Les autorités habilitées à délivrer des certificats SSL, comme Comodo, dont les serveurs ont été piratés, ne sont pas digne de confiance. C'est l'avis de Moxie Marlinspike, expert en sécurité, qui met en cause un mode de fonctionnement qui concerne l'ensemble de l'industrie de la certification. A la place, le chercheur propose un projet nommé «Convergence», dont il avait tracé les grandes lignes au mois d'août dernier lors de la conférence Black Hat. Le projet semble faire son chemin. Surtout après les attaques menées par des pirates contre des certificateurs SSL comme DigiNotar, GlobalSign, Comodo et autres autorités, lesquelles se sont traduites par l'émission de faux certificats sur le web, y compris un faux certificat Google, tous révoqués depuis.

Le projet « Convergence » de Moxie Marlinspike changerait radicalement la situation actuelle. Aujourd'hui, la confiance dans tel ou tel site web repose sur un certificat SSL émis par une autorité de certification, lui-même reconnu par le navigateur de l'utilisateur. Cette reconnaissance de telle ou telle autorité de certification est, elle, programmée par les éditeurs dans leurs navigateurs Internet. L'expert estime que l'ensemble de ce système - qui génère plusieurs millions de dollars de revenus - devrait être abandonné. Pour le remplacer, celui estime que l'utilisateur doit avoir le choix de contrôler plus directement la façon dont son navigateur gère les certificats. L'idée est d'établir une base de « notaires », sorte de vigies du web, qui donnent leur avis sur la validité de telle ou telle signature électronique, sur la base d'un feedback rendant compte de ce qui se passe effectivement en ligne.

Pour fonctionner, l'utilisateur a besoin d'installer l'extension Convergence pour le navigateur Firefox, mise à disposition par le chercheur. « Au départ, j'étais le seul notaire », explique Moxie Marlinspike. « Mais aujourd'hui, nous sommes 50 notaires Convergence », dont l'Electronic Frontier Foundation et l'éditeur de solutions de sécurité Qualys. L'idée est que ces « notaires » indiquent par voie électronique à l'utilisateur si tel certificat SSL est considéré comme valide ou non, en fonctions des préférences établies par chaque utilisateur. Selon le chercheur, à ce jour, le système a séduit 30 000 utilisateurs.

Un soutien progressif


L'idée de Moxie Marlinspike commence à recueillir un certain soutien de la part de l'industrie de la sécurité informatique. Selon Ivan Ristic, directeur de l'ingénierie chez Qualys, les études réalisée par son entreprise sur Convergence montrent que l'«alternative est viable pour supplanter l'écosystème SSL tel qu'il fonctionne aujourd'hui. » Mais, pour que le projet réussisse totalement, il est nécessaire d'atteindre une masse critique. « Cela fait un certain temps que nous travaillons sur l'écosystème SSL. Nous avons d'ailleurs publié nos résultats et nos informations sur le site web SSL Labs. Il était donc normal que nous nous intéressions au projet Convergence, et à ses objectifs, qui tente de résoudre certains problèmes de sécurité liés à la façon dont la confiance est établie sur le web », a déclaré Ivan Ristic.

Illustration : Moxie Marlinspike

Crédit Photo : D.R

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« Le système Convergence n'essaye pas de remédier aux faiblesses actuelles en gardant le modèle existant », a-t-il ajouté. « Il propose d'essayer quelque chose de tout à fait différent. » Qualys veut « jouer son rôle, contribuer à sa croissance, et lui donner une chance de réussir», a ajouté le responsable de Qualis. Moxie Marlinspike, lui-même CTO de Whisper Systems, a indiqué que Convergence était un projet personnel et qu'il n'avait pas d'attente sur la manière dont il pouvait générer des recettes pour son entreprise. Mais il n'approuve pas le mode de fonctionnement actuel, qui lie les éditeurs de navigateurs aux autorités de certification, en particulier les plus grands, comme VeriSign, Entrust, Thawte et Comodo. Ainsi, après le piratage de DigiNotar, Microsoft avait mis beaucoup d'énergie pour modifier son navigateur afin qu'il ne reconnaisse plus les certificats de DigiNotar. L'entreprise de certification hollandaise a été forcée de se déclarer en faillite, une répercussion directe du piratage qu'elle a subi.

Redonner le pouvoir aux experts et non aux autorités

Comodo certifie entre un cinquième à un quart de tous les certificats SSL sur Internet. Si bien que, dans le cas où les navigateurs Internet ne reconnaissaient plus ses certificats, cela perturberait grandement le mode de fonctionnement actuel. Reste que, selon Moxie Marlinspike, la sécurité sous-jacente est tout simplement « illusoire ». L'expert fait remarquer que «nous avons pris le parti de faire toujours confiance à Comodo, sans savoir si oui ou non le certificateur continue à mériter cette confiance. » Il a poursuivi : « Ce qui est arrivé à DigiNotar peut se reproduire tous les jours. On n'avait encore jamais vu ce genre d'accident. Si les pirates n'avaient pas été stupides, personne ne l'aurait même remarqué. »

L'expert fait valoir que la Convergence est « totalement rétro-compatible » avec le système de certificats SSL actuels et que « l'expérience utilisateur est exactement la même. » Avec Convergence, ce sont les « notaires » qui indiquent s'ils pensent que tel certificat est valide ou non. Grâce aux multiples feedback, cette validation, obtenue de manière consensuelle, prend plus de valeur. Les entreprises peuvent toujours continuer à faire émettre des certificats et des signatures si elles le veulent, mais la validation de leurs certificats va changer, puisque ceux-ci seront aussi soumis à la validation des utilisateurs en fonction de la confiance qu'ils leur portent.

Illustration : Moxie Marlinspike

Crédit Photo : D.R