Si Oracle a bouleversé le marché Itanium au printemps avec son annonce surprise - la fin de tous ses développements applicatifs sur la plate-forme portée par HP et Intel - les deux larrons sont bien décidés à soutenir leur écosystème IA-64. Ce dernier représente un peu moins du 8% du chiffre d'affaires de HP (4 milliards pour la partie ventes de serveurs Unix et 4 autres milliards pour l'activité services associés) et 10% des revenus d'Intel (4 milliards environ sur les 43,6 engrangés l'année dernière).
À l'occasion d'un point presse semestriel sur la plate-forme Integrity, les équipes de HP et d'Intel ont répondu à nos questions sur l'avenir d'Itanium et sur les options envisagées pour remplacer certaines briques fournies jusqu'à présent par Oracle. Si Alain Carpentier, directeur des infrastructures chez HP France, reste confiant quant à l'issue des procédures judiciaires engagées contre Oracle aux États-Unis et même en France. Le droit français protège assez bien les entreprises nous a assuré Alain Carpentier qui a refusé d'en dire plus sur les actions déclenchées dans l'hexagone pour obliger Oracle à poursuivre le développement de ses logiciels pour la plate-forme Itanium. « Cette décision est embêtante pour nos clients. C'est un coup stratégique [de la part d'Oracle] pour tenter de supprimer un concurrent [HP]. Les clients qui ont investi sur HP/Ux se trouvent confrontés à la décision unilatérale d'un éditeur. Nos clients continuent pourtant de déployer des systèmes HP/Ux avec des bases de données Oracle, l'urgence est plus sur l'applicatif. La position de HP est de faire revenir Oracle en arrière ».
Porter l'applicatif sur des plates-formes modernes
Une migration est bien sûr toujours possible, mais dans un contexte économique difficile, mais c'est toujours long et compliqué. « Nos clients [Integrity] veulent conserver leurs applications sans les recompiler et les porter sur de nouvelles plates-formes matérielles. Ils n'ont pas le temps, ni le budget, ni l'envie de redévelopper des applications », nous a expliqué Benoit Maillard, responsable des serveurs critiques chez HP. « Nous proposons à nos clients d'installer leurs applications sur des serveurs modernes. » Le constructeur propose même des solutions baptisées System Containers pour porter par exemple les bases de données Oracle 7 et 8 sur les derniers Itanium. Une sauvegarde de la machine source puis l'intégration dans une sorte de machine virtuelle pour le support des pilotes et des divers environnements permet de travailler sur une plate-forme plus performante et plus sécurisée (cluster, dernières fonctions OS/processeur).
Un des noeuds du problème concerne la partie base de données pour laquelle HP envisage déjà des alternatives. Après Oracle Database et IBM DB2, HP a certifié Sybase. « Les cinq principaux modules de SAP peuvent aujourd'hui être déployés avec Sybase à la place d'Oracle », nous assure Alain Carpentier. « En juin dernier, nous avons très bien accueilli les annonces de SAP sur la montée en puissance de Sybase. » L'éditeur allemand pousse en effet la base de données de Sybase sur d'autres marchés que la banque/assurance. Pour les données non structurées, HP a également un SGBD maison Vertica et une version de PostGreSQL pour PA-Risc ou Itanium dont le support est assuré par EnterpriseDB. Pour la partie applicative, c'est un peu plus compliqué. « Oracle pousse ses clients à passer sur Exadata, pas sur les plates-formes x86 », précise Alain Carpentier. À la question de savoir si la démarche d'Oracle est une réponse aux propositions de migrations clef en main de Sun/Sparc vers HP/Integrity , le dirigeant juge que les questions ne sont pas liées.
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L'actualité d'Itanium, c'est aussi l'arrivée prochaine de Poulson, attendue début 2012 chez Intel et au milieu de la même année sur les serveurs HP Interity. Jean-Laurent Philippe, responsable avant-vente EMEA pour Itanium, nous a détaillé les apports et la roadmap de la plate-forme Epic. Gravé en 32 nm, contre 65 pour l'Itanium 9300, le Poulson est doté de 3,1 milliards de transistors et intègre 54 Mo de mémoire cache. Si L'Itanium repose sur la micro-architecture Epic, il emprunte ou partage de plus en plus de composants avec les Xeon, à savoir le chipset, l'interconnexion, le buffer et la mémoire. Disponible avec huit coeurs cadencés à 1,75 GHz (1,85 GHz en mode Turbo) sur 2,4 ou huit sockets, le Poulson est compatible aux niveaux pin et binaire avec l'Itanium 9300. Benoit Maillard était ainsi très fier d'avoir pu assister au boot de deux serveurs équipés des premières puces Poulson.
Trois technologies ont été ajoutées au Poulson pour justifier l'avance qu'il doit conserver sur la famille Xeon : l'Hyper-Threating Multidomain, l'Instruction Replay et de nouvelles instructions. Des fonctionnalités qui seront indisponibles sur les prochains Xeon (les E5 attendus début 2012) par faute de place sur la puce et pour cause d'OS inadaptés. Si Intel fait progressivement monter en puissance ses Xeon avec l'intégration de fonctionnalités RAS (Reliability, Availability Serviceability), l'Itanium doit garder une longueur d'avance.
Une roadmap jusqu'en 2015
Et pour démentir les affirmations d'Oracle sur la fin programmé de la plate-forme IA-64 Epic, Intel a cru bon de dévoiler la roadmap Itanium avec le développement du Kittson, attendue dans 3 à 4 ans. Et après le Kittson ? « C'est rare qu'Intel s'engage aussi loin dans le futur pour garantir la stabilité d'une de ses plates-formes », nous a répondu Jean-Laurent Philippe. « Je sais ce que je voudrais avoir notamment pour l'exascale, mais rien n'est encore décidé ».
Au chapitre performances, Intel annonce des résultats au moins 2 fois supérieurs avec le Poulson (par rapport au 9300) sans recompilation. Avec recompilation, on pourra augmenter, ces performances assure le fondeur. Des versions basse consommations sont prévues, mais la version standard du Poulson - avec plus de coeurs et de cache - ne dépassera pas 170 Watts contre 185 pour la génération précédente.