Les solutions cloud de confiance - comprenez par là celles disposant de la qualification SecNumCloud - sont loin de courir les rues. Les fournisseurs disposant donc en France du précieux sésame de l'Anssi pour la pile IaaS se comptent ainsi sur les doigts d'une main : Cloud Temple, Outscale, OVH et Worldline. Alors que Bleu (Capgemini-Orange Business-Microsoft) et S3NS (Thales-Google) tardent à pointer le bout de leur nez, un acteur au capital 100 % français est sorti du bois en octobre 2022 : Numspot. Fruit de l'alliance capitalistique entre Docaposte, Dassault Systèmes, Bouygues Telecom et la Caisse des Dépôts, la société a profité de sa première année d'existence pour faire un point sur son activité. « On se sent légitime à parler de cloud souverain chez Numspot, beaucoup plus qu'ailleurs », a lancé Alain Issarni le président exécutif de Numspot.
Dans le cadre de la stratégie de développement du groupe, Olivier Vallet PDG de Docaposte - qualifié de « fer de lance » et de « cheville ouvrière » de Numspot par Alain Issarni - a eu l'occasion de rappeler le principal objectif de la start-up : « Notre force est d'associer à la fois des acteurs privés et publics avec l'ambition de créer un cloud souverain leader sur le marché européen. Nous avons décidé de nous focaliser sur la sphère publique, collectivités territoriales, sur celui de la santé et de la banque-assurance », a lancé Olivier Vallet (élu personnalité IT 2023 par les lecteurs du Monde Informatique). Bien décidé à proposer une solution alternative aux hyperscalers (AWS, Google, Microsoft...), Numspot estime être bien positionné pour répondre aux exigences de besoins en matière de cloud hybride pour des données sensibles en visant particulièrement les OIV et les OSE. Numspot ne va pas aller seul dans la bataille pour convaincre les entreprises et les accompagner dans le cloud : des partenariats avec différentes ESN ont été signés (Sopra Steria, Devoteam, IBM, Octo, Alter Way...), mais également avec des acteurs verticaux comme Energisme (optimisation de la consommation énergétique) sans oublier une alliance dans l'IA générative pour lancer une offre dédiée.
Garder la maitrise grâce à l'open source
Qu'apportent les différents actionnaires IT à Numspot ? Du côté de Docaposte, ses briques technologiques en matière de vérification d'identité à distance, de signature électronique, et d'archivage en particulier. Pour Dassault Systèmes, qui défend volontiers l'idée que la mise en place d'un cloud souverain, sécurisé et de confiance est avant tout un enjeu politique et de réglementation plus que technique, l'apport se fera via son infrastructure cloud maison portée par sa filiale Outscale. S'agissant de Bouygues Telecom, l'opérateur met quant à lui en avant « la co-construction d'une offre de connectivité sécurisée entre les infrastructures des entreprises et celles de Numspot », a expliqué Benoît Torloting, directeur général de Bouygues Telecom.
Après 9 mois d'existence, Numspot a étoffé ses équipes qui devraient atteindre une centaine de personnes d'ici la fin de cette année, bien que les recrutements sont loin d'être faciles à réaliser. « Un des piliers que l'on a adopté pour construire un cloud performant, sûr, souverain et de confiance c'est l'open source », a fait savoir Alain Issarni. Plusieurs raisons ont été mises en avant pour expliquer ce choix : « dans bien des domaines l'open source est par nature transparent et on sait ce qui s'y passe », explique le dirigeant. Par exemple, Numspot repose sur l'hyperviseur et logiciel d'orchestration et de gestion de clouds Tina OS d'Outscale développé depuis 10 ans. Un autre pilier avancé est - sans surprise - la sécurité avec une promesse d'être « à l'état de l'art » avec des services managés qualifiés SecNumCloud qui viendront se greffer au-dessus de l'infrastructure Outscale. Mais cela ne se fera pas avant de longs mois.
Des premiers services managés Kubernetes, Red Hat OpenShift et bases de données
En termes de feuille de route, une première offre managée est prévue pour mai 2024 qui sera testée au cours du premier trimestre prochain avec des early adopters. Certifiée ISO 27001 et HDS, elle ne sera donc pas qualifiée SecNumCloud. Que contiendra-t-elle ? Des services managés Kubernetes, Red Hat OpenShift et bases de données. D'autres offres seront poussées dans les mois qui suivent sans plus de précision. « Nous sommes dans une démarche très pragmatique, nous regardons avec les clients quels sont les besoins et en fonction de cela nous bâtissons notre roadmap en fonction des opportunités et des besoins à remplir », fait savoir Alain Issarni.
Côté commercial, pour se faire connaitre auprès d'une de ses cibles (la santé), Numspot met en avant le fait d'être référencé depuis octobre dans la centrale d'achat de l'informatique hospitalière (CAIH). De premiers clients ont aussi été mis en avant comme Maison France Services dont le SI a été porté sur Numspot par la Manufacture (joint venture entre Docaposte et Caisse des dépôts) depuis septembre 2023 « de manière à gagner en agilité et en flexibilité sans renier sur la question de sécurité », a indiqué Guillaume Poupard, ex patron de l'Anssi devenu directeur général adjoint de Docaposte. Autre cas mis en avant : l'assureur CNP Assurances qui a pris la décision de faire reposer sa data platform sur Numspot. « Nous faisons de la protection de la donnée et de la confiance dans le numérique un sujet essentiel pour nos clients et partenaires », a expliqué Hervé Thoumyre, directeur de l'expérience client, des services numériques et de la donnée de CNP Assurances. « L'arrivée de Numspot est une vraie promesse et nous avons engagé un projet de co-construction pour fabriquer la plateforme de données qui nous va avec les composants technologiques qui nous vont notamment en open source qui seront opérationnels dès l'année prochaine ». Pour la CNP l'enjeu est fort pour répondre à des enjeux de scalabilité à venir avec une data platform hébergée dans un datacenter opéré par le groupe qui risque de finir par montrer ses limites.