Depuis presque deux ans, vous savez que le terme uberiser ne signifie rien. Malgré tout, il faut bien admettre que le monde du travail est en pleine transformation. La multiplication des plates-formes en ligne (dont Uber ou Deliveroo ne sont que des exemples) pour que des indépendants se vendent directement à des clients finaux n'est que la partie émergée de l'iceberg. Surtout, les mauvais exemples (dont Uber ou Deliveroo) ne doivent pas faire oublier les bons qui permettent aux indépendants d'être réellement maîtres de leur destin. Y-a-t-il un sens de l'histoire en faveur des indépendants et au détriment des salariés classiques ? Denis Pennel répond affirmativement dans « Travail, la soif de liberté » qui vient de paraître aux Editions Eyrolles. Le sous-titre, « Comment les start-uppers, les slashers, co-workers réinventent le travail », est explicite.
Cet ouvrage débute par un avant-propos résumant la vie quotidienne d'un travailleur dans un futur proche. Cette description est bien ce qui est voulu par les nouveaux travailleurs mais représente le cauchemar de certains politiciens. Le numérique est évidemment omniprésent dans ce monde où « les frontières [entre salariat et travail indépendant] se troublent », où l'individualisation est reine... et les droits sociaux bien garantis. L'auteur fait de l'histoire du travail une longue quête vers un idéal de liberté et de réalisation de soi, quête quelque peu perturbée par des conceptions issues du XIXème siècle en matière de salariat, des aléas économiques provoquant en la matière parfois de nets reculs (comme dans les années 1970 à 2000 en France). Malgré tout, « la guerre d'indépendance (du travail) a commencé ! » plaide l'auteur tout en insistant sur un nouvel équilibre qui ne sacrifie pas les droits sociaux mais en transforme l'usage. L'exercice du pouvoir est totalement transformée en entreprises à cause de cette e-révolution.
Un ouvrage militant de qualité
Admettons le : l'ouvrage est militant. De la part du directeur général de la World Employment Confederation, c'était attendu. Mais cela ne retire rien à la qualité de sa documentation et de sa réflexion. Il nous emmène par un verbe clair sur les chemins de la e-révolution des ressources humaines. On parle de transformation numérique ? Eh bien, oui, décrivons la, cette transformation qui bouleverse les entreprises et Denis Pennel le fait bien, avec de nombreuses citations pour ouvrir ses chapitres d'auteurs souvent classés à gauche (Jean-Paul Sartre, Bernard Stiegler, Boris Vian, Henri Isaac, Antonio Gramsci, Roland Berger, Jean-Jacques Rousseau, Aristote, Victor Hugo...).
Et, en plein débat sur la réforme du Code du Travail, l'auteur ne manque d'ailleurs pas d'à propos pour ouvrir son ouvrage sur une citation de Jean Jaurès : « le premier des droits de l'homme, c'est la liberté individuelle, la liberté de la propriété, la liberté de pensée, la liberté du travail. » Les admirateurs de la révolution bolivarienne vénézuélienne ne vont pas apprécier.