d’un très large éventail pour couvrir presque tous les besoins des entreprises : du stockage haut de gamme avec les VMax, aux solutions scale-out NAS avec Isilon ou aux baies full-flash avec Xtrem-IO et DssD, sans oublier la gestion de documents avec Documentum, la sécurité avec RSA ou encore l’hyperconvergence avec VCE. Le big data et le DevOps avec le PaaS Cloud Foundry de Pivotal ne font toutefois pas partie de l'accord. Les solutions de virtualisation et de cloud de VMware, une société acquise par EMC en 2004, connaitront un traitement particulier car l’éditeur restera une société cotée pilotée par Pat Gelsinger. EMC possède en effet 80% des actions de cette filiale qui passe dans le giron de Dell. La firme d'Austin a toutefois prévu d'augmenter sa participation dans VMware.
Une acquisition étonnante pour un groupe redevenu privé
Après avoir mené une longue campagne en 2013 pour redevenir privé, tandis qu’EMC défendait son modèle de fédération (EMC2, VCE, Pivotal, RSA et VMware) face à des fonds vautours qui demandaient son démantèlement, les deux entreprises ont fini par se rejoindre pour former une espèce de super fédération : du PC portable aux baies SAN en passant par les tablettes, la GED et les solutions de back-up en local ou en ligne. Dell qui a patiemment monté son offre de stockage avec les rachats d’Ocarina, Compellent et EqualLogic va devoir rapidement trancher et réorganiser pour donner du sens à sa stratégie.
L'acquisition d'EMC va permettre à Dell de devenir un fournisseur de solutions IT globales avec un ensemble complet de produits du PC au datacenter, a déclaré l'analyste Charles King de Pund-IT. Bien qu'IBM et HP aient renoncé à ce modèle, il peut être bon pour les clients sur deux niveaux, a-t-il dit. Un vendeur qui achète des composants pour une gamme complète de produits peut obtenir des baisses de prix des fournisseurs, et les entreprises qui peuvent tout commander chez un seul fournisseur peuvent bénéficier de meilleures offres. Un commentaire convenu que nous entendons depuis plusieurs années même si les entreprises n’aiment pas mettre tous leurs œufs dans le même panier.
Une réorganisation nécessaire dans le stockage
Dans le stockage, les gammes de produits des deux sociétés se complètent largement les unes par rapport aux autres, a souligné Ashish Nadkarni, analyste chez IDC. EMC est orienté vers les grandes entreprises tandis que Dell est plus fort en entrée de gamme, même s’il y a un certain chevauchement entre les baies EqualLogic et Compellent de Dell et les systèmes VNX et VMax d’EMC. Cet accord permet également à Dell de devenir un acteur significatif dans le domaine de la protection des données, où il n'a jamais été en mesure de rivaliser avec les lignes Data Domain et Avamar d'EMC, dit encore l'analyste.
Enfin, cet accord pourrait mettre en péril le lucratif partenariat VCE qui combine les équipements de stockage d’EMC avec la plate-forme de virtualisation de VMware et les équipements serveurs et réseau de Cisco, a ajouté M.Nadkarni. C’est vite oublier que Cisco a commencé à se désengager de VCE (de 35 à 10%) au profit de NetApp (FlexPod) et que les solutions de Dell peuvent parfaitement remplacer celles de Cisco. Lors d’une conférence de presse téléphonique avec Joe Tucci, Pat Gelsinger, CEO de VMware, a indiqué vouloir continuer à travailler avec Cisco sur Vblock et d'autres options VCI. « Comme nous passons à des produits hyperconvergents, nous pouvons utiliser plus de technologies Dell, ... mais pour les produits réseau, nous avons l'intention de rester avec Cisco pour le moment. »