Alors que la proposition de texte règlementaire sur l’intelligence artificielle est au cœur des discussions entre le Parlement européen et le Conseil de l’UE, Thierry Breton - commissaire européen au marché intérieur depuis 2019 – précise les éléments de ce texte. Reposant sur quatre points essentiels, ce règlement devrait tenir « dûment compte de la protection de la sécurité et des droits fondamentaux, ainsi que les avantages économiques et sociétaux de la technologie ».
Ce règlement se présentera comme le premier système de certification pour l’IA avec un cadre juridique et une sécurité pour les citoyens qui l’utilisent au travers d’entreprises européennes ou internationales. Cela permettra ainsi « aux entreprises européennes d’être compétitives à l’échelle mondiale grâce à un système de marquage certifiant une « IA digne de confiance » » détaille Thierry Breton. Les règles s’appliqueront uniformément dans l’ensemble des 27 Etats membres, et fait surprenant, « devront s’appliquer également aux producteurs hors de l’UE. Car nous devons nous assurer que les systèmes d'IA placés et utilisés sur le marché de l'Union européenne respectent nos droits fondamentaux et sont conformes à nos valeurs et nos règles ». A travers ces règles, le commissaire européen vise Facebook, et plus largement, l’ensemble des GAFAM possédant un monopole de la donnée et de son traitement dans le monde.
L’Europe, futur acteur clé de l’IA
La proposition présente par ailleurs « une approche réglementaire horizontale équilibrée et proportionnée de l’IA qui se limite aux exigences minimales nécessaires pour répondre aux risques et aux problèmes liés à l’IA », afin de ne pas restreindre ou freiner le développement technologique ni augmenter de manière disproportionnée les coûts de mise sur le marché de solutions d’IA. Ces obligations seront imposées aux fournisseurs de systèmes d’IA à haut risque. Des obligations proportionnées sont également imposées aux utilisateurs et aux autres participants situés tout au long de la chaîne de valeur de l’IA (par exemple les importateurs, les distributeurs et les mandataires).
Bien évidemment, par cette proposition, l’objectif est de faire de l’Europe un acteur clé dans le développement de systèmes d’intelligence artificielle sécurisés, fiables et centrés sur l’humain. Reste qu'aujourd'hui le marché des frameworks IA est dominé par des acteurs américains et chinois. En parallèle, la Commission travaille sur le développement d’un Data Act, un règlement concernant l’accès aux données et visant à améliorer « l’équité dans l’économie des données ». A cet effet, le déploiement d’espaces européens communs de données est prévu « dans des secteurs stratégiques et des domaines d'intérêt public, tels que l'agriculture, la santé ou la mobilité ».
DSA et DMA, deux textes complémentaires
A l’occasion de son intervention à Big Data 2021, Thierry Breton évoquait par ailleurs l’avancement de deux projets, le Digital Services Act (DSA) et le Digital Markets Act (DMA) pour organiser les obligations des grandes plateformes intervenant dans l’Union européenne. Le DSA devrait imposer aux réseaux sociaux des obligations comme la lutte contre les contenus illégaux, les propos haines ou la désinformation. « Il y a l'espace territorial, l’espace maritime et désormais, il y a l'espace informationnel. Ce dernier est peut-être l'espace dans lequel nos enfants passent peut-être même plus de temps que dans le premier et pourtant il n’y a pas assez de règles » estime Thierry Breton.
Par ce texte, il assure que « tout ce qui est interdit dans l'espace physique sera interdit dans l'espace informationnel et tout ce qui est autorisé dans l'espace physique devra l'être aussi ». Les plateformes auront également l’obligation d’avoir un siège en Europe, quel que soit le type d’établissement, afin de mettre fin aux « paradis européens » ajoute-t-il. « Certaines grandes plateformes en ligne se comportent comme des « contrôleurs d’accès » sur les marchés numériques. La législation sur les marchés numériques vise à garantir que ces plateformes se comportent équitablement en ligne. Le commissaire européen assure que ces trois projets doivent être en accord avec les valeurs de l’Union européenne. « Il faut que cela corresponde à nos règles de droits et à nos valeurs et nos règles de droit sont bien souvent fondées sur nos valeurs » conclut-il. Ce règlement européen devrait être attendu d’ici 18 mois.