Né en 1984, le groupe Canal+ avait misé à sa création - et comme nombre d'entreprises à cette époque - sur une informatique centralisée reposant essentiellement sur une technologie monolithique, à savoir un mainframe IBM avec instructions en Cobol. Un choix qui a fini par évoluer au fil du temps avec un premier projet de modernisation au milieu des années 90 qui a consisté à rendre le mainframe du groupe interopérable avec ses différents sites web. Mais qui a fini par être totalement dépassé.
« Notre système d'information a montré des limites à la fois techniques et concurrentielles face à l'arrivée d'offres jeunes reposant sur un SI moderne comme Netflix et beIN Sports », explique Pierre Houles, DSI Canal+. « Alors que nous avions fait le choix d'externaliser 80% de nos ressources IT, nous avons réinternalisé nos compétences et avons commencé à reconstruire notre SI. »
Un SI rénové autour du cloud Amazon, Oracle Exadata et MongoDB
La modernisation du système d'information de Canal+ est alors passée par la constitution d'une équipe interne centrée sur la maîtrise des technologies et environnements Java et Oracle. « On s'est dit qu'il fallait construire une véritable plateforme de services et nous avons fait un bond en avant en basculant dans le cloud Amazon nos serveurs frontaux gérant le CRM utilisé par nos 3 000 téléconseillers, et articulé notre cœur de système facturation et base abonnés sur Exadata », explique Pierre Houles. Aux côtés des plateformes de services et d'API d'entreprise, Canal+ a ensuite été amené à redévelopper son front avec des langages modernes comme AngularJS et HTML5, en complément du recours à des bases de données NoSQL type MongoDB dans Amazon.
Canal+ a été amené à repenser sa gestion de projets en favorisant les échanges collaboratifs entre l'IT et les métiers avec des nouvelles pratiques de brainstorming. (crédit : Eric Marcel / Canal+)
Mais Canal+ est allé bien plus loin que le simple - mais néanmoins nécessaire - dépoussiérage de son infrastructure informatique. Car c'est avant tout un changement de méthodes de développement, gestion de projet et finalement une remise à plat complète de la façon de penser la relation entre l'IT et les métiers au service de l'efficacité du business qui a été décidé.
L'agilité : Un moyen, pas un but en soi
« En 2012, nous avons commencé à revoir nos processus de développement en évitant les cycles en V à effet tunnel et privilégiant au contraire les cycles courts et itératifs », précise Pierre Houles. « Nous n'avons pas eu pour objectif d'adopter à tout prix l'agilité, nous sommes rentrés dedans au fil du temps et avons pour cela fait appel pour nous accompagner au cabinet Xebia dont l'approche de l'agilité nous correspondait vraiment. L'agilité est un moyen, pas un but en soi. »
A partir de ce moment là, de nouvelles pratiques de développement et de gestion ont été mises en place, sans volonté de les imposer aux équipes IT et métiers mais au contraire en faisant tout le nécessaire pour qu'elles soient acceptées. « Nous avons intégré les équipes IT et métiers qui travaillent désormais en binôme dans un même espace de travail, réorganisé les locaux de façon à favoriser les échanges avec la mise en place d'une créative room », indique le DSi de Canal+. « Il ne suffit pas de réagencer l'espace et mettre du nouveau mobilier, cela demande un changement organisationnel orienté pilotage par la valeur, story mapping, définition des projets ready or done. »
Un écran centralisant différentes informations et données liés à la gestion des projets en cours a été mis en place. permet de connaître en temps réel l'avancé des projets IT. (crédit : Eric Marcel / Canal+)
17 projets par semaine contre 1 tous les 6 à 9 mois
Après avoir injecté des méthodes agiles et une organisation devops, loin d'être encore totalement achevée, les résultats semblent en tout cas au rendez-vous. « Auparavant, il fallait entre 6 et 9 mois pour implémenter une nouvelle fonction, aujourd'hui on est capable d'en sortir 17 par semaine », se félicite Pierre Houles. « Le périmètre n'est évidemment pas le même, tout comme le niveau de granularité, mais cela permet de tester des choses, d'être beaucoup plus agile et de faire de l'accompagnement à la vente, de l'analyse en temps réel de l'appétence de nos clients sur tel ou tel programme, ou encore des recommandations d'offres plus pertinentes et d'améliorer la partie commissionnement de notre SI. » A budget équivalent, le DSI de Canal+ estime être en tout cas en mesure de réaliser 40% de projets en plus grâce à son virage vers l'agilité et la modernisation de son SI.