10 jours seulement après l'annonce du gouvernement de sa stratégie nationale pour le cloud passant par la délivrance du label cloud de confiance, Capgemini et Orange annoncent Bleu. Cette nouvelle société, créée conjointement par les deux acteurs français, devrait disposer de ses propres ressources et infrastructures ainsi que d'une autonomie opérationnelle complète. « Tous les services cloud, y compris le support client, seront entièrement opérés depuis la France par les ressources de la société et sous son contrôle », nous a expliqué un porte-parole de Capgemini.
La qualification de cloud de confiance n'est pas anodine et signifie que l'ANSSI est bien dans la boucle pour veiller au respect de plusieurs engagements de ce prochain entrant. Aussi bien en termes de sécurité -sachant que le label cloud de confiance est de facto intégré à un autre déjà existant SecNumCloud - que de la protection des données. Ce dernier point est important car le label doit garantir aux administrations et/ou entreprises que les services cloud utilisés soient protégés de tout risque d'extraterritorialité. Or ce risque est réel, avec la possibilité grâce aux législations Cloud Acte et FISA - certes dans certains cas de figure particuliers - que des forces de police ou de justice US accèdent à des données traitées dans des clouds américains opérés en Europe.
Une annonce bien accueillie par le Cigref
« Bleu fournira des services de cloud répondant aux exigences les plus élevées des entités gouvernementales françaises et des entreprises privées qui font face à des besoins de souveraineté », assure le porte parole de Capgemini. Dans le cadre de ses activités, Bleu poussera auprès de ses futurs clients (administrations, collectivités locales, hôpitaux et entreprises en particulier OIV et OSE) des services Microsoft 365 et Azure. Ces derniers tourneront dans des datacenters séparés de ceux de Microsoft. Bleu a par ailleurs vocation à intégrer à terme Gaia-X, l'initiative de cloud souverain à l'échelle européenne. Pour la firme de Redmond, pourrait par ailleurs constituer une occasion rêvée pour continuer à percer dans les entreprises, voire pourquoi pas revenir par la grande porte pour héberger le Health Data Hub après avoir traversé un tunnel de polémiques.
L'annonce de la création de Bleu a été bien accueillie par le club informatique des grandes entreprises françaises : « Bleu est une bonne nouvelle, tant pour les utilisateurs que pour la stimulation de la filière européenne du cloud. Ce projet apparait en effet comme une réponse pertinente, au meilleur niveau fonctionnel et rapidement disponible, aux attentes exprimées par les membres du Cigref [...] . Il est par ailleurs probable, si ce n’est souhaitable, que d’autres offres similaires émergeront de manière offrir une liberté de choix aux entreprises », indique dans un communiqué l'association. Selon nos informations, un grand groupe du CAC 40 dans le domaine des services aux entreprises a d'ailleurs d'ores et déjà montré un intérêt très significatif pour Bleu.
Ni labellisé SecNumCloud, ni Gaia-X
On peut toutefois se demander si Capgemini et Orange n'ont pas annoncé Bleu un peu trop tôt. N'aurait-il pas mieux valu attendre un référencement au sein du catalogue d'offres SecNumCloud (contrairement à Oodrive, Outscale et OVHcloud qui le sont déjà) et de l'obtention du label Gaia-X ? Ou peut être s'agissait-il aussi de ne pas laisser le champ libre au couple Atos/OVHcloud. En janvier dernier, ces deux derniers ont ainsi annoncé « créer un environnement cloud de bout en bout unique, fiable et souverain, de l'infrastructure aux applications et espaces de données sectoriels ». Sans pour autant aller jusqu'à créer une société commune comme c'est le cas avec Bleu.
Cela fait plusieurs années que la question du cloud de confiance est sur la table, portée notamment par le groupe éponyme au sein de la commission dédiée au Comité stratégique de filière (CSF) des industries de la sécurité. Un essor qui devra réussir à faire oublier les désastreuses tentatives de la France de porter à bout de bras et de financer à coup de centaines de millions d'euros, des offres de cloud souverain tel que Cloudwatt (Orange) et Numergy (SFR).