Avec sa plate-forme Artik Cloud, Luc Julia, vice-président écosystèmes et IoT chez Samsung Strategy and Innovation Center et ancien cofondateur de Siri, entend casser les silos qui entravent toujours le développement des objets connectés. Le français installé depuis plus de vingt ans en Californie a convaincu il a quatre ans le CEO de Samsung de financer une plate-forme cloud capable de fédérer tous les équipements connectés dans la maison et autour. Le projet, baptisé simplement SAMI à l’origine, partait d’un constat simple. « Il n’existe pas de standard pour l’IoT. Le protocole ouvert qui permet aux objets de se parler, ça n’existera jamais. C’est une question d’ordre philosophique analogue à l’espéranto. Aujourd’hui l’IoT, c’est la descente aux enfers question interopérabilité ».
Il y a 5 ans, Luc Julia a considéré que les objets connectés étaient le plus important car les appareils ne sont plus seulement dans un silo mais reliés à Internet. La couche supérieure, le cloud, permet au final de casser les silos. « Trois problèmes se posaient encore : la latence mais avec un aller-retour en 472 ms (une demi-seconde) c’est imperceptible pour un humain normal ; la sécurité mais on utilise le même standard HTTPS/TLS que les banques ; et enfin l’absence de connexion Internet mais la plupart des systèmes peuvent fonctionner en local avant de se resynchroniser.
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Autrement dit, Artik Cloud fournit les outils nécessaires pour aider les entreprises à recueillir, stocker et analyser en toute sécurité les données télémétriques recueillies à partir d'une large gamme de capteurs. Le service cloud fournit également des outils (SDK pour iOS, Android, OSX et Windows) et des connecteurs logiciels pour relier les données IoT à d'autres services de cloud computing (MS Azure IoT ou IBM Blumix) ou des silos de données que les entreprises peuvent stocker en local ou sur des plates-formes externes.
Le service Artik Cloud est également conçu pour aider des start-ups ou des entreprises à déployer plus rapidement des produits et services IoT, nous a expliqué Luc Julia. Samsung est en discussion avec Legrand pour piloter des éclairages. Des contacts sont également en cours avec des constructeurs automobiles. Interrogé sur la conservation des données et notamment sur leur exploitation commerciale – un des grands procès fait aujourd’hui à Google qui arrive dans la maison avec Nest – Luc Julia assure que les informations stockées en ligne par Samsung ne lui appartiennent pas et ne seront pas revendues. Un travail de deep learning sera toutefois effectué pour alimenter les algorithmes d’analyse prédictive.
Un store Artik Cloud attendu en juin
Un store Artik Cloud sera lancé en juin par Samsung pour accueillir les applications – les brains comme dit Luc Julia – capables de gérer des objets. Développés par des éditeurs et des partenaires, ces apps seront gratuites ou payantes et, dans ce dernier cas, Samsung récupéra une partie de la vente (près de 20%, le chiffre n’est pas encore validé). Il pourra s’agir par exemple de moteurs de règles pour utiliser des scénarios dans la maison. « Mon capteur d’efforts Fitbit pourra indiquer à un thermostat connecté Nest que je rentre d’un jogging et ordonner une baisse temporaire du chauffage de 1 degré. », nous a expliqué Luc Julia. Ou alors fermer automatiquement les volets roulants en fonction de l’ensoleillement ou de la politique de sécurité établie.
Artik Cloud se connecte à des systèmes d'automatisation à domicile basés sur le service Web IFTTT (If This Alors That) pour piloter les objets connectés d’une maison et déclencher des actions précises. Des apps sont déjà disponibles pour les montres connectées Samsung et Peeble, pas encore pour Android ou iOS. Il est toutefois possible de passer par l’app de Smart Things mais le boitier n’est pas encore disponible en France.
L’objectif déclaré d’Artik Cloud est de briser les murs entre les silos qui existent aujourd'hui entre les services, les appareils et les applications.
Le service Artik Cloud est au cœur d’un écosystème Samsung qui vend des mobiles, des frigos connectés, des aspirateurs robots et un boitier domotique Smart Things mais pas seulement. Lors d’une démonstration à Paris - l’équipe de Luc Julia rassemble une quarantaine de personnes à Palo Alto et une dizaine dans la capitale - la plate-forme Artik Cloud a travaillé sans problème – autre que la langue – avec l’enceinte assistant personnel Echo d’Amazon pour exécuter des ordres comme allumer une lampe, mettre en route une alarme ou lancer un ensemble de 17 ordres préprogrammés pour préparer l’apéro (volets mi-clos, musique, feu de cheminée, éteindre TV, lumière tamisée…).
Artik Cloud est aujourd’hui gratuit pour les utilisateurs qui ont des besoins limités, et différents niveaux de tarification sont proposés aux entreprises, atteignant 6 $ par appareil et par mois pour un maximum de 100 000 messages. Samsung va également fournir des devis personnalisés pour les grandes installations IoT. Artik Cloud supporte déjà un large éventail de dispositifs et capteurs IoT, à savoir Amazon Echo, FitBit, Jawbone des montres connectés Peeble et Samsung, les thermostats Nest et Netatmo, les lampes Philips Hue et d’autres wearables populaires comme Withings. Même les systèmes sur base Raspberry Piet et des services d'analyse de données de tiers seront en mesure de se connecter à Artik Cloud. Samsung travaille en effet avec des entreprises pour fournir des analyses, de la sécurité et d'autres services.
Les ingénieurs deSamsung Strategy and Innovation Center testent aussi les produits dans leur pied à terre parisien.
Avec ce service cloud, Samsung compte bien profiter de la croissance attendue sur le marché des objets connectés, qui est également ciblé par des entreprises comme Microsoft, IBM et Intel. Gartner prévoit que 6,4 milliards d'appareils connectés seront utilisés dans le monde entier en 2016, un chiffre grimpant à 20,8 milliards en 2020. Si la force de Samsung est dans le matériel, et bien moins dans le logiciel comme Microsoft, la fourniture d’une plate-forme cloud ouverte auquel les matériels et services IoT peuvent être facilement ajoutés et reliés est une petite révolution pour le Sud-Coréen.