En direct de Lyon. La convention annuelle de l'USF (association des Utilisateurs SAP Francophones) a lieu à Lyon les 10 et 11 octobre 2018 sur le thème « La donnée au coeur des nouveaux usages ». Il s'agit de la première édition où Gianmaria Perancin est président du club, tout en étant également par ailleurs le président du Sugen, le réseau des dirigeants de clubs utilisateurs SAP dans le monde. Evénement de référence de l'écosystème SAP en France, les deux jours de la Convention USF associent des conférences plénières, des ateliers présentant des mises en oeuvres de solutions SAP avec des partenaires et un espace d'exposition pour les mêmes partenaires. 3 300 individus et 450 entreprises sont membres de l'USF et la Convention accueille plus de 1 500 visiteurs par jour.
« La Convention est un moment d'échange et d'inspiration, un moment de partage d'expérience » a indiqué Gianmaria Perancin dans son discours d'ouverture. Parmi les nouveautés de l'année écoulée, l'USF s'est implantée en Suisse francophone. Une trentaine d'entreprises helvètes utilisatrices de SAP étaient ainsi présentes à Lyon. Le Président a également présenté les récents livrables fournis par l'association, comme celui consacré à la mise en conformité RGPD (réalisé en partenariat avec l'AUFO, les clubs JDEdwards et Peoplesoft). L'analyse du nouveau modèle de licencing est attendue pour la fin de l'année. La convention sera, le deuxième jour, surtout l'occasion de publier les résultats de l'enquête bisannuelle de satisfaction de SAP réalisée par Kantar TNS pour la troisième fois.
Une surprise très attendue pour la data d'e-réputation
Le programme prévoyait un « conférencier surprise ». Il s'agissait simplement du président d'honneur et ancien président de l'association, Claude Molly-Mitton. Il est intervenu sur le sujet de « la dictature de la e-réputation » dans le cadre du fil rouge « la donnée au coeur des nouveaux usages » car la donnée de réputation fait partie des données les plus sensibles mais aussi les plus fragiles. Comme disait Warren Buffet, cité par Claude Molly-Mitton, « il faut vingt ans pour construire une réputation et cinq minutes pour la détruire ». La e-réputation est la version numérique, réseaux sociaux, de la réputation. Et elle a des effets bien réels sur le monde physique. La question de la qualité de la donnée est particulièrement sensible sur cette question au travers des fameuses « infox » (fake news).
Le président d'honneur et ancien président de l'association, Claude Molly-Mitton, a été le conférencier surprise.
Le premier cas de désastre pour une entreprise date de 2003 : la vidéo, publiée par un client mécontent, de l'ouverture avec un stylo bille du cadenas en U pour motos Kryptonyte. Au bout de dix jours, la société est obligée de proposer l'échange des cadenas pour un coût de dix millions de dollars. Claude Molly-Mitton a multiplié les exemples parlant avec des effets désastreux sur le cours de bourse des entreprises ou leur chiffre d'affaires. La Redoute a su, à l'inverse, bien réagir face à l'affaire de l'homme nu en arrière plan d'une photo du catalogue en ligne : face à l'erreur, un concours est lancé pour trouver des erreurs volontaires dans d'autres photos (un crocodile dans une piscine de jardin avec des enfants, etc.), les gagnants étant habillés de la tête aux pieds. Aujourd'hui, la e-réputation des entreprises est de plus en plus le fait de traitements algorithmiques des avis en ligne de clients, notamment pour les restaurants et hôtels, ce qui a un impact évident sur leur activité. Plus gênant est le traitement algorithmique des données numériques de personnes physiques pour définir des profils. Tijman Schep, un chercheur en sociologie, a défini le concept de « social cooling » : l'auto-censure des individus et des entreprises pour soigner leur réputation.
