La France aime les défis. Celui de la baisse de l'empreinte énergétique du numérique pourrait toutefois relever davantage du rêve que d'une réalité atteignable. « La sobriété numérique est appelée de tous les voeux mais est un sujet très compliqué », a expliqué Fabrice Coquio, directeur général d'Interxion France à l'occasion d'un point presse ce mardi matin. « Ce ne sont pas les datacenters et les machines qui consomment, mais les utilisateurs particuliers ou entreprises, et je ne pense pas du tout que l'on soit rentré dans un monde de sobriété des usages ». Il est vrai qu'avec l'explosion des vidéos en ligne (réseaux sociaux, visioconférences...), le transfert de centaines - voire milliers - de photos dans le cloud depuis son terminal personnel ou professionnel, les bâtons dans les roues de la frugalité numérique sont nombreux. Dans ce contexte, faut-il vraiment compter sur les utilisateurs pour réduire leur boulimie numérique ? « La meilleure chose à faire c'est d'aller vers des datacenters efficients et de fermer les salles informatiques obsolètes et proposer des éléments tarifaires et fiscaux pour des salles efficientes », avance Fabrice Coquio.
Depuis de nombreuses années, les opérateurs de datacenters - Interxion mais aussi d'autres comme Equinix - ont engagé des démarches de neutralité carbone. Mais l'heure est sans doute venue de prendre à bras le corps la problématique de l'utilisateur final qui ne semble pas vraiment prêt à jouer le jeu de la sobriété énergétique. « Il faut aller au combat contractuel avec les clients pour imposer des avenants sur les températures préconisées par l'Ashrae [L'American Society of Heating Refrigerating and Air-Conditioning Engineers définit les standards d’efficience énergétique des datacenters, NDLR] pour ne plus entrer en anorak dans les salles informatiques », poursuit le directeur général. Malgré tous les efforts faits - et à venir en particulier autour du refroidissement liquide, les datacenters restent toutefois particulièrement gourmands en énergie et ce n'est pas près de s'arrêter. « L'ancien président d'EDF Jean-Bernard Levy est tombé de sa chaise quand je lui ai dit qu'à terme les datacenters vont demander 1 à 2 gigawatts », raconte Fabrice Coquio.
Une puissance électrique comparable à celle d'une demi-centrale nucléaire dans 10 ans
Dans le cadre de sa réflexion sur les tendances des datacenters et de la filière numérique dans les années à venir, Interxion s'est ainsi penché sur leur impact sociétal en fonction de leur implantation. « Installer des datacenters un peu partout pose de plus en plus de problème pour des raisons fondamentales, de par l'accroissement des tailles et des puissances électriques contractées. Les choix relatifs à leur implantation diminuent alors qu'il faudra par exemple trouver 1 400 ha en région parisienne soit 1 % de surface de l'Ile-de-France pour en implanter », avance Fabrice Coquio. « La puissance des datacenters atteint 130 mégawatts aujourd'hui contre 200 dans trois ans et 400 dans 10 ans, soit 45 % de la puissance d'une centrale nucléaire. Ce ne sont plus les mêmes enjeux ».
Les opérateurs de datacenters ne sont cependant pas en roue libre pour installer où ils le veulent leurs infrastructures et doivent se conformer à des exigences légales et réglementaires. « En Europe en en France en particulier on est dans un Etat de droit, il y a des règles à respecter et pas d'arbitraire à priori. Si un permis de construire est obtenu, un élu ne pourra pas décider qu'il a envie ou pas d'un datacenter à partir du moment où les règles instruites sont conformes. Par rapport à d'autres pays comme l'Espagne ou les Pays-Bas, la France est clairement très en avance sur les contraintes qu'elle impose », souligne Fabrice Coquio. « L'acceptation politique s'est cristallisée : quand on a ouvert notre datacenter à Aubervilliers il y a 20 ans personne ne l'avait presque remarqué mais maintenant avec la densification des zones habitables, les populations repèrent de plus en plus ces objets de 15-20 ha ». A Marseille, difficile aussi de passer à côté du datacenter de l'opérateur passé en sept ans du 44e rang mondial des hubs Internet mondiaux à la 7e place.