« Façonner le nouvel Atos » n’est pas une mince affaire. Redresser la barre d’une entreprise qui a connu son heure de gloire il y a bien longtemps est même ambitieux. À l’occasion de son point investisseurs Analyst day, la SSII met le paquet pour rassurer tout un chacun sur la bonne santé de l’entreprise et de ses différentes entités alors que le plan de scission arrive à échéance. Pour mémoire, ce plan a été présenté pour la première fois en juin 2022 et prévoit la séparation en deux de la société avec d'un côté Tech Foundations (Atos) qui garderait l'activité d'infogérance et le digital workplace, de l'autre Eviden qui emporterait les activités rentables : transformation numérique, big data, cybersécurité.
La séparation définitive doit avoir lieu en juillet prochain, et pourtant, la branche Eviden (ex-Evidian) est toujours à vendre. Aujourd’hui, le groupe se concentre sur ce qu’il reste à sauver du navire Tech Foundations. Nourdine Bihmane, directeur général du groupe Atos et co-dirigeant en charge de Tech Foundations est revenu sur le plan baptisé « recentrage, redressement et rebond ».
Toucher le fond pour mieux rebondir
S’il y a bien un point à retenir, c’est que l’ESN française mise tout sur l’année 2026 puisqu’elle est prête à toucher le fond en 2024. « Le chiffre d’affaires de Tech Foundations devrait atteindre un plancher en 2024, à environ 5 milliards d'euros, combinant une croissance organique de 0 % à 2 % par an du chiffre d'affaires cœur de métier ». Cette remontée des enfers passe notamment par la « mise en œuvre d’un plan global d'expansion des marges, visant une amélioration brute de 1,2 milliard d'euros d'ici à 2026 et permettant d’atteindre une marge opérationnelle dans la norme du secteur de l’ordre de 6 à 8 % » ainsi qu’un « chiffre d’affaires renouant avec la croissance » cette même année.
Lors de son bilan annuel pour l’année écoulée, le groupe a fait part d'un chiffre d'affaires en hausse de 1,3 % à taux de change constants. Sa marge opérationnelle de 356 M€ ne pesait alors que 3,1 % des revenus contre 3,5 % l’an précédente. Et pourtant, Atos annonce que sa branche Tech Foundations a stabilisé son CA avec une croissance organique de +1,2% en 2022, et sa marge opérationnelle est redevenue positive, avec trois ans d’avance sur le plan initial. En ce qui concerne son flux de trésorerie, ce dernier devrait être positif en 2025 et atteindre plus de 250 millions d'euros en 2026. En clair, il ne faut rien attendre avant cette date butoir et la division effective des activités est un facteur déterminant à ne pas ignorer dans ces prévisions. Car, s’il y a bien une chose qu’Atos sait faire, c’est faire miroiter un avenir meilleur à ses clients et aux investisseurs.
Réduire les coûts et recentrer le portefeuille
Dans le détail, le plan global d’expansion des marges annoncé passe par des coupes radicales. Le Groupe indique qu’une amélioration brute de 270 millions d'euros a déjà été notée sur la période du premier trimestre 2023. Et pour cause : l’ESN a procédé à des licenciements massifs – 900 personnes – « dans des pays à coûts élevés », ainsi qu’à des hausses de prix pour plus de 85 comptes clients et au redressement des contrats sous-performants à hauteur de 66 % de leur chiffre d’affaires cumulé. Elle est toutefois encore loin de l’objectif du départ de 7 500 personnes annoncé dans son plan de transformation pour un montant total de 1,2 milliard d'euros. Nourdine Bihmane précise qu’environ 75 % de ces départs seront achevés d’ici à 2024. A ce jour, l'entreprise compte 52 000 employés répartis dans 69 pays. Tech Foundations indique également avoir signé de nouveaux clients et contrats significatifs aidant à reconstruire une dynamique commerciale au sein du groupe. « Avec les actions actuellement en place, Tech Foundations vise à améliorer significativement son ratio prises de commandes sur chiffre d’affaires ».
Durant cette matinée, Nourdine Bihmane est également revenu sur ce qu’il appelle la redéfinition du portefeuille d’activités cœur de métier de Tech Foundations. L’enjeu étant de répondre aux problématiques actuelles et à venir : l’organisation des espaces de travail numériques post-covid, la transition rapide vers le multi-cloud et les configurations hybrides, ainsi que l'importance accrue du cloud de confiance et de l'intelligence artificielle. Avec cette réorientation, Tech Foundations cible un marché adressable plus important, représentant environ 705 milliards d'euros à l'échelle mondiale. Atos précise que ce marché devrait connaître un taux de croissance annuel moyen compris entre 3 % et 5 % sur la période 2022-2026. A ce jour, le portefeuille de la branche s’articule autour de quatre activités pour un chiffre d’affaires total de 4,5 milliards d'euros pour l'exercice 2022. Parallèlement, Tech Foundations réduit activement son exposition aux activités considérées comme non-cœur de métier (BPO, revente de matériel et de logiciels, et UCC), qui représentaient un chiffre d'affaires de 900 millions d’euros en 2022.
Quel avenir pour l’ESN française ?
« Nous allons faire cinq choses : fidéliser les revenus, augmenter les revenus complémentaires, stimuler la chasse aux grands contrats et aux nouveaux logos, développer les alliances, et stimuler la croissance des nouvelles offres/capacités » argue Clay Van Doren, DG pour la région Europe du Nord et Asie Pacifique d’Atos. La firme mise donc beaucoup sur la poursuite d’une réduction maîtrisée des activités non-cœur de métier. La croissance étant attendue au tournant en 2026. Concernant le flux de trésorerie disponible (avant intérêts et impôts), Nourdine Bihmane précise qu’il sera supérieur de plus de 300 millions d'euros sur la période 2023-2026 (contre -58 millions d’euros pour l’année 2022) – « ceci résultant d’une marge opérationnelle supérieure ainsi que d’un coût total du plan de transformation inférieur d’environ 10 % ».
Toutefois, un changement de dernière minute pourrait venir chambouler le programme. Selon nos confrères de BFM TV, Atos a approfondi ses négociations avec Daniel Kretinsky, candidat au rachat de la branche historique, Tech Foundations, en déclin. L'homme d'affaires et milliardaire Tchèque a fait parler de lui récemment en rachetant Editis et en montant au capital du groupe Casino. « Les discussions sont intenses et nourries, explique une source proche du groupe. Les deux parties ont l’intention d’aboutir mais rien n’est fait ». Un accord de principe pourrait être trouvé avant l'assemblée générale d'Atos prévue le 28 juin et ainsi, calmer les actionnaires. Toujours selon BFM, Atos serait prêt à laisser environ 600 millions d’euros de cash dans les comptes de sa branche pour que Daniel Kretinsky finance sa restructuration. Le Groupe attend en contrepartie que l'homme d'affaires investisse également dans sa branche Eviden afin de positionner celle-ci sur la voie de l'introduction en Bourse.