L'IA pour améliorer la qualité des composants qui font tourner... l'IA. C'est en somme la voie qu'explore STMicroelectronics (ST). Pour le spécialiste des semi-conducteurs, qui emploie plus de 50 000 personnes et a réalisé un chiffre d'affaires de 17,3 milliards de dollars en 2023, le sujet n'est évidemment pas nouveau. En particulier sur un des deux volets de son activité, le front-end. Soit l'impression des circuits sur des galettes de silicium, les wafers.
Cette partie amont du processus se traduit par un grand nombre d'étapes, jusqu'à 400 ou 500 macro-opérations. « Et avec de réelles complexités, comme des flux réentrants : un même wafer peut repasser jusqu'à 40 fois sur une machine donnée à différentes étapes », explique Philippe Vialletelle, expert manufacturing et data science au sein du groupe. Sur ce pan de l'activité, concentré dans des usines en France, en Italie et à Singapour, les données permettant les analyses de qualité proviennent tant de mesures sur des échantillons que des capteurs présents sur les machines de fabrication. « Nous récupérons des séries temporelles, ainsi que l'historique de maintenance, les paramètres des fluides ou des process », indique l'expert. Sans oublier les 500 000 images analysées par computer vision chaque jour.
Moins de complexité, plus de données
L'autre grand volet de l'activité de production, le back-end, consiste à découper ces wafers en composants unitaires, à les insérer dans des boîtiers et à les tester un par un. La plupart du temps réalisée dans des pays à faible coût de main d'oeuvre, comme le Maroc, l'Inde ou la Malaisie, cette activité génère des contraintes différentes. « Cette fois, on va effectuer des mesures sur tous les produits en fin de fabrication : 150 000 fichiers très riches sont ainsi remontés chaque jour. Par ailleurs, en début de back-end, les wafers sont découpés en petits morceaux, nous devons donc conserver les liens entre ces unités et les galettes dont elles sont issues », détaille l'expert, qui s'exprimait à Big Data & AI Paris, salon qui s'est tenu les 15 et 16 octobre derniers à la Porte de Versailles. Même si le back-end présente un flux plus linéaire et moins complexe - avec seulement une vingtaine d'étapes - que l'amont, il génère donc davantage de données.
Philippe Vialletelle, expert manufacturing et data science au sein de STMicroelectronics : « nous manipulons tellement de dimensions que, sans expert, les données ne sont pas interprétables ».
Pour être en mesure d'offrir une traçabilité intégrale, permettant de remonter d'un défaut constaté en fin de back-end, à une position sur un wafer donné et aux processus de fabrication associés, STMicroelectronics a développé une couche sémantique. « La question de l'amélioration de la qualité est cruciale dans notre secteur, nos composants étant embarqués dans des satellites ou encore dans des automobiles, dit Philippe Vialletelle. Nous nous devons de maîtriser toute la chaîne de fabrication et les interactions qui s'y produisent, d'autant qu'à mesure que la finesse de gravure des composants diminue, des phénomènes que nous pouvions ignorer auparavant ne peuvent plus l'être. »
Le RAG testé pour le support au diagnostic
Démarré il y a plus de trois ans, ce projet permet de naviguer dans de multiples données, tant du front-end que du back-end : tests par échantillonnage, données d'assemblage, matériaux utilisés, fluides, données de machines, tests finaux... Tout en jonglant avec les complexités inhérentes à un grand groupe, tous les systèmes internes de la société n'utilisant pas les mêmes référentiels. En cours de mise en production, cette couche sémantique ingère environ 2 millions de fichiers par jour provenant de plus de 200 sources d'informations et de 1500 points d'extraction.
STMicroelectronics étudie désormais l'intérêt du RAG (retrieval augmented generation) pour la recherche de la ou des causes racines d'un défaut. « On manipule tellement de dimensions que, sans expert, ces données ne sont pas interprétables », souligne Philippe Vialletelle. D'où la volonté d'aller piocher dans la base documentaire interne « pour guider l'analyse des jeunes ingénieurs ». Car, sur le sujet, le groupe franco-italien voit sa population de 400 à 500 ingénieurs spécialisés vieillir. Et se retrouve donc confronté à un enjeu de maintien des compétences. La société teste donc la solution de Sinequa pour offrir un support au diagnostic par le RAG. « La solution reste expérimentale à ce stade, souligne l'expert. Pour qu'elle fonctionne mieux, nous avons besoin de consolider nos bases de connaissances. »