Brevets logiciels, le retour
Le spectre de la brevetabilité du logiciel fait son retour. Comme la Fondation pour une infrastructure informatique ouverte (FFII) s'y attendait, le retour s'opère à l'occasion des débats sur le droit européen des brevets.
La question de la brevetabilité des inventions mises en oeuvre à l'aide de l'outil informatique - dont notamment les logiciels - semble en passe de revenir dans les débats. Le commissaire européen Charlie McCreevy vient en effet de présenter son projet d'accord européen pour le règlement des litiges sur les brevets (European Patent Litigation Agreement, EPLA).
Pour mémoire, le parlement européen a rejeté le projet de directive portant sur la brevetabilité des inventions mises en oeuvre par ordinateur en juillet 2005, après quatre ans de procédure.
Pour l'heure, ce sont donc les offices nationaux et le bureau européen des brevets (European Patent Office, EPO) qui délivrent les brevets. Les logiciels purs sont actuellement exclus expressément du champ des brevets délivrés par l'EPO, mais pas les composants logiciels comme ceux utilisés, par exemple, pour faire fonctionner les téléphones mobiles. L'EPLA doit fournir un cadre européen au règlement des litiges. Pour les opposants au brevet logiciel comme la FFII, l'EPLA constitue une véritable porte dérobée pour l'introduction de ce type de brevet.
Le projet de Charlie McCreevy découle de la consultation publique lancée fin février par la Commission européenne sur le droit européen des brevets. Le projet n'a pas été détaillé mais Charlie McCreevy a indiqué être sensible aux inquiétudes des opposants aux brevets logiciels : « je reconnais qu'il y a des inquiétudes et des doutes légitimes - le coût de procédure, l'impact des règles de procédure et l'indépendance des juges de l'EPLA ».
Florian Mueller, fondateur de la campagne NoSoftwarePatent a salué, sur son blog, cette ouverture d'esprit : « durant le long débat sur la directive relative aux brevets logiciels, nos préoccupations étaient systématiquement ridiculisées par la Commission, nous faisant passer pour des paranoïaques. Les temps semblent avoir changé. » Selon Florian Mueller, Charlie McCreevy estime en outre que l'EPLA laisse grandement à désirer, en l'état. Pour autant, le fondateur de la campagne NoSoftwarePatent reste prudent et relève que Charlie McCreevy a souligné l'importance de l'EPLA dans son discours.
Le groupe parlementaire européen des Verts a exprimé ses craintes vis à vis du projet de Charlie McCreevy, soulignant que la « Commission ne doit pas introduit le brevet européen par la porte de derrière. » De son côté, l'association patronale des petites et moyennes entreprises européennes, l'UEAPME, a également exprimé son inquiétude de voir réintroduit le brevet logiciel par le biais de l'EPLA.
Le projet de Charlie McCreevy sera soumis au vote du parlement européen le 12 octobre prochain.