Exploiter le SI d'autres établissements bancaires pour limiter le poids de l'informatique dans le budget de la banque. C'est la voie qu'a choisie Crédit Mutuel Arkea, avec le développement de son activité Arkea Banking Services (ABS). « Nous sommes capables de livrer une banque clef en main allant jusqu'au BPO », indique Laurent Jurrius, le directeur du pôle innovation et opérations de Crédit Mutuel Arkea, un département du groupe de bancassurance comptant 1400 personnes. L'originalité du modèle, né il y a environ 12 ans ? Le service, qui gère notamment l'IT des fédérations du Crédit Mutuel de Bretagne et du Sud-Ouest ainsi que de leurs filiales, prend aussi en charge la production informatique d'Axa Banque, d'Allianz Banque, de Louvre Banque Privée ou encore du CCF, la banque née du transfert des clients de HSBC France à My Money Group (lire notre article sur cette migration de quelque 700 000 clients). Au total, plus d'une dizaine d'acteurs financiers sont aujourd'hui hébergés sur les SI de la banque mutualiste.
« Dans la gouvernance de notre système d'information, ces clients externes sont représentés par Arkea Banking Services », reprend le dirigeant. Cette activité, employant environ 260 personnes, est intégrée au pôle de services B2B, qui possède six spécialités complémentaires (solutions de paiement, gestion de titres, crédit à la consommation, rachat de crédits et centre de contacts). L'ensemble représente environ 400 millions de chiffre d'affaires annuel (à comparer au produit net bancaire du groupe de 2,6 Md€ en 2022).
Amortir les coûts du SI sur de plus grands volumes
« L'architecture technique est totalement étanche entre les différents clients de notre SI, avec une ségrégation logique des activités, des règles de routage et des habilitations spécifiques, indique Laurent Jurrius. Cette mutualisation nous permet à la fois d'amortir les coûts de notre SI sur davantage de volumes et de nous ouvrir sur l'extérieur, avec des demandes susceptibles de stimuler l'innovation en interne ». Un levier intéressant dans une période marquée par un accroissement du poids des coûts IT dans les PNB (produits nets bancaires) bancaires. Alors que le ratio budget technologique sur PNB évoluait dans une fourchette de 9 à 10% il y a quelques années seulement, il a eu tendance à s'envoler de plusieurs points récemment.
Laurent Jurrius, directeur du pôle innovation et opérations de Crédit Mutuel Arkea ; « pour contenir nos coûts IT, notre solution consiste à augmenter nos volumes, car l'IT comporte une part de coûts fixes. » (Photo : D.R.)
« Nos coûts IT aussi ont augmenté, du fait de l'inflation des tarifs des fournisseurs, des tensions sur le marché des compétences IT ou encore de l'accroissement du poids du réglementaire. Nous sommes aujourd'hui dans la moyenne de la profession. Pour contenir ce ratio, notre solution consiste à augmenter nos volumes, car l'IT comporte une part de coûts fixes. La mutualisation permet de réaliser des économies sur cette dernière, afin de financer des investissements », détaille le directeur du pôle innovation et opérations. Un levier important pour Crédit Mutuel Arkea, qui doit amortir ses coûts informatiques sur des volumes moindres que les six autres grands réseaux bancaires français possédant leur SI. Même en intégrant ABS, Crédit Mutuel Arkea gère 5 à 10 fois moins de volumes que ces grands réseaux, assure Laurent Jurrius.
Un éditeur ? Surtout pas
Comme les autres banques de la place, Crédit Mutuel Arkea fait tourner un SI hybride, reposant sur du mainframe et un cloud privé, initialement construit en 2016 et 2017. « Nous hybridons également notre système d'information avec du cloud public, de façon très prudente, explique Laurent Jurrius. Mais nous avons bien défini une trajectoire pour augmenter l'usage du cloud public - en l'occurrence GCP -, en privilégiant la portabilité. »
Frédéric Diverrez, responsable du pôle B2B de la banque et de ses services spécialisés : « Nous concentrons désormais nos efforts sur la segmentation des équipes et la professionnalisation de la relation avec CCF. » (Photo : D.R.)
Du côté des clients d'ABS, l'accès au SI de Crédit Mutuel Arkea apporte économies d'échelle, compréhension fine des métiers et - évidemment - intégration du volet réglementaire. Sur les évolutions, certaines - comme celles touchant au référentiel clients ou à la chaîne réglementaire - sont intégrées d'office pour tout le monde. Les clients externes de l'IT ont davantage de latitude sur le front-office, afin de maintenir leur différenciation, ainsi que sur l'intégration de nouvelles fonctionnalités, comme Apple Pay par exemple. Si l'activité d'Arkea Banking Services ressemble à celle d'un éditeur, Frédéric Diverrez, le responsable du pôle B2B de la banque et de ses services spécialisés, tient à s'en distinguer : « nous anticipons bien davantage qu'un éditeur qui se repose avant tout sur l'écoute de ses clients et réagit à leurs attentes. »
Prendre en charge les projets de migration
Si l'activité en marque blanche de la DSI de Crédit Mutuel Arkea est évidemment scrutée avant tout sur la stabilité de sa production, l'activité doit aussi être en mesure de prendre en charge des projets de migration. Pour le CCF, par exemple, il s'agissait de reprendre l'ensemble du patrimoine de données (HSBC ne concédant pas son système d'information au repreneur) et de sécuriser la migration pour redémarrer dès début janvier 2024. Une opération risquée, mais considérée comme réussie sur le marché. « Nous avions prévu de la bande passante en aval de la migration pour stabiliser l'opération. Comme cela s'est révélé inutile, nous sommes passés directement du mode projet à l'exploitation. Nous concentrons désormais nos efforts sur la segmentation des équipes et la professionnalisation de la relation avec CCF », commente Frédéric Diverrez. Dans d'autres cas, comme avec les activités bancaires d'Axa et Allianz, les opérations de transfert ont débuté par une reprise du personnel IT, l'exploitation du SI en place jusqu'à son extinction et la migration vers les systèmes cible. Un savoir-faire projet que le groupe mutualiste entend conserver en interne, afin de s'appuyer sur la compétence tant métier que technique des équipes de la DSI.