Le salon Big Data & AI Paris 2022 s’est ouvert hier matin au Palais des Congrès et se poursuit jusqu’à ce soir 18 h 30. La manifestation juxtapose sessions plénières, ateliers et retours d’expérience que l’on peut suivre sur site, dans l'espace de conférences du 17ème arrondissement, ou bien en ligne. Les visiteurs qui se déplaceront jusqu’à la Porte Maillot pourront de surcroît parcourir les stands des 250 exposants annoncés. En consultant la liste fournie par les organisateurs, on y retrouve l’écosystème des éditeurs et ESN spécialisés en Big Data et IA, français ou non, start-ups, scale-ups et fournisseurs historiques, incontournables du domaine et nouveaux venus prometteurs.
Parmi les incontournables, c’est Gilles Babinet, vice-président du Conseil national du Numérique (CNNum) qui a ouvert la séance plénière sur une question fréquemment débattue ces jours-ci : la révolution numérique est-elle l’alliée ou l’ennemi de l’environnement ? Si la technologie peut être mise au service de la protection de l’environnement, nous sommes encore loin du compte, constate le « digital champion » pour la France à la Commission européenne. Il cite des exemples concrets, très insatisfaisants, sur la smart city et plus précisément la gestion des ordures ménagères. Pour faire bouger les choses, il faut faire connaître beaucoup plus largement les métiers du numérique, notamment « auprès des collégiens qui doutent d’eux », enjoint Gilles Babinet. « Leur expliquer notre métier, leur dire que ce ne sont pas seulement des serveurs qui polluent, mais que ce métier peut s’imbriquer avec ceux de l’environnement et des défis sociaux ». Le vice-président du CNNum parle de la dystopie dans laquelle nous sommes entrés. « Nous avons voulu gagner de l’argent », le régulateur n’a pas regardé. « Nous sommes en train de refermer cette parenthèse », croit-il pouvoir affirmer en concluant « Notre industrie est fondamentale dans la résolution de ces défis [environnementaux] ».
Gérer le cycle de vie des données est primordial pour l'IA
A sa suite une 1ère table ronde a réuni plusieurs chief data officer (CDO) autour de la transformation digitale des entreprises. « Le rôle du CDO a évolué, il faut maintenant mettre en oeuvre l’accélération ; il y avait avant une logique quantitative, il y a maintenant une logique de valeur », a exposé Christina Poirson, Group CDO de Société Générale. Il ne suffit plus de réussir des cas d’usage sur les data, même s’ils sont nombreux, il y a maintenant un objectif qualitatif avec, dans le cas de SG, un investissement de 500 M€. Il y a une logique à très court terme, mais il faut aussi poursuivre les fondamentaux sur les données « car il y a énormément de travail pour véritablement transformer la banque, le groupe, devenir une banque data driven », explique la CDO Groupe SG. La banque a un patrimoine de données unique, unifié, qu’elle maîtrise et protège. « Nous avons une capacité à prendre les bonnes décisions sur la base de tableaux de bord ». Parallèlement, travailler sur les fondamentaux autour des données, c’est un travail de tous les jours sur le temps long », rappelle la CDO.
Christina Poirson, Group CDO de Société Générale. (Crédit : A.Chandèze/IT News Info - CIO)
La gestion du cycle de vie des données est primordiale car toutes les étapes sont liées, phases aval, archivage et jusqu’à la destruction des donnés. « Si l’on veut être capable d’avoir des historiques de données pour l’intelligence artificielle, il faut en maîtriser le cycle de vie. Nous travaillons donc aussi sur le record management pour la conservation des données, c’est une force pour demain », pointe Christina Poirson. Sur la question des néobanques nativement data driven, les frontières s’estompent-elles lui demande l’animateur de la table ronde. « Je ne pense pas que l’on puisse comparer une banque universelle - qui a un historique, de nombreux métiers, s’adresse aux particuliers et aux entreprises avec toute une gamme de produits, individuels et industriels - avec des néobanques qui concentrent leurs efforts sur un élément ». La CDO reconnaît toutefois que c’est très stimulant de proposer de plus en plus de services digitaux aux clients et rappelle que Boursorama fait partie du groupe SG.
