« John Swainson a aussi la réputation d'avoir de l'expérience dans les fusions-acquisitions, et il apporte à Dell une certaine crédibilité dans le domaine des logiciels d'entreprise, » a déclaré Ray Wang, analyste et CEO de Constellation Research. « Compte tenu du parcours de son nouveau directeur, il semble probable que ses actions vont viser en priorité le middleware et les infrastructures, avec une orientation possible vers les applications d'entreprise par la suite, » a déclaré Paul Hamerman, analyste chez Forrester Research. Dell a déjà un pied dans les applications d'entreprise, mais comme revendeur de produits de Salesforce.com pour les petites et moyennes entreprises. Suite à des acquisitions antérieures, Dell a également une longueur d'avance dans les infrastructures et le middleware, avec notamment sa gamme d'applications Kace pour l'administration de parcs de postes de travail hétérogènes et sa plate-forme d'intégration, achetée à la start-up Boomi, qui facilite le transfert des données entre applications sur site et applications hébergées dans le cloud.
Une offre logiciels et services à monter
« Dell pourrait très bien devenir un guichet unique pour les applications cloud computing des PME, mais il lui reste encore quelques lacunes à combler, dans la BI (business intelligence) notamment, » a déclaré Ray Wang. Il se trouve que les opportunités d'acquisition dans ce domaine sont légion, notamment Birst, Pentaho, QlikView et autres. « Dell pourrait aussi acquérir un éditeur spécialisé dans l'e-commerce, comme Avangate, ainsi qu'une société de gestion de licences logicielles, comme Flexera, » a ajouté le CEO de Constellation Research. Cependant, l'acquisition d'applications de premier plan comme celles de son proche partenaire Salesforce.com semble « hautement improbable », a estimé Ray Wang. Pourtant, un tel achat pourrait également procurer à Dell quelques technologies PaaS (Platform-as-a-service), en s'inspirant de ce qu'avait fait Salesforce.com avec Heroku ou sa plate-forme Force.com. Dell s'était déjà aventuré l'an dernier dans l'IaaS (Infrastructure as a Service), avec un système basé sur OpenStack, mais un PaaS complet nécessiterait d'autres outils de développement et des services supplémentaires. «Je ne sais pas s'ils vont construire une plate-forme ou mettre tout simplement tout le monde ensemble, » a déclaré Ray Wang. « Mais à long terme, s'ils veulent être pris au sérieux en matière de logiciel, ils devront se mettre au PaaS. »
D'autres observateurs s'attendent à ce que Dell procède à des acquisitions stratégiques dans le domaine des applications d'administration de systèmes. « L'acquisition d'un produit comme ManageEngine de Zoho Corp, serait intelligent et aiderait Dell à développer un « service cloud » pour ses offres aux PME, » a estimé Dylan Persaud, directeur général de Eval-Source, un cabinet qui conseille les entreprises sur les achats logiciels. ManageEngine est l'équivalent de l'OpenView de Hewlett-Packard. « C'est vraiment une bonne opportunité, pas chère, pour les entreprises, et il offre une quantité appréciable de fonctionnalités, » a-t-il ajouté. Même si le constructeur a eu peu de succès sur les marchés de la tablette et du smartphone, Dell va sûrement chercher à acquérir des logiciels pertinents dans la mobilité. « On peut tout à fait imaginer que Dell s'associe avec Research In Motion ou rachète une partie du constructeur canadien afin de disposer des technologies de gestion de périphériques mobiles, » a avancé Dylan Persaud.
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Cependant, il ne faut pas s'attendre à ce que Dell prenne la place de HP ou d'IBM, dont les applications d'administration de systèmes sont bien implantées dans les entreprises. « Dell veut se concentrer sur le mid-market, » a déclaré Rob Enderle, analyste de Enderle Group. Un rachat du vendeur de systèmes de gestion BMC, qui a lui-même réalisé quelques acquisitions spécifiques dans le middle market, permettrait à Dell de brûler quelques étapes. « Mais un rachat de cette envergure est peu probable, » a estimé l'analyste de Enderle Group. « Michael Dell, le CEO de Dell, n'aime pas les grosses acquisitions. » Selon lui, « Dell préfère acheter de jeunes entreprises dont l'activité correspond à ses objectifs. »
L'ambition de Dell est de se constituer un portefeuille d'applications d'administration de systèmes « dont la valeur totale dépasse la somme de chaque partie, » a déclaré Rob Enderle. « Mais, devoir aller chercher chez un tiers la fonctionnalité nécessaire ne mettrait pas Dell au même niveau que HP et autres. Or Dell voudrait être leader sur le marché des grosses PME. Même si le constructeur glane ici et là des éléments indépendants de toute plate-forme, le but est quand même de créer des solutions autour de la technologie Dell afin de vraiment rivaliser avec les autres acteurs du secteur. »
Selon Frank Scavo, gérant associé de Strativa, une société spécialisée dans la stratégie IT, la raison pour laquelle Dell a décidé de créer sa division logicielle est évidente. « En ce moment, personne n'a envie d'être confiné dans la vente de hardware, et Dell ne fait pas exception, » a-t-il déclaré par e-mail. « IBM a vendu sa division PC à Lenovo, HP a semble-t-il envisagé de brader son activité PC l'année dernière, et Oracle est en train de recentrer ses activités Sun en s'éloignant du serveur bas de gamme. » Dell, Hewlett-Packard et Oracle suivent « tous des stratégies similaires, combinant un matériel avec des logiciels et des services, bien qu'ils partent chacun d'un point différent», a ajouté Frank Scavo. « À ce titre, l'annonce de Dell devrait également avoir valeur d'avertissement pour les éditeurs de logiciels, » selon Rob Enderle. « Les éditeurs de logiciels qui se sont appuyés sur des entreprises comme Dell doivent comprendre que tous les vendeurs de hardware vont développer eux-mêmes leurs propres logiciels, » a-t-il déclaré.