Alors qu'Apple est confronté à une poussée de vagues réglementaires (RGPD, DMA, DSA...), son service Pay va permettre aux solutions de paiement concurrentes en Europe d'accéder aux puces NFC des iPhone ouvrant enfin la voie aux règlements en un clic. Si, en décembre dernier, la firme à la pomme avait déjà fait un geste sous pression européenne, elle va aujourd'hui plus loin. La décision d'Apple va amener mécaniquement de la concurrence dans le domaine des paiements mobiles, ce que recherchait précisément la Commission européenne avec qui Apple entretient un différend de longue date sur le sujet.
En vertu de cet accord, le géant américain va autoriser les fournisseurs de portefeuilles numériques à accéder à la puce NFC à l'intérieur de ses terminaux iOS sans exiger qu'ils utilisent Pay ou Wallet. Cela signifie que les rivaux peuvent désormais concurrencer directement le service d'Apple et, en théorie, que les clients peuvent choisir le système de paiement qu'ils préfèrent. Cela repose sur un grand nombre d'engagements, consignés dans un document de 36 pages publié aujourd'hui. "Désormais, les concurrents pourront rivaliser efficacement Apple Pay pour les paiements mobiles avec l'iPhone dans les magasins", a expliqué Margrethe Vestager, commissaire européenne en charge de la concurrence, dans un communiqué. "Ainsi, les consommateurs auront le choix entre un plus grand nombre de portefeuilles mobiles sûrs et innovants."
Une amende en cas d'engagements non respectés
Ces engagements doivent rester en vigueur pendant dix ans et s'appliqueront à l'ensemble de l'EEE. "Leur mise en œuvre sera contrôlée par un mandataire désigné par Apple, qui rendra compte à la Commission pour la même période", a déclaré la Commission européenne. Si la société ne les respecte pas, elle s'expose à une amende pouvant atteindre 10 % de son chiffre d'affaires annuel total sans qu'il soit nécessaire de constater une infraction aux règles de l'UE en matière d'ententes et d'abus de position dominante, ou à une "astreinte" de 5 % par jour de son chiffre d'affaires journalier pour chaque jour de non-conformité.
Un coup d'œil à l'accord de 36 pages permet de comprendre comment le système fonctionnera. Tout d'abord, les développeurs de systèmes de paiement devront obtenir des droits d'accès à une série d'API qu'Apple mettra à disposition pour prendre en charge les systèmes de paiement concurrents, mais uniquement ceux qui opèrent dans l'Espace économique européen. L'entreprise s'efforcera également de prendre en charge les normes en constante évolution ; les développeurs devront s'acquitter de frais de développement, mais pas de frais liés à l'utilisation du système NFC. Cela signifie qu'Apple ne recevra pas de commission pour les paiements effectués. Pour les consommateurs, il sera possible de choisir un système de paiement préféré (y compris Apple Pay) grâce à une nouvelle section dans les paramètres Réglages de son smartphone. L'iPhone tiendra également un registre des applications de paiement installées qui souhaitent un accès NFC, et il sera possible de sélectionner celle que l'on souhaite utiliser un peu comme on le ferait en parcourant les cartes de paiement dans son portefeuille. Pay fonctionne aussi sur Watch, mais il sera aussi possible pour un utilisateur de choisir un autre système de paiement.
Des recours pour les concurrents d'Apple
Si un développeur ou un prestataire de services de paiement estime qu'il n'est pas traité équitablement par la firme à la pomme, il pourra déposer une plainte écrite auprès d'un administrateur ad hoc. Nommé par Apple et approuvé par la Commission européenne, ce dernier sera un tiers indépendant qui contrôlera le respect de l'accord par l'entreprise. Le mandataire peut recruter une équipe de soutien composée de trois conseillers au maximum, et des contrôles stricts seront mis en place pour empêcher les mandataires de partir travailler pour Apple ou ses concurrents avant un certain délai. Il y aura également un comité d'appel qui statuera au cas où un litige nécessiterait un contrôle indépendant.
La décision d'Apple de parvenir à un accord constructif concernant son service Pay en Europe pourrait s'avérer être un signe avant-coureur d'une détente future similaire concernant la loi européenne sur les marchés numériques (DMA). Bien que les récentes déclarations de Margrethe Vestager suggèrent qu'elle a peu d'empathie pour les arguments d'Apple, l'entreprise a déjà révisé certains des arrangements qu'elle a proposés pour mettre ses pratiques commerciales en conformité avec la DMA ou des règles similaires qui se profilent dans d'autres pays. Il n'y a aucune raison de penser qu'elle ne poursuivra pas un dialogue constructif, sans aller jusqu'à faire preuve d'un enthousiasme débordant... On peut cependant se demander si les accords iront assez loin pour l'Europe ou pour certains des détracteurs les plus virulents d'Apple. Mais pour la prochaine décennie, au moins, il sera possible d'utiliser aussi facilement un autre système de paiement que Pay sur son iPhone.