Air Liquide prévoit 300 data scientists en opération
Au côté de la CDO sont ensuite intervenus Pejman Gohari, Chief data & analytics officer de Bpifrance, Bruno Aidan, Group CDO et directeur de La Digital Factory d’Air Liquide, et Sébastien Hidocq, Group CDO de Decathlon Technology.
Pejman Gohari, chief data & analytics officer de Bpifrance. (Crédit : Big Data & IA Paris 2022)
Interrogé sur l’avancée des PME et ETI sur le terrain des données, Pejman Gohari, de Bpifrance, assure qu’elles commencent à s’y intéresser sérieusement. « Elles veulent comprendre mais sans nécessairement s’adresser à un cabinet de conseil », a-t-il indiqué. C’est vraiment l’approche systémique qui doit être comprise et pas uniquement le recrutement de data scientists, estime-t-il. Pejman Gohari soulève aussi l’ajout de la thématique données à l’ordre du jour des Comités exécutifs des entreprises et la présence des CDO à ces Comex. Le sujet de la data peut y être évoqué sous l’angle du problème, ce qui est très bien, estime-t-il, mais la data peut également être vue sous l’angle du challenge : comment peut-elle contribuer à résoudre un problème, climatique par exemple.
Bruno Aidan, Group CDO et directeur de La Digital Factory d’Air Liquide. (Crédit : Big Data & IA Paris 2022)
Bruno Aidan, Group CDO et directeur de La Digital Factory d’Air Liquide, a notamment mis l’accent sur la décarbonation, l’un des sujets importants traités par l’intermédiaire des données. « Chez Air Liquide, un data scientist, c’est quelqu’un qui s’engage », affirme son CDO Groupe. Bruno Aidan indique au passage que le groupe spécialisé dans les gaz et technologies pour l’industrie et la santé va monter en puissance sur le recrutement de profils experts des données pour avoir « 300 data scientists en opération » qui seront amenés à « prendre des décisions tous les jours sur des temps courts ».
Sébastien Hidocq, Group CDO de Decathlon Technology. (Crédit : Big Data & IA Paris 2022)
Chez Decathlon Technology, l’entité IT de la chaîne d’articles de sport, les aspects environnementaux sont essentiels. « Il faut faire évoluer les modèles [de données] pour aller vers des modèles circulaires beaucoup plus puissants », explique Sébastien Hidocq, son CDO Groupe. « Grâce à la donnée, nous allons créer de nouveaux modèles. Derrière les enjeux environnements, il y a des enjeux sociaux, nous sommes dans quelque chose qui ressemble à une révolution, le mindset data ne doit pas être subi », pointe-t-il. Pour multiplier les profils capables de s’atteler aux données, Stéphane Hidocq estime qu’il faut, certes, s’appuyer sur les cursus de talents, mais qu’il faut aussi pouvoir reformer des personnes.
« Je prends toutes les réglementations pour des opportunités »
Toujours sur le sujet de la protection de l’environnement, Christina Poirson, CDO Groupe de SG, rappelle que pour réduire son empreinte carbone, il faut mesurer et donner des indicateurs. « On est beaucoup plus acteur dans la transformation lorsque l’on a mesuré l’impact. On doit mesurer, prouver, démontrer et les données sont essentielles pour prendre les bonnes décisions ». Dans ce domaine, la banque doit aller chercher des jeux de données éloignés de son métier de base. « Si on veut financer un oléoduc, on devra regarder l’impact sur la biodiversité », confirme Christina Poirson. « Et toutes ces données, on va peut-être devoir en collecter et en partager plus, et être beaucoup plus transparent dans notre communication et travailler avec d’autres acteurs. C’est sur la base de ces données que l’on créer plus de valeur pour demain. »
Enfin, interrogée sur la multiplication des réglementations contraignantes qu’il faut prendre à bras le corps, en particulier dans le secteur bancaire, Christina Poirson pointe l’angle positif de ces projets sur la gestion et la gouvernance des données. « Je prends toutes les réglementations pour des opportunités », assure-t-elle.