Depuis 2014, la Deutsche Bank - comme beaucoup de banques françaises - teste la technologie de transaction distribuée dans divers laboratoires de la Silicon Valley, de Berlin et de Londres. Selon un responsable de la banque allemande, le projet pourra être prêt dans moins de 24 mois. Outre certaines réserves sur la technologie, celui-ci estime que le cadre réglementaire et juridique nécessaire à son déploiement ne sera pas prêt avant 5 ou 10 ans.
« Nous ne nous intéressons pas à la technologie blockchain parce qu’elle est en vogue », a déclaré Sajindra Jayasena, Head of Disruptive Technologies/Digitization for Global Technology, Global Transaction Banking à la Deutsche Bank lors de la MarkLogic World qui s’est tenue du 13 au 15 juin derniers à Londres. « Notre objectif est de résoudre des problèmes opérationnels, notamment de réduire notre structure de coûts et d’améliorer notre efficacité ». Comme l’indique le site web de la Deutsche Bank, le secteur financier pourrait exploiter la technologie blockchain de différentes façons. Par exemple pour des opérations de compensation sur actions et dérivés, pour répondre aux exigences de transparence dans la négociation d'instruments financiers, pour la compensation des obligations et pour réduire les risques de défaillance en établissant des « contrats intelligents ». Ces programmes autonomes exécutent automatiquement les conditions et termes d’un contrat, sans nécessiter d’intervention humaine une fois démarrés.
Des préoccupations sur la technologie
Concernant les usages spécifiques que la Deutsche Bank envisageait de faire avec blockchain, Sajindra Jayasena a encore déclaré lors de la MarkLogic World : « Nous avons commencé par examiner le caractère vérifiable, immuable et la transparence de la technologie dans différentes situations afin de réaliser une désintermédiation numérique, laquelle consiste à supprimer les intermédiaires. En observant ce qui se passait après l’exécution des opérations, nous avons essayé de voir comment obtenir la désintermédiation d’une offre de compensation sur des services même en cas de consensus, quand on ne peut pas faire confiance aux deux parties ».
Sajindra Jayasena a déclaré que le projet de blockchain de la Deutsche Bank serait prêt à être lancé dans moins de 24 mois. Cependant, selon lui, la mise en place d’un cadre réglementaire et juridique nécessaire à son déploiement demandera encore cinq à dix ans. « Nous devons quand même être prêts », a-t-il ajouté. « En dehors de l’aspect technologique, des éléments juridiques entrent en jeu », a-t-il précisé, évoquant spécifiquement l'émergence de « contrats intelligents » reposant entièrement sur l’informatique. « Comment faire confiance à un code plutôt qu’à un document juridique ? Il y a là une lacune à combler. Je sais que plusieurs cabinets d'avocats travaillent déjà sur la question, car il faut un changer un système qui prédomine depuis des centaines d'années ».
Comment intégrer la blockchain au réseau bancaire
Par ailleurs, Sajindra Jayasena s’est dit préoccupé par la mise au point d’une version résiliente de la technologie ainsi que par des problèmes de développement, aussi bien le déploiement de code que le travail effectué par l’équipe actuelle sur une nouvelle architecture de la technologie. La façon dont la technologie interagit avec le reste des systèmes bancaires existants est un autre sujet de préoccupation pour Sajindra Jayasena qui a déclaré : « [Blockchain] n’est pas une entité autonome. Comment va-t-elle accorder la monnaie numérique et une monnaie réelle comme la livre sterling ? »
Mais blockchain n’est pas la seule technologie qui intéresse la Deutsche Bank. Celle-ci a déjà déployé d’autres technologies émergentes comme la base de données NoSQL de MarkLogic, qui permet aux entreprises de stocker des données non structurées selon des modalités inaccessibles aux bases de données relationnelles propriétaires. Sajindra Jayasena a expliqué que « le problème était essentiellement un problème d’harmonisation et de standardisation et qu’il fallait livrer des données de marchés et de systèmes à des secteurs disparates ». Ajoutant : « Nous voulions fournir une vision transversale et régionale des données. Nous devions passer d’une modélisation ETL (Extraction, Transformation et Chargement) et relationnelle traditionnelle aux capacités d’échelle NoSQL de MarkLogic. Par exemple, nous ne savons pas à quoi vont servir les données. C’est la raison pour laquelle nous avons cherché un système plus souple et plus lisible ».