Les entreprises ont du ménage à faire dans leurs applications. Une enquête réalisée par Capgemini avec HP, auprès d'une centaine de DSI et responsables IT de haut niveau, fait apparaître que 60% d'entre eux estiment gérer davantage d'applications que nécessaire au bon fonctionnement de leur entreprise. Or, toutes consomment des ressources qui pourraient être utilisées différemment pour le développement de l'entreprise et consacrées en particulier à l'innovation, pointe la SSII. En fait, les responsables IT consultés ne sont guère que 4% à juger que tous les systèmes informatiques qui ont été mis en place leur sont indispensables. Globalement, ils sont jusqu'à 85% à penser que leur portefeuille applicatif doit être rationalisé. Pour autant, le retrait des applications obsolètes ne semble pas figurer dans la liste de leurs priorités, même si près d'un tiers d'entre eux pense que 1 à 10% de leurs applications devraient être arrêtées (« décommissionnées ») et qu'une moitié évalue plutôt cette proportion entre 11% et 50%.

Les entreprises interrogées sont de différentes tailles, à partir de 1 000 jusqu'à 100 000 employés. 37% d'entre elles sont américaines et 63% européennes (situées en France, Allemagne, Grande-Bretagne, Espagne et Benelux). Comme on pouvait s'y attendre, Capgemini souligne dans son rapport que la perception du nombre adéquat d'applications par rapport à l'activité varie de façon significative suivant la taille de l'entreprise. Ainsi les trois-quart des celles comptant moins de 1 000 employés disent exploiter exactement le nombre d'applications qu'il leur faut. Dans ce segment, elles sont même 23 % de plus à juger qu'elles n'en ont pas suffisamment pour soutenir leur activité. Cette différence de ressenti s'explique aisément par la taille du portefeuille : dans 84% des cas, les structures de moindre taille gèrent moins de cinquante applications, alors que les plus grandes en ont jusqu'à 10 000.

Peu de synergie entre développement et maintenance

Comme on l'imagine assez bien, l'état de lieux recueilli par Capgemini montre que la situation est loin d'être simple. 56% des entreprises sondées estiment notamment que plus de la moitié de leurs applications sont personnalisées, ce qui en complexifie la gestion. Quant au constat porté sur la synergie existant entre les équipes de développement et de maintenance, il pourrait être plus optimiste. Seulement 13% des responsables IT considèrent que ces équipes travaillent de concert, tandis que 48% pensent plutôt que celles qui bâtissent les applications et celles qui les maintiennent ne sont en phase que 50% du temps, voire moins souvent. « Nous avons typiquement des problèmes d'alignement avec les applications qui sont importées lors des acquisitions et des fusions, explique par exemple le directeur des services web d'un éditeur américain. Il arrive que les équipes de développement n'aient pas la pleine maîtrise de ses systèmes. Par conséquent, à chaque fois qu'il y a des problèmes avec la livraison des applications ou avec leurs performances, les équipes de maintenance et de développement s'accusent l'une l'autre. »

Illustration : "Quelle est, selon vous, la proportion des applications exploitées dans votre entreprise qui pourraient être arrêtées ?". Le rapport "Applications Landscape" de Capgemini et HP montre que de nombreuses applications pourraient être mises sur la touche. [[page]]La complexité vient aussi du fait que les applications les plus anciennes deviennent obsolètes et difficiles à maintenir et à intégrer avec les nouvelles infrastructures IT. Les entreprises continuent à supporter des applications qui ne leur apportent plus vraiment la valeur attendue et ne prennent pas en compte les processus métier couramment exploités. Par ailleurs, si la majorité d'entre elles ont bien une politique d'archivage des données, en réalité, la plupart conservent les données au-delà de la date fixée par crainte de déroger aux exigences de conservation légales ou pratiquées dans leur secteur d'activité. Dans son rapport, Capgemini cite notamment Pascal Bataille, architecte d'entreprise chez Alcatel-Lucent, en France : « Lorsqu'Alcatel a fusionné avec Lucent, nous avons hérité d'un paysage IT dans lequel la plupart des applications étaient dupliquées ou existaient à plusieurs endroits, conséquences d'acquisitions successives. Nous avons d'abord dû les connecter et les maintenir pour supporter tous nos utilisateurs et toutes les spécificités métiers. Cela a pris du temps de se mettre en ligne avec la politique généralement appliquée dans ces situations, consistant à évaluer les applications, à la fois techniquement et par rapport à la stratégie du nouveau groupe, afin de déterminer quelles seraient celles qui seraient abandonnées. »


L'effort de rationalisation peut se solder par un échec

Capgemini liste les freins à l'évolution de ce patrimoine. Ce sont en fait toujours les mêmes : coût du retrait des  applications périmées, absence de retour sur investissement immédiat, résistance culturelle au changement, mais aussi, différences régionales et la difficulté à trouver des développeurs capables de récupérer les données gérées dans les applications supprimées. Enfin, pour certains responsables IT, la suppression des applications obsolète n'est pas considérée comme une priorité. Ils préfèrent donc concentrer leurs efforts sur d'autres domaines.

Dans son rapport, la SSII liste quelques rationalisations réussies, mais mentionne également deux échecs dont l'un dans un groupe de 5 000 personnes qui a décidé en 2003 de remplacer son système principal par une application plus actuelle. Sept ans plus tard, le système est toujours là. L'envergure de l'application et le volume de données stockés, combiné avec l'absence d'une stratégie claire concernant l'archivage et le retrait d'applications, a conduit à l'abandon du projet. « En l'absence de véritable stratégie sur la façon d'arrêter les différents éléments et migrer les données vers le nouveau système, cela n'a tout simplement pas été réalisé », explique le directeur des systèmes de production de la société en question.