Comme le savent les professionnels de l’IT, les fermes de serveurs d'entreprise consomment énormément d'énergie, et plus elles sont grandes, plus leur appétit est vorace. L'informatique quantique pourrait aussi avoir un impact dans ce domaine, car elle pourra non seulement résoudre des problèmes complexes plus rapidement exponentiellement que l'informatique classique, mais aussi consommer moins d'énergie. Cependant, des obstacles majeurs s'y opposent, notamment la création de températures extrêmement basses requises pour permettre la supraconductivité utilisée dans les composants de l'informatique quantique. Des chercheurs du MIT travaillent actuellement sur un minuscule dispositif qui pourrait à la fois rendre possible l'informatique quantique et réduire considérablement les coûts des fermes de serveurs. Les origines de ce dispositif, fabriqué à partir d'un nanofil supraconducteur, remontent à un concept similaire développé au milieu des années 1950 par un ingénieur en électricité du MIT qui est mort tragiquement avant que son projet visionnaire ne devienne réalité.
Mais revenons au présent : un groupe de chercheurs du département de génie électrique et d'informatique du MIT, dirigé par Karl Berggren, professeur de génie électrique, s'est attaqué au problème de l'efficacité des supraconducteurs. De façon générale, les supraconducteurs sont des métaux qui conduisent l'électricité sans résistance à des températures extrêmement basses et sont utilisés dans les scanners IRM, les accélérateurs de particules et les ordinateurs quantiques. Cependant, les supraconducteurs présentent deux inconvénients : ils sont vulnérables aux effets du bruit ambiant et leur production est très coûteuse. L'une des raisons pour lesquelles les ordinateurs quantiques sont coûteux est qu'ils reposent sur un commutateur informatique appelé « jonction de Josephson », qui consiste essentiellement en deux couches de matériau supraconducteur séparées par une couche extrêmement fine de matériau non supraconducteur. M. Berggren a expliqué au MIT News que la jonction de Josephson « était fondamentalement un objet assez délicat » et donc difficile et coûteux à fabriquer.
Une idée déjà ancienne
M. Berggren affirme que ses collègues et lui travaillent sur un dispositif minuscule et raffiné qui pourrait permettre de se passer de la jonction de Josephson. Cette idée date de 65 ans. « En 1956, l'ingénieur en électricité du MIT Dudley Buck a publié une description d'un commutateur informatique supraconducteur appelé cryotron », écrit le MIT News. « Le dispositif n’impliquait guère plus que deux fils supraconducteurs : L'un était droit, et l'autre était enroulé autour du premier. Le cryotron agit comme un interrupteur, car, quand le courant circule dans le fil enroulé, son champ magnétique réduit le courant circulant dans le fil droit ». (Dudley Buck a également contribué à l'invention de la mémoire RAM et d'une première version de la clé USB avant sa mort en 1962).
L’ingénieur visionnaire est décédé avant que son cryotron ne puisse être développé, mais Karl Berggren s'est appuyé sur le projet de Dudley Buck sur les commutateurs informatiques supraconducteurs. « Les dispositifs que nous fabriquons ressemblent beaucoup aux cryotrons dans la mesure où ils ne nécessitent pas de jonctions de Josephson », a-t-il encore expliqué au MIT News. Ces nouveaux dispositifs, que M. Berggren a baptisés nano-cryotrons en hommage à Dudley Buck, peuvent servir d'interface entre les supraconducteurs et l'électronique classique, basée sur les transistors. La simplicité du dispositif de Karl Berggren (« au bout du compte, ce n'est qu'un fil ») devrait le rendre moins cher et plus facile à fabriquer que les jonctions de Josephson, et moins sensible au bruit ambiant.
Un usage étendu
M. Berggren pense que les nanocryotrons pourraient être utilisés un jour à la fois dans les ordinateurs quantiques supraconducteurs et dans les ordinateurs classiques, et réduire considérablement les coûts énergétiques. « Les nanocryotrons ne remplaceront probablement pas les transistors de votre téléphone. Mais s'ils pouvaient remplacer les transistors d’une ferme de serveurs ou d’un datacenter, cela aurait un impact énorme », a-t-il encore déclaré au MIT News.