« Le succès de SAP est celui de ses clients »
Revenant sur des sujets plus liés à l'éditeur dont les clients se réunissent au sein de l'USF, Brian Duffy, nouveau President EMEA North chez SAP, est intervenu pour la première fois en France depuis sa prise de fonction. Il s'est réjoui de l'importance pour SAP de pouvoir ainsi débattre avec ses clients grâce aux clubs d'utilisateurs, notamment l'USF. La zone EMEA North regroupe France, Grande Bretagne / Iralnde, Benelux, Scandinavie et Finlande. Il a tenu à insister sur l'importance de l'implication de SAP en France, y compris via le rachat ou le partenariat avec des start-ups. « La France est la place où il faut être en ce moment » a-t-il plaidé avant d'indiquer, évidemment, que « le succès de SAP est celui de ses clients ». L'inverse aurait été étonnant dans une déclaration publique en plénière.
Brian Duffy, nouveau President EMEA North chez SAP, a multiplié les déclarations de bonnes intentions.
Travaillant chez SAP depuis 13 ans, il a eu l'occasion de démontrer l'importance des données dans tous les types de travaux, du business à la médecine (comme dans le partenariat avec l'Institut Gustave Roussy sur la détection et le pronostic des cancers) et il a félicité l'USF pour son thème de l'année. « Défiez nous, remettez nous en cause, mettez nous au défi de vous aider à valoriser vos données, à travailler de manière plus efficace car il n'y a pas de limite dans ce que SAP est prêt à faire pour aider ses clients à être efficace dans leur business » a-t-il proclamé. Il a admis que SAP avait une stratégie « cloud first » mais il s'est engagé à continuer de soutenir les clients préférant le « on premise ». Pour lui, le sens de l'histoire reste tout de même le mouvement vers le cloud, à chacun de faire sa migration à son rythme, avec un passage sans doute obligatoire par l'hybride.
Les sujets qui fâchent auraient pu attendre un peu sans une question des membres : comment expliquer la profitabilité exceptionnelle de SAP malgré la défiance exprimée par les clients ? Pour Brian Duffy, l'explication réside dans l'écoute des clients par SAP et sa capacité à discuter avec eux pour résoudre les problèmes remontés, par une sorte de co-pilotage permettant de « placer les clients au centre ». Pour conclure son intervention, Brian Duffy a tenu à insister sur les annonces concernant la « smart enterprise » faites à SAPphire en 2018. Il a revendiqué d'être un utilisateur pionnier des nouveaux outils SAP en la matière pour savoir comment les faire évoluer.
La mémoire du passé et l'innovation du futur
Pour étendre un peu les débats, le philosophe Raphaël Enthoven est ensuite intervenu sur « L'innovation, c'est une mémoire ». Une telle ouverture est en effet de tradition lors d'une Convention USF pour conclure la première matinée. Le philosophe a ainsi décliné le thème de la Convention, « La donnée au coeur des nouveaux usages ». L'innovation, le changement, le mouvement, c'est bien beau. Mais pour aller vers où ? « L'innovation reste un moyen » a-t-il rappelé. Même si le dernier vers du dernier poème de Beaudelaire dans « Les fleurs du mal » appelle à la nouveauté... simplement parce que le poète s'emm... « si la morale avançait au même rythme que la technique, le vingtième siècle n'aurait pas été le plus sanglant de notre histoire ». Sommes-nous un lapin d'Alice au Pays des Merveilles, toujours en retard sans nulle part où aller ? L'innovation est-elle une maladie mentale ?
Le philosophe Raphaël Enthoven a conclu la première matinée de la Convention USF 2018.
L'innovation n'est pas de l'imagination, du futur qui n'existe pas encore, mais l'exploitation d'un passé. Il s'agit de révéler la valeur de quelque chose qui était déjà là sans que cette valeur ait été repérée ou concrétisée. L'innovation peut ainsi naître dans la concrétisation de l'imagination d'écrivains et de poètes. Et, de la même façon, la création individuelle, nos expressions sur les réseaux sociaux, sont en attente de reconnaissance de valeur, le fameux « like ». Ces créations nous définissent dans les algorithmes et, même s'il est de bon ton de huer Facebook, comme le relève le philosophe, « qui accepterait de n'être défini que par sa consommation ? »