Apple peut-il échapper à des amendes record ? Ce qui vient de se passer montre en tout cas le poids de la multinationale. Pour comprendre toute l’histoire, un bond en arrière est nécessaire. En 2020, l’organisme de surveillance antitrust français inflige une amende conséquente à Apple – 1,1 milliard d’euros – pour son comportement décrit comme anticoncurrentiel envers son réseau de distribution et de vente au détail. Elle est également soupçonnée d’abus de dépendance économique vis-à-vis des Apple Premium Resellers (APR).
Apple imposait en effet des prix aux revendeurs de produits haut de gamme au détail afin que ceux-ci soient alignés sur ceux pratiqués par la firme californienne dans ses propres magasins, ou sur Internet. La firme s’est notamment rapprochée de deux grossistes (Tech Data et Ingram Micro) pour empêcher des distributeurs de faire jouer la concurrence entre eux. Des prix de vente ont par la suite été imposés aux APR impactant les consommateurs finaux. A l’époque, l'Autorité de la concurrence fait de la firme de Cupertino un exemple pour toute autre entreprise qui oserait défier la loi. La firme a alors fait appel de cette décision, ramenant l’affaire devant la justice.
Une amende divisée par trois malgré une croissance record
Aujourd’hui, la cour d'appel de Paris a abaissé l'amende car elle a décidé d'abandonner l'un des trois principaux chefs d'accusation, liés aux allégations de fixation des prix, a indiqué une source à Reuters. Le tribunal a par ailleurs décidé de baisser significativement le taux appliqué pour calculer l'amende globale, ramenant celle-ci à 372 millions d'euros, soit presque divisée par trois. Le taux utilisé en 2020 tenait compte de la taille de l’entreprise mais aussi de ses capacités financières en très bonne santé, précise cette même source à l'agence de presse.
Tout pourrait donc porter à croire que les revenus de la firme se sont amenuisés depuis. Et pourtant, elle affiche des résultats record au deuxième trimestre 2021, avec une croissance de 54 % de son chiffre d’affaires par rapport à l’année précédente. En 2022, Apple brille encore par ses résultats financiers malgré la pénurie de puces et les problèmes de chaînes d'approvisionnement. Plus surprenant encore, au deuxième trimestre 2022, la firme de Cupertino a enregistré un chiffre d'affaires record de 97,3 Md$, comptant sur les ventes d'iPhone qui ne faiblissent pas.
Des soupçons planent toujours sur la firme
Apple en a peut-être fini avec la France, du moins pour le moment, mais pas avec le reste de l’Europe. En mai dernier, la firme était une fois de plus dans le viseur de la Commission européenne. Cette dernière a partagé les premières conclusions d'une affaire antitrust portant sur Apple Pay sur les appareils iOS. Elle a informé la firme qu'elle estime, à titre préliminaire, que l'entreprise abuse de sa position dominante sur les marchés des portefeuilles mobiles sur les appareils iOS. En limitant l'accès à une technologie standard permettant d'effectuer des paiements sans contact en magasin au moyen d'appareils mobiles (« Communication en champ proche (Near field communication - NFC) » ou « tap and go »), la firme de Cupertino restreint la concurrence sur le marché des portefeuilles électroniques sur iOS.
L'instance conteste la décision d'Apple d'empêcher les développeurs d'applications de portefeuilles mobiles d'accéder aux matériel et logiciel nécessaires (« entrée NFC ») sur ses terminaux, au profit de sa solution propriétaire, Pay. Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive chargée de la politique de concurrence, a déclaré que « les paiements mobiles jouent un rôle d'une importance croissante dans notre économie numérique. Aux fins de l'intégration des marchés européens des paiements, il est essentiel que les consommateurs bénéficient d'un paysage des paiements concurrentiel et innovant. Nous disposons d'éléments nous indiquant que [la firme] a restreint l'accès de tiers à la technologie clé nécessaire pour développer des solutions de portefeuilles électroniques concurrentes sur les appareils d'Apple ». La Commission européenne a précisé que « s'il était confirmé, ce comportement serait contraire à l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui interdit d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché ».