En 2006, il y a donc dix ans, Gérald Karsenti n'était pas encore l'actuel PDG de Hewlett Packard Enterprise France et enseignant à HEC. Suivant un cours du psychanalyste Michael Maccoby, il y découvre les différents types de leaders selon la théorie de cet auteur : les narcissiques productivistes (valeur : marquer l'histoire en misant beaucoup pour gagner beaucoup), les obsessionnels (réussir l'impossible par la compétence technique) et les érotiques (être aimé pour l'ardeur à accomplir sa tâche). Or, dès cette époque, Gérald Karsenti comprend que cette typologie n'est plus adaptée à l'heure de la révolution numérique, d'autant que la majorité des chefs d'entreprises sont narcissiques, germe des crises des années 2007 à 2010. Il se met donc en quête d'un autre type de managers et de management.
Partant du constat des échecs de la génération actuelle de responsables d'entreprises et de « la grande mutation » (titre du premier chapitre, en référence à la révolution numérique), l'auteur définit en creux ce que doit être le patron adapté à notre époque, capable de penser loin tout en satisfaisant les court-termistes boursiers. Il n'hésite pas à revenir sur des personnalités du passé pour tirer des exemples des différents types de leaders (Ptahhotep, Jules César, Robespierre...). Il revient aussi sur l'aventure d'Howard Schultz revenu à la tête de son entreprise, Starbucks. Ainsi, si les patrons « révolutionnaires 2.0 » sont, au départ, des narcissiques, ils doivent « s'augmenter » d'autres qualités pour rebattre les cartes, avec notamment une certaine humilité et une capacité à reconnaître les apports des autres.
Gérald Karsenti sait tirer le fil d'un discours bien rodé, qu'il délivre probablement à ses étudiants comme à ses collaborateurs. Et ce même si l'auteur enchaîne tout de même bon nombre de lieux-communs (à commencer par la citation d'ouverture). La lecture de son texte clair est donc agréable, d'autant que la mise en forme permet de multiplier les encarts et les mises en avant d'anecdotes.