L’acquisition, pour 295 millions de dollars, de l’entreprise OpsGenie spécialisée dans la gestion d'incidents et basée à Boston, a été dévoilée hier lors de l’Atlassian Summit qui se tient à Barcelone (3 au 5 septembre). Avec ce rachat, Atlassian compte ajouter un produit dans sa gamme Jira pour aider les équipes opérationnelles à faire face aux pannes logicielles, dont les conséquences financières sont potentiellement coûteuses.
Le lancement d’un produit spécifique pour les équipes IT et techniques, qui intervient après l’accord conclu avec Slack pour la cession de ses outils HipChat et Stride de chat en équipe, va dans le sens de la nouvelle stratégie de l’éditeur australien. Aujourd’hui, de plus en plus d'entreprises ont besoin de maintenir une solide présence digitale. C’est pourquoi, la capacité à résoudre rapidement les pannes logicielles est devenue encore plus cruciale et beaucoup d’entreprises investissent dans des outils pour y parvenir. Selon Gartner, le marché des logiciels d’exploitation opérationnelle atteindra les 38 milliards de dollars d'ici 2022.
Un guichet unique pour gérer les incidents
Selon Scott Farquhar, CEO adjoint d'Atlassian, les équipes IT opérationnelles utilisent souvent plusieurs produits autonomes pour gérer les incidents. D’où le choix de l'entreprise de positionner Jira Ops comme une solution à guichet unique. « Jira Ops permet à lui seul d’intervenir, de résoudre et de s’informer sur un incident », a-t-il déclaré. Basé sur les processus de workflow de Jira, l’outil Jira Ops, plus spécialement dédié à la coordination des réponses, réunit les informations provenant de divers outils de surveillance, d'alerte et de communication dans un tableau de bord unique.
Jira Ops s'intègre avec plusieurs applications, dont Slack, ainsi que des outils d'alerte dans le cloud comme PagerDuty et OpsGenie. Il s’intègre aussi avec l'outil de communication Statuspage d'Atlassian pour la mise à jour des clients et des employés de JiraOps. Quant à Jira Software et à Confluence, ils peuvent être utilisés pour effectuer un bilan après incident. Atlassian prévoit d'offrir gratuitement Jira Ops jusqu’à la sortie de la version 1.0, début 2019. L’outil n'est disponible qu'en version cloud et aucune version sur site n’est envisagée pour l’instant. L'idée d’Atlassian n'est pas que Jira Ops remplace d'emblée d'autres outils, mais plutôt de l'intégrer avec eux. En particulier, les équipes IT peuvent toujours compter sur Slack et s’appuyer par ailleurs sur Jira Ops pour avoir plus de visibilité sur ce qui se passe sur chaque plate-forme en utilisant l’outil comme centre de contrôle en cas d'incident. La timeline de Jira Ops fournit également un aperçu des événements, ce qui permet aux nouveaux intervenants d'être rapidement au fait de la situation. En utilisant les workflows de Jira, il est possible d’automatiser certains processus de réponse et de résolution des incidents. Par exemple, PagerDuty ou OpsGenie peuvent créer automatiquement un incident dans Jira Ops pour déclencher une intervention, et les canaux Slack dédiés peuvent être ouverts instantanément pour discuter de la réponse.
Des développeurs aux équipes IT
« Le marché des opérations IT représente une opportunité importante pour Atlassian », a déclaré quant à lui Michael Azoff, analyste senior chez Ovum. « Le lancement d'une version dédiée de Jira a du sens pour les utilisateurs », a-t-il ajouté. « Jira est un outil très flexible, il peut donc s’adapter à n’importe quel type d'utilisateur – y compris les opérationnels », a-t-il encore déclaré. « Jira Ops offre une solution prête à l'emploi avec des fonctionnalités déjà en place. Il n’est donc pas nécessaire de manipuler l'outil pour créer des flux de travail et autres. Beaucoup de fonctions devops sont intégrées et l’outil dispose de plus de capacités d'automatisation et demande moins d’interventions manuelles », a encore ajouté M. Azoff.
Ces dernières années, la portée de Jira, initialement conçu comme un outil de suivi des incidents et de gestion de projet pour les développeurs, a été étendue avec l'ajout de Jira ServiceDesk, lequel cible plus directement les équipes IT, et celui de Jira Core pour les utilisateurs professionnels. « Historiquement, nous nous sommes concentrés sur les équipes de développement de logiciels », a aussi expliqué Scott Farquhar, faisant remarquer au passage que, depuis, les outils ont été adaptés par divers utilisateurs. « L’IT fait partie de ces équipes critiques. C'est aussi un domaine vers lequel nous avons été véritablement poussés par nos clients ».
Une acquisition importante
L'acquisition de l’éditeur OpsGenie est la plus importante réalisée par Atlassian depuis le rachat l’an dernier pour 425 millions de dollars du fournisseur de gestion de tâches Trello. OpsGenie compte plus de 3 000 clients, dont Air Canada, le Washington Post et Expedia. Cela fait plusieurs années que l’entreprise travaille avec Atlassian, intégrant sa solution avec des outils comme Bitbucket, Jira Service Desk et Statuspage. « Cette acquisition signifie qu'OpsGenie peut être encore plus profondément associé aux outils d'Atlassian », a déclaré Berkay Mollamustafaoğlu, co-fondateur et CEO d'OpsGenie. « Du point de vue des produits, le rachat par Atlassian va nous permettre d'offrir une bien meilleure solution aux équipes », a-t-il encore déclaré hier lors d'une conférence de presse.
Les analystes de Forrester Research classent les outils de OpsGenie, et de vendeurs comme xMatters, PagerDuty et VictorOps dans la catégorie des outils de « résolution continue » ou de « gestion des incidents de nouvelle génération ». Chaque fournisseur offre des fonctionnalités différentes, mais tous se concentrent en général sur les aspects collaboratifs de la résolution des incidents plutôt que sur des outils de gestion des services IT établis, qui privilégient souvent les workflows avec tickets. « Ce ne sont pas de grandes entreprises et il n'est pas étonnant qu'elles soient absorbées par de plus gros acteurs : Splunk a racheté Victorops, et c’est au tour d’Atlassian de racheter OpsGenie », a déclaré Charles Betz, analyste senior chez Forrester. Selon lui, d'autres acteurs du marché pourraient imiter Atlassian, mais certains essaient aussi de développer leurs capacités en natif.